Si la sécurité des propriétaires blancs – et de leurs propriétés – conduit parfois les autorités de Caroline du sud à exiger de certains membres de la communauté noire qu’ils viennent payer le prix du sang en tournant, contre les « dangereux » Amérindiens de l’extérieur, les armes qu’on leur aura remises avec toutes les précautions nécessaires, et s’ils peuvent parfois en retirer la rare récompense d’un affranchissement dont ils devront aller essayer ailleurs l’effet bénéfique qu’il a quelques chances d’avoir pour leur vie quotidienne et celle de leurs enfants, l’ordinaire des esclaves n’en demeure pas moins fixé par cette règle qu’avec Lawrence Aje nous allons pouvoir regarder de plus près :
« La population esclave ou libre d’origine africaine fait l’objet d’une discrimination légale explicitement raciste. » (Idem, alinéa 25)
Sans entrer dans les détails de la méthode d’exploitation de cette main-d’œuvre « étrangère », en particulier à la « race blanche », une première remarque s’impose…
« Dès 1712, le code esclave admet que les plantations de la province ne sauraient être gérées et exploitées de façon satisfaisante sans les employer. Et d’ajouter que « les dits nègres et autres esclaves » sont d’une nature barbare et sauvage qui les rend incapables d’être gouvernés par « les lois, coutumes et pratiques » de la province. » (Idem, alinéa 25)
Ce ne sont décidément pas des… Blancs. Aujourd’hui, on dirait qu’il n’y a pas, dans leur ADN, ceci ou cela… et l’affaire serait réglée en douceur… Ceci dit, on saurait également trouver, dans le même ADN, quelques éléments tout de même plutôt positifs pour la… civilisation en général. Et c’est quelque chose que nous connaissons déjà…
« On justifie l’adoption du code esclave pour restreindre les actes de « désordres, de rapines et d’inhumanité » auxquels les esclaves sont naturellement enclins, tout en permettant d’assurer la sécurité des habitants du territoire. » (Idem, alinéa 25)
La première « sécurité » se fait contre eux, et sans eux… La seconde se fait, en partie par eux, et contre d’autres… Un ADN biface, sans doute… Chez les uns, il montre ceci. Chez les autres, cela… Mais, le Noir en général reste un Noir dont le Blanc, quelle que soit son rang social, doit bien montrer qu’il a compris les enjeux fondamentaux de la discrimination légale raciste qui le frappe… Ainsi que le travail détaillé de Lawrence Aje nous l’indique :
« Le code esclave renforce les mesures de surveillance de la population asservie en rendant passible d’une amende tout Blanc, quel que soit son statut, qui ne punirait pas de coups de fouets un esclave arrêté sans billet d’autorisation de son maître hors de sa plantation. » (Idem, alinéa 25)
Cependant le critère de la blancheur de peau, à force d’être opposé, de la façon la plus cruelle, à celui de la noirceur qu’on envoie au travail ou à la guerre extérieure, finit par donner à entendre que la couleur intermédiaire – qui donc ne se confondra ni avec l’un des deux côtés de la société carolinienne ni avec l’autre – pourrait aider à maintenir un ordre intérieur qui, avec l’évolution démographique déséquilibrée en faveur des Noirs, donne aux Blancs de plus en plus d’occasions de se sentir isolés. Ainsi…
« C’est précisément au moment où la Caroline du Sud renonce à la pratique d’asservir les Amérindiens dans les années 1730, qu’elle encourage les tribus environnantes à chasser les esclaves fugitifs. Les Cherokees se voient ainsi proposer un fusil et un matchcoat, c’est-à-dire une tunique composée de peaux, dix milles pierres à fusil et six douzaines de hachettes pour tout esclave capturé. » (Idem, alinéa 25)
Plus que sur le redressement du délit ou du crime en quoi consisterait la fuite hors de la condition d’esclave, cette chasse au fuyard est la marque de l’affirmation – contenue dans la loi elle-même – de ce qu’il y a une race décidément inférieure – la noire… affrontée à la blanche et à ce qu’ailleurs on appellerait les… peaux-rouges. En effet, et toujours selon ce que Lawrence Aje a pu en vérifier :
