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Dès le début de l’abécédaire qu’il consacre à Vladimir Poutine – Poutine de A à Z, Éditions Stock 2017 -, Vladimir Fédorovski s’enchante de ce que l’ordre alphabétique soit excessivement favorable à Andropov (Iouri)…
« De fait, comment ne pas évoquer d’abord celui qui fut le premier grand patron de Vladimir Poutine au KGB. » (Fédorovski, page 22)
Ainsi que nous l’avons vu précédemment, depuis le début des années 2000, Iouri Andropov fait l’objet, en Russie, d’un « miniculte »… À quel titre ?
Pour sa part, Andreï Kozovoï nous propose de pousser plus loin dans l’histoire de l’Union soviétique… Nous voici carrément revenu à la Révolution d’Octobre 1917 :
« À remonter plus loin, Andropov pourrait rappeler son illustre prédécesseur, le fondateur de la Tcheka, Félix Dzerjinski, un homme impitoyable avec les opposants au régime, mais en même temps un partisan de la NEP [Nouvelle politique économique]. Andropov, éloigné des intrigues de la politique et dévoué corps et âme à son travail, pouvait certainement rappeler un Dzerjinski, disparu d’une attaque, le 20 juillet 1926, après un discours virulent de deux heures contre la désorganisation ambiante qui lui rendait la tâche impossible. » (Kozovoi, pages 74-75)
D’un certain point de vue donc, la chaîne d’interprétation de l’actuel pouvoir russe pourrait être la suivante : Dzerjinski (Tcheka) – Andropov (KGB) – Poutine (FSB) !…
Essayons de cerner de plus près la personnalité du second anneau, c’est-à-dire de celui qui a été le premier patron (au KGB) de Vladimir Poutine : Iouri Andropov. Nous voici revenu(e)s au temps de Leonid Brejnev… Vladimir Fédorovski, qui a été l’interprète de celui-ci, nous apporte une première information qu’il vaudrait mieux ne plus perdre de vue :
« Voyons l’histoire en perspective : pour avoir approché de près Leonid Brejnev, je suis en mesure d’affirmer qu’en son for intérieur il n’a jamais cru au marxisme. À l’inverse, Andropov non seulement y croyait, mais considérait qu’il fallait maintenir le système en l’améliorant. » (Fédorovski, Poutine de A à Z, page 26)
Faudrait-il faire le lien entre l’adversaire le plus acharné du système soviétique et de la Russie de Poutine, Boris Berezovski – qui était juif -, et les plus acharnés adversaires de Iouri Andropov ?
Lisons Andreï Kozovoi :
« Les plus entêtés des criminels politiques, les dissidents, et les refuzniks, ces Juifs à qui on a refusé le visa de sortie et qui ont eu la mauvaise idée de se plaindre en public, ont droit à un traitement de faveur : les hôpitaux psychiatriques. Leur nombre est passé à trente par les bons soins d’Andropov, alors patron du KGB. » (Kozovoi, page 33)
Pour sa part, Boris Berezovski avait obtenu la nationalité israélienne en supplément de la russe… Qu’en aura-t-il fait ? Ne l’aura-t-elle pas aidé à organiser son extraordinaire enrichissement ?…
Mais, revenons à Iouri Andropov, tel que le même Andreï Kozovoi nous le décrit durant la période stalinienne :
« Comme tant d’autres, il participe à la « grande purge » de la fin des années 1930. Andropov dénonce à tour de bras les « ennemis du peuple », les « trotskistes », les « espions » et les « saboteurs ». » (Kozovoi, pages 38-39)
Comme nous le verrons, Mikhaïl Gorbatchev, son épouse Raïssa et Boris Eltsine sont issu(e)s de familles qui ont effectivement figuré, elles aussi, dans cette catégorie qui rassemblent les adversaires actifs de la ligne bolchevique… Quelle était donc celle-ci ? Pour l’instant, nous ne le savons pas encore, mais nous savons déjà quelles conséquences terribles a pu avoir, à partir de 1985, l’arrivée à la tête de l’État soviétique, puis de l’État russe, de semblables personnages…
Revenons au texte d’Andreï Kosovoi :
« En 1940, Andropov devient Premier secrétaire du comité central du Komsomol dans la république de Carélie, une région flambant neuve occupée grâce au pacte germano-soviétique. Il y donne la pleine mesure de son talent de futur patron du KGB en nettoyant la région des « traîtres » et trouve un nouveau maître à penser en la personne d’Otto Kuusinen. » (Andreï Kozovoi, page 39)
