
Les Partizani, Yougoslavie, Mai 1944, Tito à droite
En septembre 1944, l’Armée Rouge se trouvait à proximité de la frontière yougoslave. Le 21, Tito, sans en informer les “Alliés”, se rendit à Moscou pour s’entretenir avec Staline : c’était la première fois que les deux hommes se rencontraient. Le 28 septembre, l’Agence TASS (Telegrafnoïe aguentstvo Sovietskovo Soïouza = Agence Télégraphique de l’Union Soviétique) annonçait un accord, entre Staline et Tito, qui permettrait à l’Armée Rouge d’entrer en Yougoslavie afin d’organiser, avec les Partizani, des opérations sur le terrain destinées à épargner des vies humaines et des destructions, en vue de la libération, d’abord du nord-est du pays, puis de tout le pays. Le 29, cet accord était signé officiellement.
Durant ce mois de septembre, l’armée allemande d’occupation était harcelée partout où elle s’était installée : en France, en Belgique, en Hongrie, en Bulgarie, en Allemagne, en Roumanie, en Yougoslavie…
Dès le 1er octobre, l’Armée Rouge passait les frontières communes de la Roumanie et de la Bulgarie avec la Yougoslavie : une partie des troupes allait évoluer depuis la Roumanie, une autre depuis la Bulgarie, pour renforcer les groupes de Partizani, encercler la capitale Belgrade, et lancer l’offensive contre les troupes allemandes. Quelque 350.000 soldats de l’Armée rouge, qui devaient effectuer la jonction avec les Partizani, apportaient avec eux un matériel considérable : des avions, des navires, des chars, des canons, des mortiers…
Bientôt, les forces conjuguées de l’Armée populaire de libération de la Yougoslavie et de l’Armée Rouge, appuyées par quelques troupes de l’armée bulgare, allaient assurer la victoire des Partizani sur les forces de l’Axe contraintes de se replier hors des frontières du territoire yougoslave.
Le 20 octobre 1944, Belgrade, la capitale, était libérée. Une fois la libération obtenue, et conformément à l’accord signé, l’Armée Rouge, qui avait aidé à cette libération, allait quitter la Yougoslavie. Les Partizani et Tito pourraient bientôt jeter les bases d’un régime populaire.
Cependant, en février 1945, les “Alliés” n’arrivaient pas encore à accepter l’idée et le fait que le roi Pierre II ne pourrait plus monter sur le trône de Yougoslavie et qu’il ne pourrait plus y avoir de gouvernement royal. Ni les Partizani, ni Tito, qui étaient bien placés pour savoir qu’un grand nombre d’entre eux avaient payé de leur vie la lutte contre le nazisme et le fascisme, n’étaient disposés à faire une haie d’honneur au roi exilé de retour dans ses foyers. D’ailleurs, le roi n’était pas autorisé à remettre les pieds sur le sol de son pays qu’il avait abandonné à son triste sort avant de se raviser au moment opportun…
De nombreux Partizani avaient perdu la vie dans cette lutte anti-nazie et anti-fasciste. Le Serbe, Stjepan Filipović, 26 ans, avait été pendu le 22 mai 1942 à Valjevo. Le 25 mai 1944, Tito lui-même, 52 ans, avait échappé de justesse aux Allemands qui voulaient le capturer. Neđa Mladić, 36 ans, membre des Partizani yougoslaves de Bosnie-Herzégovine, avait trouvé la mort, au printemps de 1945, durant une attaque menée dans le village du chef croate, pro-nazi, Ante Pavelić ; Neđa Mladić était le père d’un petit garçon, prénommé Ratko, alors âgé de trois ans.
Les collaborateurs des nazis, en œuvrant et manœuvrant dans différents pays européens aux côtés des nazis allemands et des fascistes italiens, ont allongé le temps de guerre et contribué à de nombreux crimes, y compris contre leurs concitoyen(ne)s engagé(e)s dans la Résistance à l’occupant. Beaucoup ont échappé à la justice des pays libérés des troupes nazies et fascistes. Pire… Certains ont même retrouvé une certaine aura et ont eu une place de choix dans la bonne société politique, notamment en France.

