Cette émission « Pièces à conviction » du 13 novembre 2013 était donc centrée sur la question du « prix » du médicament. Il s’agissait manifestement de nous faire adhérer, en matière de produits de santé, à un système de concurrence par les prix.
De façon plus ou moins sournoise, nous l’avons vue mettre en scène ce système, utilisé ailleurs, qui permet d’obliger le patient, s’il veut obtenir un remboursement, à prendre le médicament qui aura été retenu – parmi d’autres apparemment équivalents sous l’angle thérapeutique – parce qu’il était le moins cher… Tout un programme, qui aidera au développement des assurances complémentaires au caractère le plus décidément spéculatif.
Mais les multinationales du médicament, telles qu’elles se trouvent emmenées sur le sol français par Sanofi, ne jouent pas dans ce registre-là, pour l’instant. En effet, la concurrence par les prix s’appuie sur une baisse des coûts de production, baisse qui doit ensuite se répercuter sur le prix de vente. Or, en France, le Comité économique des produits de santé (CEPS) ne résout pas la question de la fixation du prix du médicament de cette façon.
Soulignons-le tout de suite… Sanofi est la plus grosse capitalisation boursière de la Bourse de Paris : elle est le point d’aboutissement d’une politique économique entamée dans les années soixante-dix, avec en arrière plan L’Oréal et Total. Voilà le fer de lance de l’impérialisme français.
Dans ce contexte, la Sécurité sociale a constitué, et constitue encore, la base arrière d’une guerre qui se mène avec un souci principal : la rente.
Pour toutes ces questions, je renvoie à « Une santé aux mains du grand capital? – L’alerte du Médiator »…
Le Comité économique des produits de santé établit le prix des médicaments sur la base des coûts de production (minimes), mais il tient compte surtout de la part prise dans la mise au point d’innovations médicamenteuses (impact direct sur les ventes dans le monde), mais surtout pas dans les améliorations thérapeutiques, qui sont nécessaire-ment le cadet de ses soucis, puisque Sanofi n’a quasiment jamais rien apporté sur ce terrain qui concerne pourtant directement notre santé…
En fait, le médicament est l’instrument d’une guerre économique permanente. Sanofi est notre Napoléon d’aujourd’hui. Qui pourrait se refuser à lui faire le sacrifice de sa santé ?
C’est bien Christian Lajoux, celui-là même qui a été mon voisin d’enfance (cf. « Une santé aux mains, etc. » pages 11 à 19), qui est maintenant (2016) encore P-DG de Sanofi-France, tandis qu’il aura présidé le LEEM (syndicat patronal de l’industrie du médicament) jusqu’en 2012, c’est donc bien Christian Lajoux qui a écrit dans son ouvrage « Le médicament, enjeu du 21° siècle » (2010) :
« […] après coup, dans le grand audit postindustriel qu’exécute Napoléon Bonaparte, on s’aperçoit que la France possède un magnifique patrimoine, qu’elle peut en être fière et s’en prévaloir pour tenir tête à l’Europe des monarchies héréditaires. »
Or, les temps ont certes changé, mais, dans le rapport qu’ils avaient rédigé en 2011 à la demande d’un Sarkozy, les professeurs Bernard Debré et Philippe Even retrouvaient eux-mêmes les accents napoléoniens pour nous le crier :
« Voulons-nous ou non une grande industrie du médicament, alors que nous l’avons presque perdue ? Voulons-nous tenter ce pari difficile de recréer une industrie qui réponde à une demande croissante des peuples et à qui s’ouvre dans tous les pays des marchés énormes, puisqu’ils sont prêts, s’ils le peuvent, à consacrer 1 à 2% de leur PIB au médicament, comme nous le faisons nous-mêmes ? »
Il fallait être à Austerlitz !… Et voilà où se perdront notre santé et celle de nos proches.
Michel J. Cuny