Sanofi – De la chrysalide au papillon

Sanofi (antérieurement Sanofi-Aventis) est un ogre qui a derrière lui toute une série de repas plus ou moins gargantuesques… mais de repas qui n’ont pas toujours été les siens, dans la mesure où ses victimes elles-mêmes étaient souvent des ogres, plus petits, mais des ogres tout de même, qui avaient déjà bien mangé eux aussi.

sanofi
De Sanofi (2011), nous pouvons remonter à Sanofi-Aventis, puis, en 2004, à l’achat d’Aventis par Sanofi-Synthélabo, celui-ci provenant, à son tour, de l’union intervenue en 1998 entre Sanofi et Synthélabo. Pour sa part, Aventis (de nationalité allemande) vient du rapprochement réalisé en 1998 de Hoechst (Allemagne) et de Rhône-Poulenc.

Si nous souhaitons retrouver le détail de la provenance plus lointaine de la branche dont Synthélabo est l’aboutissement, nous pouvons nous en remettre aux informations fournies par Michèle Ruffat dans son ouvrage « 175 ans d’industrie pharmaceutique française – Histoire de Synthélabo » :
« Dausse, Delagrange, Delalande, Métabio-Joulié, Robert & Carrière : les noms des cinq laboratoires pharmaceutiques constitutifs du groupe Synthélabo sont pour la plupart les noms des familles fondatrices. »

Or, grâce à Dausse, en particulier, qui a été fondé en 1834, nous allons nous trouver projetés au début du XIXème siècle… À cette époque, l’activité de production pharmaceutique s’appuie sur la loi du 21 germinal an XI (12 avril 1803) qui réserve le monopole de la fabrication et de la vente des médicaments aux personnes ayant obtenu le diplôme de pharmacien, ce qui exclut pour elles toute association avec un non-pharmacien en vue de développer le champ d’action d’une officine : l’arrivée de capitaux extérieurs à la profession se trouve freinée d’autant.

En ce qui concerne les produits eux-mêmes, Michèle Ruffat précise :
« Théoriquement, l’interdiction du « remède secret » reste en vigueur et toute innovation est censée tomber aussitôt dans le domaine public. »

Ce qui implique que le remède puisse être reproduit par tout pharmacien : la formule doit donc en être offerte à qui souhaite la connaître. La meilleure façon de suivre la loi revient à inscrire la composition du remède sur son emballage. Curieusement, en 1916, selon ce qu’écrit Michèle Ruffat :
« Un premier impôt de 6% frappe les spécialités dont la formule ne figure pas sur l’emballage »,
laissant ainsi entendre que le maintien du caractère secret de la fabrication n’est plus tout à fait illégal.

Mais le principe lui-même reste officiellement inchangé. Il avait d’ailleurs trouvé une sorte de concrétisation particulière dans la loi de 1844 sur les brevets industriels qui excluait expressément les compositions pharmaceutiques de son champ d’application. Par contre la loi de 1857 sur les marques paraît offrir une issue aux fabricants de remèdes. Michèle Ruffat écrit :
« Selon cette loi, la marque de fabrique est licite, et, par conséquent a droit à la protection prévue par la loi contre les contrefaçons. Les produits pharmaceutiques n’en sont pas exclus, à la condition que leur appellation ne se confonde pas avec le nom du produit lui-même, ce qui équivaudrait à octroyer le privilège interdit, c’est-à-dire à accaparer le remède au profit d’un seul, la propriété de la marque risquant alors de conférer un monopole sur le produit. »

Or, le fait, pour les pharmaciens diplômés, d’être tenus à l’écart des circuits d’argent extérieurs à leur profession leur interdisait parfois de rassembler les moyens financiers nécessaires à la réalisation d’une production dont la technicité se développait. C’est ce qui est très nettement indiqué dans le numéro du 20 mars 1910 de la revue professionnelle « Pharmacia » :
« Les remèdes récents exigent pour leur préparation ou leur épuration une série de manipulations et d’appareils qui ne peuvent exister que dans l’industrie. »

Pouvait-on en rester là ?…

Michel J. Cuny

(NB. Ce texte est extrait de Michel J. Cuny – « Une santé aux mains du grand capital ? – L’alerte du Médiator », Editions Paroles Vives 2012, accessible ici.)


Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.