Staline au travail, contre nazis et fascistes
Le 1er mai 1945, Staline, qui savait à quoi s’en tenir quant à cette seconde guerre mondiale politiquement et militairement dirigée contre l’URSS (Union des Républiques Socialistes Soviétiques), annonçait sobrement le ralliement de certaines divisions jusque-là restées du côté allemand :
« Notons que dans ces batailles, aux côtés de l’Armée rouge, les divisions polonaises, yougoslaves, tchécoslovaques, bulgares et roumaines ont pris part avec succès à l’offensive contre l’ennemi commun. »
[Staline, Oeuvres complètes, (1941-1949), Ordre du jour du Commandant en chef des forces armées de l’URSS N° 20, Moscou, 1er mai 1945, Pravda 1er mai 1945, page 84.]
En Yougoslavie, les Partizani, qui étaient des survivants des exécutions sommaires et des massacres, mettraient en place un régime tout à fait différent de celui que certains d’entre eux avaient connu avant la guerre.
Le 29 novembre 1945, la proclamation de la RFSY (République Fédérative Socialiste de Yougoslavie) en terminait avec toute velléité des “Alliés” de voir réapparaître le royaume yougoslave : la monarchie était abolie. La démocratie populaire durerait jusqu’au 27 avril 1992.
Le royaume yougoslave, démembré sous l’occupation nazie, cédait la place à une fédération de petites républiques et provinces qui allaient constituer, sous la direction de Josip Broz Tito, la RFSY (République Fédérative Socialiste de Yougoslavie). Tito serait Premier ministre de 1944 à 1963, président, puis président à vie de 1953 à 1980, maréchal, titre le plus élevé dans la JNA (Armée Populaire Yougoslave). Les entreprises de la RFSY étaient structurées selon un modèle d’autogestion des travailleurs.
Cette nouvelle entité durerait du 29 novembre 1945 jusqu’à la mort du Président Josip Broz Tito, le 4 mai 1980 (Tito était le nom de guerre que Josip Broz avait adopté pour le restant de sa vie).
La RFSY, de même que l’URSS (Union des Républiques Socialistes Soviétiques) (30 décembre 1922 – 25 décembre 1991), était peuplée de nombreuses communautés plus ou moins mêlées. Trois prédominaient en Bosnie : les Croates catholiques, les Serbes orthodoxes, les Bosniaques musulmans. La Yougoslavie, réunifiée, avait pris diverses mesures pour encourager les communautés à vivre, si possible, en bonne intelligence, en cultivant les relations de bon voisinage, y compris en Bosnie-Herzégovine où la population avait, suite à son histoire récente, des pensées quelque peu mitigées.
Après la mort de Tito, les six républiques et provinces allaient organiser une présidence tournante jusqu’au 27 avril 1992. La haine politique des Croates nazis et fascistes, qui avaient persécuté les Serbes, ne pouvait s’éteindre et les persécutions laissaient, chez les Serbes, des traces indélébiles dans les mémoires. La volonté déterminée des Croates et des Slovènes, puis des Macédoniens et des Musulmans, de reprendre ou de prendre leur indépendance, allait se manifester au prix d’une lutte contre l’armée serbo-fédérale, dans le but d’intégrer l’Europe du Centre, et, même, la CEE (Communauté Économique Européenne).
Le 25 juin 1991, l’Allemagne reconnaissante d’un passé politique partagé, contrevenait à ses propres déclarations et entérinerait, de façon unilatérale, au grand dam de la France et des États-Unis, l’indépendance de la Croatie et de la Slovénie, contribuant ainsi, une nouvelle fois, au démembrement de la Yougoslavie. Les relations diplomatiques entre l’Allemagne et les deux républiques, croate et slovène, s’établiraient à compter du 15 janvier 1992.
Un mois avant que les républiques de Croatie et de Slovénie ne prennent leur indépendance, le gouvernement français s’exprimait en ces termes sur la question : « La France est en effet convaincue, vous le savez, que c’est aux Yougoslaves et à eux seuls, qu’il revient par un dialogue politique, tenu à l’abri des provocations intérieures et des ingérences extérieures, de déterminer la forme future de leur État. Cet État unitaire (sic !) riche de ses diversités est le partenaire qu’attend l’Europe. » [Cité par Hans Stark, Dissonances franco-allemandes sur fond de guerre serbo-croate, article, Politique étrangère, année 1992, page 340. Note FP : l’interjection entre parenthèses n’est pas de mon fait.]
« […] c’est aux Yougoslaves et à eux seuls, qu’il revient […] de déterminer la forme future de leur État. »
Quand même !…

La Dame de Cœur
5 juin 2022