Puisqu’il s’agit d’une prise due à ce fameux pacte germano-soviétique (« de non-agression », aura-t-on oublié de préciser) qui a si mauvaise réputation en Occident, elle est sans doute criminelle… Quant aux guillemets qui encadrent le mot « traîtres » ils sont, bien sûr, censés nous faire entendre qu’il s’agit d’une fausse accusation…, ce qui permet de ne donner aucun contenu aux éventuels griefs des autorités soviétiques…
Passons au « nouveau maître à penser » de Iouri Andropov :
« Cet ancien du Komintern fut l’artisan de la communisation de la Carélie pendant la « guerre d’hiver » de l’URSS contre la Finlande (1939-1940). Kuusinen avait alors été pressenti par Staline pour animer un gouvernement finlandais en cas de victoire. Mais les Finlandais s’étaient montrés de redoutables combattants, et Staline avait dû se contenter de prélever 10 % du territoire finlandais pour en faire une « République socialiste carélo-finnoise », devenue en 1956 la république autonome de Carélie. » (Kozovoi, page 39)
La formulation utilisée nous conduit à croire que les Soviétiques avaient décidé de conquérir… la Finlande. Il ne s’agissait absolument pas de cela. Joseph Staline avait proposé un échange de territoires, l’URSS voulant tout simplement contrôler les abords plus ou moins rapprochés de Leningrad… dont il faut rappeler que le blocus dont elle a été la victime du 8 septembre 1941 au 27 janvier 1944 (872 jours) a provoqué 630.000 morts…
Évidemment, les Soviétiques n’exigeaient pas des Finlandais qu’ils se joignent à eux en cas d’attaque allemande. Ils ne voulaient que pouvoir se défendre eux-mêmes, défendre Leningrad, à partir d’une position avantageuse…
Mais il paraît que les dirigeants finlandais avaient une tout autre idée. Ainsi étaient-ils décidés à s’opposer, les armes à la main, à toute tentative qui serait faite pour ne pas leur laisser la possibilité de servir de marchepied aux… armées allemandes.
À contrecœur, et sans y être du tout préparés, les Soviétiques ont donc dû se saisir par la force de la voie d’accès prioritaire, à travers le sud de la Finlande, non seulement à Leningrad, mais à l’ensemble de la Russie d’Europe… 10% du territoire finlandais, comme le remarque Andreï Kozovoi.
Voyons la suite.
Dès que la décision d’attaquer l’URSS, en dépit du pacte de non-agression germano-soviétique, eut été communiquée à quelques pays choisis, Joseph Goebbels a pu noter dans son Journal (16 juin 1941) :
« La Roumanie et la Finlande marchent avec nous. » (1939-1942, Tallandier, 2009, page 310)
Quand vint le moment de combattre, et, pour les Allemands, de relever les mérites de certains, le même se plut à écrire (9 juillet 1941) :
« L’attitude de l’armée roumaine et surtout celle de l’armée finnoise suscitent la plus haute approbation du Führer. Les Finnois se battent comme des enragés. On a l’impression qu’ils ont rompu les ponts derrière eux et qu’ils suivent à présent un dieu sacré de la guerre, pour venger tout de que leur a infligé le bolchevisme, et aussi, jadis, la Russie. » (pages 327-328)
Bien sûr, le siège de Leningrad a principalement été le fait des Allemands et des… Finlandais…
Le 4 juin 1942, neuf mois après qu’il eut commencé (8 septembre 1941), un événement tenu secret se produisait en Finlande…
L’homme à l’origine de cette politique hitlérienne de la Finlande – politique engagée avant l’entré des troupes soviétiques sur le sol finlandais en 1940 – avait ce jour-là 75 ans tout juste… Le baron Carl Gustaf Emil Mannerheim venait d’être fait maréchal, titre que jamais personne n’avait eu avant lui, et que personne n’a eu depuis, dans son pays.
Adolf Hitler – Carl Gustaf Emil Mannerheim
(4 juin 1942)
Mais il y a beaucoup mieux – et c’est là ce qui valut à cette cérémonie d’être arrangée en secret : un honorable personnage est venu y associer le IIIe Reich allemand dont la Finlande avait bien mérité : Adolf Hitler.
Peut-être comprenons-nous bien mieux maintenant à quel genre de « traîtres » (pour reprendre les guillemets d’Andreï Kozovoi dans le sens exactement inverse), Iouri Andropov avait eu affaire dans la Carélie de 1940…
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Michel J. Cuny
Une réflexion sur “Quand Iouri Andropov organisait la protection de la future ville natale de Vladimir Poutine”