Dans la quarantaine de pages que Stéphane Courtois a placée en introduction du Livre noir du communisme – Crimes, terreur, répression, publié sous sa responsabilité en 1997, il renvoie à Vassili Grossman, dont il indique qu’il « fut l’un des maîtres d’œuvre du Livre noir sur l’extermination des Juifs d’URSS ». Soulignons que Vassili Grossman était juif lui-même.
À travers deux citations tirées d’un autre livre (Tout passe) écrit par celui-ci, nous avions découvert que Vassili Grossman n’hésitait pas à faire « dire à l’un de ses personnages », à propos des riches paysans (les koulaks) que le but de Staline était de « les anéantir tous, en tant que classe, ces maudits ».
« En tant que classe… » En l’occurrence, il s’agissait de détruire la classe de ceux qui exploitent le travail d’autrui… S’agissait-il, pour autant, de les assassiner jusqu’au dernier… pour en avoir fini avec leur « classe » ? Libre à chacune et chacun de penser que c’était effectivement le propos, aussi bien de Vladimir Ilitch Lénine que de Joseph Staline…
Ce qui est certain, c’est que le personnage, à qui Vassili Grossman fait dire ce qu’il veut, n’y va pas par quatre chemins. Je redonne ici ce petit paragraphe que nous connaissons déjà :
« Pour les tuer, il fallait déclarer : les koulaks, ce ne sont pas des êtres humains. Tout comme les Allemands disaient : les Juifs, ce ne sont pas des êtres humains. C’est ce qu’ont dit Lénine et Staline : les koulaks, ce ne sont pas des êtres humains. »
Ici, ce n’est plus seulement un personnage fictif qui s’exprime, et qui raconte ce qu’il veut pour le plus grand plaisir de Vassili Grossman sans doute (en tout cas, cela plaît énormément à Stéphane Courtois), ce sont deux personnages qui se sont exprimés à de multiples reprises sur la question des koulaks et de la classe sociale que ceux-ci constituaient.
Bien sûr, ni l’un ni l’autre de nos deux anti-staliniens notoires ne se soucient de donner la moindre référence à des propos qui sont tout bonnement criminels… Et même carrément génocidaires…
Mais nous commençons à nous douter qu’avec Vassili Grossman, nous avons affaire à un gros poisson. C’est pourquoi nous allons nous intéresser d’un peu plus près au très gros ouvrage dont il a dirigé la rédaction et qui a rassemblé une quarantaine d’auteurs dans des circonstances particulières puisque l’initiative de réaliser ce vaste travail a été prise dans une Union soviétique effroyablement écrasée sous la botte nazie…
« Gros poisson », avons-nous dit… Ouvrons l’édition française (Actes Sud, 1995) du Livre noir, objet de tous les soins de Vassili Grossman et d’Ilya Ehrenbourg. Nous y découvrons un « Avertissement de l’éditeur ». Il s’agit de Michel Parfenov.
Et aussitôt, nous sommes projeté(e)s dans le vif du sujet :
« Le 22 juin 1941, les troupes allemandes envahissent l’Union soviétique, rompant sans préavis le pacte germano-soviétique. « L’opération Barberousse » est, aux yeux d’Hitler, le début de la guerre d’anéantissement du « judéo-bolchevisme ». » (page 7)
« Sans préavis »… Traduisons : sans déclaration de guerre. C’est-à-dire : en rupture totale avec le droit international… Que Joseph Staline (comme aujourd’hui Vladimir Poutine) s’est toujours fait un devoir de respecter jusqu’au dernier mot…
Et pourquoi donc, jusqu’au 22 juin 1941, l’Union soviétique s’est-elle bien gardée d’avoir le moindre geste qui pût démentir cette décision ferme et définitive de n’apparaître en aucun cas comme le pays agresseur ? C’est que l’Occident impérialiste (momentanément mis à genoux en raison de l’effondrement plus que suspect de… l’Autriche, de la Tchécoslovaquie, de la Pologne et surtout de la Belgique, des Pays-Bas et, par-dessus tout, de la France…) n’attendait que cela pour ameuter pendant autant d’années qu’il faudrait l’ensemble des populations européennes et, pourquoi pas, mondiales, contre ce monstre assoiffé de sang qui, sous la conduite d’un Staline, aurait osé lancer la Seconde Guerre mondiale…
N’allons pas plus loin, pour l’instant, sur ce terrain.
Revenons à cette étrange formulation de Michel Parfenov d’un « pacte germano-soviétique »…
Faisons les crédules… Il y avait donc un « pacte » entre l’Allemagne de Hitler et l’URSS de Staline ?… Un pacte… mais, alors, contre qui ? Évidemment : contre le monde libre !…
Deux dictateurs assoiffés de sang !… Mais soudainement, l’un – l’URSS, plus crédule que l’autre – se sera fait dévorer… Jusqu’à ce que, grâce à l’aide débonnaire des pays « libres », l’histoire soit repartie dans l’autre sens… on ne sait trop pour quelle raison.
En fait, comme bien d’autres individus venus sur ce terrain, Michel Parfenov n’est qu’un petit plaisantin. Qu’il le veuille ou pas, le pacte est de « non agression »… C’est-à-dire que la seule chose au monde qu’il puisse interdire… la seule chose au monde qui puisse condamner l’un des pays signataires aux yeux du monde entier, c’est… l’agression.
La parole de l’Union soviétique, la parole de ce qui était alors le seul État ouvrier et paysan sur notre belle planète, Joseph Staline la plaçait évidemment très haut.
De sorte qu’il ne pouvait manquer de savoir qu’il s’exposait à tous les… coups bas. Et que la réaction de son pays ne pourrait survenir qu’après qu’il aurait eu à encaisser ce qui avait quelque chance de le tuer à plus ou moins long terme, tellement il savait les effets massacrants de ce que Hitler et son Allemagne à lui recelait de puissance meurtrière.
Or, pendant les dernières années, tous les systèmes d’alliance proposés par l’Union soviétique aux pays européens pour mettre un terme à la folle carrière d’Adolf Hitler avaient été tour à tour rejetés. Quant aux Fronts populaires, roue de secours péniblement élaborée par Maxime Litvinov pendant les années trente, ils avaient eux-mêmes tout lâché…
Fille encore très jeune de Vladimir Ilitch Lénine, la révolution bolchevique n’allait sans doute pas tarder à s’évanouir devant le monstre nazi… Rien d’une fourmi, tout de la cigale, et voilà que des Parfenov lui tombe dessus à bras raccourci :
« Prémices et mise en application de la Solution finale, plus de huit cent mille Juifs, qui n’ont pas été évacués à temps, adultes et enfants, parqués dans des ghettos, affamés, torturés, déportés, sont ainsi fusillées, gazés, brûlés vifs… » (page 7)
« Qui n’ont pas été évacués à temps »…
Le Livre noir commence sur les chapeaux de roue !
Mais n’oublions tout de même pas que l’oiseau, qui vient nous chanter cela, le fait très à son aise dans une France de 1995 qui n’avait vraiment plus peur du tout d’Adolf Hitler… et qui en savait déjà très long sur ce monstre de Staline…
Il arrivait donc à point.
Michel J. Cuny
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