Laissant très momentanément de côté le martyre subi, selon Axel Poniatowski et l’ensemble de la Commission d’enquête, par le médecin palestinien et les infirmières bulgares, le rapporteur va s’arrêter sur cet événement inouï, stupéfiant, de ce drame vécu, à partir d’un seul hôpital, par quelques centaines d’enfants et leurs familles.
Nous allons voir que ce bref détour n’est absolument pas gratuit.
Suivons notre très habile metteur en scène…
« Les médecins libyens s’inquiètent de la situation et deux pédiatres se rendent à Paris en décembre 1998 pour y rencontrer le professeur Luc Montagnier à l’Institut Pasteur. Celui-ci, lors de son audition, a témoigné de « l’affolement » des deux praticiens et indiqué que le ministère français de la santé avait été informé que des enfants soignés à l’hôpital de Benghazi avaient été envoyés, accompagnés de leurs parents, dans des hôpitaux français pour vérifier leur séropositivité. »
Il s’agit donc d’une projection de l’Afrique du Nord vers l’Occident, foyer de la science, et tout spécialement connaisseur du sida, avec, au top, la France et le fameux professeur Montagnier de réputation mondiale… L’affolement ne paraît pas être partagé également des deux côtés de la Méditerranée… Et pourquoi donc s’affoler ? Il n’y a certes pas le feu au lac !
Mais tout de même, poursuit Axel Poniatowski :
« Durant les six premiers mois – d’août 1998 à février 1999 – il s’agit donc d’une catastrophe sanitaire, dont les médecins libyens mesurent pleinement la gravité au point qu’ils se rendent en France pour rencontrer le professeur Montagnier, co-découvreur du virus, afin de bénéficier de ses conseils et d’une compétence internationalement reconnue. »
Nous allons voir cela… Mais, selon le rapporteur, tout est déjà parfaitement clair :
« Les autorités libyennes, quant à elles, accordent aux familles des victimes des soutiens financiers pour que ces enfants malades puissent aller dans des hôpitaux en Europe afin d’y être convenablement soignés, reconnaissant de ce fait la qualité de ces hôpitaux et indirectement le mauvais état sanitaire de l’établissement de Benghazi. »
Nous revoici retombés à pieds joints dans cette malheureuse question du capharnaüm libyen…
Ouvrons alors très vite l’ouvrage de Françoise Petitdemange, « La Libye révolutionnaire dans le monde (1969-2011) » au titre « Le sang contaminé, en France. De la camelote à bazarder à l’étranger. Le temps des procès (1981-1999) » (page 361).
Dès la page suivante, nous lisons ceci :
« Trois mois après l’interdiction de leur vente en France, l’Institut Mérieux et le CNTS [Centre National de Transfusion Sanguine] écouleraient des milliers de poches de sang contaminé, non chauffé, vers des pays étrangers, jusqu’en février 1986, notamment en Irak, mais pas qu’en Irak... »
Allons-donc… C’était déjà pas mal, l‘Irak… quand on connaît la suite de l’histoire de ce pays… Mais il y en a quelques autres, dont la liste apparaît, et dans un contexte qui ne manque évidemment pas de sel, à la page 400 et suivantes de l’ouvrage de Françoise Petitdemange.
Or, de cela, bien sûr, et du reste, il ne sera jamais question ni dans le rapport d’Axel Poniatowski ni dans les auditions des témoins… sauf, peut-être lors de la venue de Bernard Kouchner qui en sait évidemment bien plus qu’il ne s’aventurera à en dire…
Sans que cela ait le moindre rapport, ni de près ni même de très loin (du point de vue de la stratosphère), avec ce qui précède, arrivons-en au fait, qui est que, ainsi que l’énonce Axel Poniatowski :
« Le bilan dressé en 2007 sera catastrophique avec 460 victimes recensées, dont 438 enfants et une vingtaine de mères contaminés par le VIH ; parmi ces enfants, 56 ont perdu la vie. »
Pas de quoi fouetter un chat.
Michel J. Cuny
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