Rédigé en 1943 par un Pierre Cot qui était alors réfugié aux Etats-Unis, « Le procès de la république » s’ouvre sur cette épigraphe :
« À mes camarades du Front Populaire qui poursuivront jusqu’au bout la lutte engagée au lendemain du 6 février 1934 contre le Fascisme et l’Hitlérisme. »
Pierre Cot (1895-1977)
Ainsi Pierre Cot s’adresse-t-il non pas à ces « ouvriers de la dernière heure » contre lesquels Jean Moulin ne cessait de mettre en garde, non pas aux « résistants du lendemain », mais à ceux dont le sort s’était trouvé lié par l’antifascisme depuis cette date fatidique de février 1934…
Revenant sur cette période d’avant guerre au long de laquelle il n’avait cessé d’être accompagné de Jean Moulin et des deux futurs secrétaires généraux du Conseil National de la Résistance, Robert Chambeiron et Pierre Meunier, il écrivait :
« Mon nom a figuré sur toutes les listes de gens à tuer ou à traduire en Haute-Cour, composées, depuis dix ans, par les ennemis de la République. »
Mais de quelle république pouvait-il s’agir, selon Pierre Cot lui-même ?
« Pour ma part, je croyais et je crois encore qu’une synthèse unissant l’esprit de la Révolution Française à l’esprit de la Révolution Russe, peut fournir à l’Europe les formules capables de renouveler son idéologie politique et de rajeunir sa démocratie. »
C’est donc dans le droit-fil de cette prise de position que Pierre Cot, devenu ministre de l’Air, s’était rendu en U.R.S.S. au mois d’août 1933 :
« J’étais le premier Ministre français à se rendre en Russie Soviétique. »
Ici va se nouer un lien essentiel de la politique étrangère française, lien que viendront briser, en septembre 1938, les accords de Munich…
« À la fin de mon voyage, le Gouvernement des Soviets me pria de transmettre confidentiellement au Gouvernement français une proposition tendant à la négociation d’un Pacte de Sécurité. »
Or, c’est à ce moment précis que Jean Moulin vient reprendre sa place de chef de cabinet aux côtés de Pierre Cot qui constatera plus tard :
« […] c’est bien au cours de l’été 1933 que furent posées les premières pierres de ce Pacte Franco-Soviétique que Louis Barthou devait négocier en 1934, Pierre Laval signer en 1935, le Parlement Français ratifier en 1936, et Georges Bonnet violer et ruiner en 1938. »
Voici le fond de l’affaire tel que Pierre Cot en rend compte :
« Un réseau d’accords militaires, entre la France et la Tchécoslovaquie, d’une part, la Tchécoslovaquie et l’Union Soviétique, d’autre part, permettait, dans une large mesure, de remplacer l’alliance franco-russe dont la France s’obstinait à ne pas vouloir. En 1936 et 1937, je fis tout mon possible pour renforcer ce réseau ; des conventions militaires lièrent la France à la Tchécoslovaquie, et certaines de ces conventions portaient ma signature. Hitler n’avait donc pas entièrement tort quand il m’accusait, à la veille de Munich, d’avoir voulu faire mettre, à la disposition des avions français et soviétiques, les bases tchécoslovaques ; […]. »
Laissons à Pierre Cot la conclusion de ce premier épisode essentiel de sa vie politique :
« Les journaux français profascistes et réactionnaires se mirent à me dénoncer comme un « adversaire de la paix », l’ « agent ou le complice de Staline et de Beneš », un « va-t-en guerre » et un « boutefeu ». Il est entendu que j’étais tout cela, et Adolf Hitler un agneau paisible. »
Ce que, deux ans plus tard, certains traduiront, plus ou moins par-devers eux et à mi-voix : « Plutôt Hitler que le Front Populaire. »
Michel J. Cuny