Le brave Axel (Poniatowski) n’en revient pas lui-même. On n’avait jamais vu ça :
« Cette commission d’enquête devrait faire date. Le Parlement a décidé, pour la première fois sous la Vème République, d’exercer ses pouvoirs d’information et de contrôle sur une intervention diplomatique majeure, traduisant ainsi l’un des engagements du Président de la République en matière de modernisation de nos institutions. »
Pour celles et ceux qui connaissent un peu l’histoire de France récente, et qui ont bien compris dans quel crime la France a été engagée en Libye (pour quoi ? et par qui ?), il est bien certain que cette Commission d’enquête marque une date : les députés ne peuvent plus dire qu’ils ne savaient rien.
Qu’ils soient de la majorité ou de l’opposition.
C’est d’ailleurs l’une des vertus, de ce qui se trouve désormais enregistré à la fois dans les vidéos et dans les transcriptions, de nous montrer de quoi une opposition peut être capable. En effet, a priori, la majorité UMP n’en voulait pas, de cette Commission-là. Axel Poniatowski nous le confie, tout en reconnaissant lui aussi qu’il pouvait y avoir un doute sur le dénouement de cette affaire des infirmières bulgares et de leur collègue médecin :
« N’y avait-il pas, dès lors, une face cachée à cette libération ? Deux propositions de résolution déposées, l’une par M. Alain Bocquet, l’autre par M. Jean-Marc Ayrault au nom du groupe SRC, demandaient la création d’une commission d’enquête à ce sujet. Ne pas répondre à cette demande n’aurait fait que conforter l’idée d’une réalité inavouable. »
Alain Bocquet, c’est donc le parti communiste. SRC, ce sont les socialistes-républicains-citoyens. Si le premier est resté très discret tout au long des auditions de témoins pour, après-coup, se fendre enfin d’un texte où il montrait que ses camarades et lui-même n’en pensaient pas moins (et que pensaient-ils donc ?), les seconds ont fait un drôle de boulot tout au long des séances, et tout spécialement par la voix de l’un des leurs, monsieur Pierre Moscovici, président de la Commission d’enquête… qui n’a décidément rien épargné pour noircir le « monstre » libyen, comme s’il en voulait vraiment à sa peau…
Nous savons désormais ce qu’il en est. Et monsieur Moscovici est ensuite passé directement au service de l’Europe allemande à Bruxelles. Il nous l’a dit : la France n’a qu’à bien se tenir.
Reprenons le fil tel que nous le présente notre metteur en scène, Axel Poniatowski (UMP) :
« La commission a d’abord invité à venir s’exprimer les infirmières et le médecin, car les faits dont elle était saisie tiraient leur origine du drame que ceux-ci avaient vécu : leur bouleversant témoignage a permis, dès la première séance d’auditions, de mesurer l’immense souffrance qui fut la leur. »
À l’« origine » – c’est ce qui est écrit -, « le drame que ceux-ci ont vécu », « leur bouleversant témoignage », « l’immense souffrance qui fut la leur »… Nous frémissons, nous aussi. Et nous y croyons déjà dur comme fer. Même si nous ne savons encore rien – justement – de l’origine effective de leur si grand malheur. Cependant, tout en bas de la troisième page de transcription du rapport (je précise qu’il s’agit, dans la copie que j’en ai établi, de pages A4, remplies en lettres de corps 12, sur des lignes aussi larges que possible et sans guère d’espace entre les différents paragraphes) un indice apparaît :
« Ont également été auditionnés des industriels français du secteur de la défense, ainsi que deux éminents professeurs de médecine spécialistes du sida. »
Nos six martyrs auraient donc souffert – indirectement ou directement – d’une affaire concernant le sida… C’est évidemment très inquiétant. En échange de quoi, le secteur de la défense aurait pu faire ses petites affaires. Voilà qui sent le souffre. Nos députés ont bien fait de venir se renseigner…
Michel J. Cuny