En France, du 10 janvier 1975 au 22 juin 1990, tous les vendredis de 21 heures 30 à 22 heures 15, les téléspectateurs et téléspectatrices pouvaient suivre l’émission “littéraire” Apostrophes, diffusée en direct sur Antenne 2, produite et animée par l’écrivain raté Bernard Pivot.
Celui-ci prétendait faire dans la Grande Littérature tandis que madame son épouse, Monique Pivot, née Dupuis, faisait plutôt dans la presse du cœur.
Outre qu’elle a été secrétaire de rédaction à l’hebdomadaire La Vie Catholique (1958-1960), directrice, pendant plusieurs années, du Gault Millau, Monique Pivot a été rédactrice en chef de la revue Modes de Paris (1964-1982), directrice de la rédaction d’Intimité (1982-1991), de Nouvel Intimité (1991-1992), de Nous Deux (1982-1993).
Comme quoi, les études au CFJ (Centre de Formation des Journalistes) de Paris, où Bernard et Monique s’étaient rencontrés, menaient à tout en 1955… Hélas, au fil de ces décennies, les études de journalisme ne se sont guère bonifiées…
En 1989, le présentateur télévisé, Daniel Bilalian, consacrait une séquence d’informations au genre “littéraire” très particulier : la presse du cœur et le roman-photos :
« L’évolution des mœurs n’épargne aucune institution aussi vénérable soit-elle, jusques et y compris, eh bien, les magazines de romans-photos comme Nous Deux ou Intimité dont les tirages atteignent encore plus d’un million et demi d’exemplaires. Mais la baisse est réelle, très nette, c’est pour cette raison que les classiques scenario de la pauvre jeune fille épousant un riche héritier sont en train de changer avec l’apparition, notamment, de couples libres, de femmes qui travaillent et pas seulement comme hôtesses de l’air. Enquête en Italie, le pays où se tournent les romans-photos. » [Dailymotion-Ina.fr, Roman Photos, Reportage : M. Trillat, E. Galeassi, E. Melonari, P. Caruccio.]
Marcel Trillat (Correspondant à Rome) : « Du nouveau sous les sunlights du roman-photos français. Nous Deux et Intimité font peau neuve, prudemment, bien sûr, et sans remettre en cause les règles sacrées du genre. Des corps de rêve. Personnages jeunes, beaux, riches et en bonne santé. Intrigue imperturbablement mélo. Dénouement désespérément heureux. Une technique dans laquelle les équipes italiennes ne craignent personne sur le marché de l’eau de rose. » [Idem.]
Répondant aux questions du Correspondant à Rome, la très jeune et souriante comédienne, Cindy Green, déclarait sur le tournage d’un roman-photos : « Je connais le début de l’histoire mais, à la fin, je ne sais pas du tout ce qui va se passer. » Se tournant vers son partenaire invisible sur l’écran, elle devait ajouter : « Sans doute qu’on sera tous contents. Ça finit bien. Ça finit toujours bien. » [Idem.]
Quant à Marcel Trillat, il répondait en écho :
« Ouf ! Nous voilà rassurés. Pourtant, lorsqu’on y regarde de plus près, il s’en passe de belles dans le Nouvel Intimité et dans Nous Deux dernier cri : des femmes qui ont l’audace de travailler pour gagner leur vie, par exemple ; pire encore, des effrontées qui n’attendent plus d’avoir la bague au doigt pour passer au lit et qui n’hésitent pas, en cas de pépin, à envisager carrément l’avortement. » [Idem.]
D’ailleurs, il devait interpeller Monique Pivot elle-même : « On lit des horreurs, maintenant, dans vos romans-photos : des jeunes gens, par exemple, qui ne sont pas mariés qui vivent sous le même toit… »

Monique Pivot dans tous ses états
Après avoir bien ri, madame Pivot expliquait : « Mais, effectivement, c’est vrai, ça raconte des histoires d’aujourd’hui parce que les lectrices le demandent : qu’elles veulent à la fois qu’une histoire soit romantique et réaliste. C’est pas toujours. C’est un passage qui n’est pas toujours diffici. facile à trouver. Et on doit faire, on doit quand même le trouver, soit par le texte, soit par l’image, et ce qui est encore mieux : par les deux à la fois, bien sûr. »
Mais où donc se lisaient ces romans-photos ? Marcel Trillat avait la réponse :
« On lit de plus en plus la presse du cœur dans les métros, aux heures de pointe, et de moins en moins dans les chaumières, entre deux séances de repassage. Alors, il faut bien s’adapter. Les chiffres de vente ne cessent en effet de fondre : plus d’un million, il y a dix ans, moins de 750.000 aujourd’hui pour Nous Deux. Même si chaque exemplaire est lu en moyenne par quatre personnes. Des fans qui seraient prêtes aux pires extrémités si on les privait de leurs romans-photos hebdomadaires. » [Idem.]
La directrice Marketing, Anne-Marie Lesage, en riait : « Oh, il y a… quatre millions de femmes qui se suicident. Ça, c’est sûr. C’est qu’en fait, ces deux journaux sont encore, aujourd’hui en 1989, des [?] qui sont achetés pour le roman-photos. » [Idem. Note FP : Je ne suis pas parvenue à comprendre le mot utilisé par la directrice Marketing.]
Laissons la littérature à l’eau de rose…
et revenons aux choses “sérieuses”…
Françoise Petitdemange
29 juin 2022