« Après 1740, tandis que la loi prévoit une récompense pour les Blancs et les Indiens libres qui permettent la capture d’un esclave fugitif, la population noire, qu’elle soit esclave ou libre, ne peut y prétendre. » (Idem, alinéa 25)
Cependant, ainsi qu’en Israël aujourd’hui, la classe dirigeante qui – à défaut d’être juive – est tout simplement de peau blanche reçoit enfin un sang neuf qui ressemble à la couleur du sien… si l’on ose dire…
« Les différentes politiques de peuplement de la Caroline du Sud ont pour effet d’attirer des colons originaires de différents pays européens, qu’ils soient Français, Suisses, gallois, écossais-irlandais ou allemands. À mesure des importations d’esclaves, la servitude sous contrat blanche et, plus largement, la politique de peuplement du territoire par une population blanche, se développe en opposition à l’esclavage racial, en atténuant les différences religieuses ou nationales qui un temps avaient été considérées comme rédhibitoires. » (Idem, aliéna 26)
Évidemment, une certaine ressemblance avec Israël ne peut plus valoir jusque sur ce dernier point… Mais revenons à la Caroline du sud plus particulièrement…
« Progressivement, les différences nationales ou confessionnelles se subsument dans une opposition binaire raciale entre Blancs et non-Blancs. Ainsi, alors que les élections de 1701 pour l’Assemblée avaient donné lieu à des plaintes car des étrangers, des huguenots, des juifs, des indigents, des marins, des serviteurs et des noirs libres avaient été autorisés à voter, à quatre reprises entre 1717 et 1745, outre les obligations de posséder des biens imposables et d’être âgé de 21 ans, on insiste sur le fait que seuls peuvent voter les hommes blancs libres professant la religion chrétienne. »
Grâce à Lawrence Aje, entrons maintenant dans quelques distinctions tout à fait significatives d’un tableau d’ensemble où les pouvoirs de police et d’application des peines ne peuvent être que le fait d’une race blanche dont il n’y a pas à douter qu’elle est toute dévouée à la justice…
« De façon très intéressante, pendant cette même période, les deux codes de 1717 et 1744, régissant la conduite des serviteurs sous contrat blancs précisent que bien que ces derniers soient passibles de coups de fouets pour certains crimes, cette punition ne saurait être qu’administrée par un officier de police ou une personne blanche. Et en 1744, si on rappelle que tout serviteur blanc confisqué à un maître pour le protéger de mauvais traitements subis doit tout de même honorer à terme son contrat, son temps de service restant ne peut être effectué que sous l’autorité d’une personne blanche. » (Idem, aliéna 26)
Nous pouvons maintenant mettre un point final à cet article en reprenant le premier paragraphe de la conclusion que Lawrence Aje donne au sien dont le titre – parce que nous sommes engagé(e)s ici dans un travail qui concerne l’Europe d’Ursula von der Leyen – prend tout à coup une étrange résonance : Les politiques publiques de peuplement de la Caroline du Sud au prisme de la servitude sous contrat et de l’esclavage, 1670-1776…
« Malgré l’existence de situations exceptionnelles, de façon générale, il apparaît clairement que les logiques qui sous-tendent les politiques d’importation, d’exploitation économique et d’intégration (ou d’exclusion) sociale des serviteurs sous contrat et des esclaves diffèrent sensiblement. Tandis que le serviteur blanc devient au terme de son contrat un citoyen blanc, susceptible à terme de jouir de droits politiques, l’esclave qui bénéficie d’un hypothétique affranchissement est promu à la condition juridique de personne de couleur libre dont l’ascendance noire lui confère un statut socio-racial dégradé. » (Idem, alinéa 28)
Michel J. Cuny
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