Quand la politique étrangère britannique offrait l’Est européen (et au-delà) à l’Allemagne d’Hitler…

Pour traiter ce sujet – dont on dirait qu’il est toujours d’actualité… -, je choisirai de m’appuyer sur les Mémoires de guerre 1919-1941 de Winston Churchill (première édition en anglais : 1959), que je prendrai dans l’édition française qui a été fournie en 2009 par les éditions Tallandier.

churchill

Winston Churchill (1874-1965)

Nous trouvons tout d’abord chez lui une prise de position personnelle qui se rapporte à toute la période de la République de Weimar, c’est-à-dire du régime démocratique qui a précédé l’arrivée d’Hitler au pouvoir :
« Personnellement, je ne fus jamais opposé à la possibilité de donner plus ample satisfaction à l’Allemagne quant au tracé de sa frontière orientale ; mais l’occasion ne s’en présenta pas pendant ces brèves années d’espoir. » (page 41)

Cela peut concerner, en particulier, la Pologne – qui elle-même aurait dû alors se décaler vers l’Est, en empiétant peut-être sur l’Ukraine soviétique… Il est moins certain que, dans l’esprit de Winston Churchill, il ait pu s’agir de la Tchécoslovaquie… De toute façon, cela remettait en cause des éléments essentiels du traité de paix de Versailles (1919).

Et puis, Hitler s’est saisi du pouvoir dès les tout premiers jours de 1933…

C’est à cet endroit qu’il faut reprendre le récit que nous a fourni Pierre Cot (ami et patron de Jean Moulin au ministère de l’Air), qui avait été, au mois d’août 1933, le premier ministre français à se rendre en Union soviétique :
« À la fin de mon voyage, le Gouvernement des Soviets me pria de transmettre confidentiellement au Gouvernement français une proposition tendant à la négociation d’un Pacte de Sécurité. »

Sitôt après les événements insurrectionnels du 6 février 1934, tout avait été fait pour étouffer les suites de cette initiative. L’écho s’en trouve chez Winston Churchill, qui écrit à ce propos :
« Le 2 mai 1935, le gouvernement français apposait sa signature au bas d’un pacte franco-soviétique. C’était un document nébuleux, garantissant pour cinq ans une assistance mutuelle en cas d’agression. » (page 59)

L’identité du personnage, qui était désormais en charge de ce qui n’était plus qu’une apparence de rapprochement avec l’URSS tendant faussement à organiser la sécurité collective contre une Allemagne revancharde, nous dit tout. Lisons Churchill :
« Pour obtenir des résultats tangibles sur le plan de la politique française, M. Laval partit alors pour une visite de trois jours à Moscou, où il fut accueilli par Staline» (page 89)

Si la France était honnête, elle n’avait plus qu’à se doter des armements nécessaires pour faire face aux engagements pris avec l’Union soviétique. Dans ce cas, il convenait de donner un signal au parti communiste français pour qu’il rompe avec la tradition qui était la sienne depuis la fin de la Première Guerre mondiale de se dresser contre toute forme de militarisme à dominante impérialiste. D’où cette date importante du 15 mai 1935 qui vit paraître, selon Churchill lui-même :
« […] une déclaration publique de Staline approuvant la politique de défense nationale suivie par la France, aux fins de porter son armée au niveau des exigences de sa sécurité. » (page 89)

C’est ici qu’il faut inscrire en parallèle ce que Pierre Cot a pu récolter de la ligne de rapprochement avec l’URSS qu’il avait définie et qu’il développera tout au long du gouvernement de Front Populaire :
« Les journaux français profascistes et réactionnaires se mirent à me dénoncer comme un « adversaire de la paix », l’ « agent ou le complice de Staline et de Beneš », un « va-t-en guerre » et un « boutefeu ». Il est entendu que j’étais tout cela, et Adolf Hitler un agneau paisible. »

Ainsi, tandis que Pierre Cot s’activait publiquement dans une direction, les ennemis de l’Union soviétique agissaient en catimini dans la direction opposée, à travers Laval. Selon la lecture qu’en fait Churchill, voici ce que cela donne :
« Une alliance véritable avec la Russie n’avait pas été conclue. De plus, au cours de son voyage de retour, le ministre français des Affaires étrangères s’arrêta à Cracovie pour assister aux funérailles du maréchal Pilsudski ; il y rencontra Göring, avec lequel il eut une conversation très cordiale. Ce qu’il lui confia sur sa méfiance à l’égard des Soviétiques et son aversion pour eux fut dûment rapporté à Moscou par les soins des Allemands. » (page 89)

On peut douter de l’éventuelle nécessité, pour les Allemands, d’aller raconter cela au Soviétiques… Mais, puisque nous sommes en compagnie de l’un des principaux hommes d’Etat britanniques et d’un rejeton d’une éminente famille aristocratique qui s’honore de compter parmi ses fondateurs  John Churchill (1650-1722), premier duc de Marlborough, enquérons-nous auprès de lui de ce qu’était alors la politique étrangère du gouvernement de Sa Très Gracieuse Majesté, le roi d’Angleterre, en présence d’un Adolf Hitler. Nous sommes aux environs du mois de juin 1935 :
« L’Amirauté britannique venait de découvrir que les  deux derniers cuirassés de poche en construction, le Scharnhorst et le Gneisenau, étaient d’un tonnage supérieur à celui autorisé par le traité [de Versailles], et d’un modèle entièrement différent. » (page 90)

Mieux :
« Devant cette violation impudente et frauduleuse du traité de paix, soigneusement préméditée et amorcée au moins deux ans auparavant (en 1933), l’Amirauté jugea opportun de négocier un accord naval anglo-allemand. Le gouvernement de Sa Majesté le fit sans consulter son alliée la France, et sans en informer la Société des Nations. »

Evidemment, nous ne sommes encore qu’au tout début de nos surprises…

NB. Pour atteindre les différents livres actuellement disponibles de Michel J. Cuny – Françoise Petitdemange, vous pouvez cliquer ici.

Michel J. Cuny

 


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