IV. 75 – Reprise progressive du contrôle du pays
par l’armée syrienne
Le rôle et les intérêts
des différents États impliqués dans la guerre en Syrie
Dans une Syrie où le désert subtropical – croissant fertile au nord et zone aride au sud –, appelé Al Hamad, fait de steppes et de sable, très rocailleux et au relief peu élevé, occupe environ 58 % du territoire syrien et s’étend sur les pays voisins, l’Irak et la Jordanie, jusqu’à couvrir une superficie totale de quelque 520.000 kilomètres carrés, la province de Deir ez-Zor, dont les activités sont essentiellement agricoles et extractives puisqu’elle détient les secondes réserves pétrolières du pays, ne peut qu’être âprement disputée dans cette guerre politico-économico-religieuse. D’autant qu’elle est située sur la route surnommée « l’arc chiite » : Liban (Beyrouth)-Syrie (Lattaquié, Damas, Deir ez-Zor)-Irak (Tel Afar, proche de Mossoul, Baquba, proche de Bagdad)-Iran (Téhéran). Cette route effraie les États-Unis et l’État sioniste… non pas parce qu’elle est un arc religieux mais parce qu’elle est un arc politico-économique d’importance qui ouvre, à l’Ouest, sur la Mer Méditerranée et sur l’Europe, par Lattaquié, Tartous (Syrie) et Beyrouth (Liban), et, à l’Est, sur l’Océan Indien et sur l’Asie, par le sud-est de l’Irak et le sud-ouest de l’Iran.
« L’arc chiite » : Liban-Syrie-Irak-Iran,
un arc… politico-économique
Depuis le 14 juillet 2014, des groupes de prétendus rebelles dont celui du Front al-Nosra, qui tenaient jusqu’à cette date une partie de la province et de la ville de Deir ez-Zor (excepté la partie-ouest), étaient contraints de lâcher leurs positions, chassés par les troupes de l’ÉI (État Islamique) : évincés, certains groupes partaient pour la province d’Idlib tandis que d’autres rejoignaient les troupes de l’ÉI qui assiégeaient Deir ez-Zor. À partir de cette époque, l’ÉI allait tenir tous les chemins d’accès à la ville, rendant impossible le moindre ravitaillement, par voie terrestre, de la population et des troupes de l’armée syrienne opérant dans ce secteur. Mais celles-ci contrôlaient les quartiers-ouest et la base aérienne toute proche qui assurait l’approvisionnement des civils et des militaires par la voie des airs. La population se trouvait ainsi prise au piège des combats menés par les troupes de l’ÉI et sa survie dépendait des troupes de l’armée syrienne qui cherchaient à protéger le seul aéroport de l’Est du pays permettant le trafic d’avions et d’hélicoptères, à desserrer l’étau et à libérer la ville.
L’aéroport de Deir ez-Zor
Cet aéroport au sud de la province de Deir ez-Zor et sa proximité de quelque 150 kilomètres avec la frontière irakienne sont de première importance pour les groupes de l’ÉI (État Islamique) – et pas que pour eux… – qui aspirent à un contrôle de la région par-delà les frontières actuelles des pays arabo-perses. Au début de décembre 2014, les combattants de l’ÉI lançaient une offensive pour tenter de s’emparer de cette base aérienne. Les combats se poursuivraient dans cette zone durant les années 2015 et 2016… C’est dans ce contexte que, le 17 septembre 2016, des avions états-uniens, britanniques, australiens et danois appartenant à la coalition dite internationale, dirigée par les États-Unis, avaient surgi de la frontière irakienne, pénétré sans autorisation dans l’espace aérien syrien et bombardé l’armée de la République Arabe Syrienne. Par erreur ? Aussitôt, les troupes de l’ÉI étaient montées à l’assaut des positions de l’armée syrienne… Les chefs militaires occidentalo-golfico-sionistes peuvent être, selon l’intérêt du moment, les commanditaires de massacres commis par des combattants de l’ÉI pour affaiblir l’armée syrienne et/ou les commanditaires de massacres commis sur des combattants de l’ÉI quand ceux-ci menacent leurs visées politico-économiques (comme en Irak, par exemple)… D’ailleurs, le Pentagone lui-même reconnaîtrait sans reconnaître quelques-uns de ses crimes. Cf.
Effet boomerang pour la coalition ? Vers le 10 mai de cette année 2017, les forces aériennes syriennes et russes menaient de nouvelles attaques contre les positions fortifiées et les voies logistiques des groupes de l’ÉI dans la province de Deir ez-Zor. Couvertes par l’aviation, les troupes terrestres parvenaient, au cours d’une offensive, à déloger ces groupes, à s’emparer de leurs dépôts d’armes et de munitions, et à libérer la zone sud-ouest de la base aérienne, assurant ainsi la sécurité de l’aéroport et du ravitaillement de la population et de son armée.
Les quartiers de Damas (Syrie)
En ce mois de mai 2017, l’armée de la République Arabe Syrienne, qui voulait libérer les abords de la capitale des groupes de prétendus rebelles qui, depuis les quartiers de Barzeh et de Qaboun, menaçaient le centre ville, allait régler la question en quelques jours. Une loi, promulguée par le président Bachar El Assad, proposait aux combattants syriens non rattachés à l’ÉI, de déposer les armes en échange d’une amnistie.
Peu de jours après que les prétendus rebelles eussent évacué les quartiers de Barzeh et de Techrine (plus au nord) qu’ils investissaient depuis 2012, ceux qui tenaient le quartier de Qaboun depuis quasiment 2011, mais qui avaient fait une trêve avec l’État syrien en 2014, et qui étaient parvenus, vers le 20 avril 2015, à évincer les combattants de l’ÉI des trois quartiers : Barzeh, Qaboun et Techrine, allaient à leur tour abandonner Qaboun.
À la mi-mai 2017, l’armée syrienne retrouvait le contrôle de la majeure partie du territoire de Qaboun, situé à 6 kilomètres du centre de Damas, et les groupes de prétendus rebelles abandonnaient leurs dernières positions. En vertu de la loi d’amnistie, quelque 500 de ces combattants, qui n’appartenaient pas à l’ÉI et qui déposaient les armes, décidaient de rester dans leur quartier comme ceux de Barzeh ; les autres, qui souhaitaient quitter Qaboun avec leurs familles, pouvaient rejoindre Idlib par des bus mis à leur disposition : environ 1.500 personnes au total allaient ainsi être évacuées, 15 heures après la cessation des combats. En tombant, les quartiers de Qaboun et de Barzeh, qui se trouvaient sur l’une des voies de ravitaillement essentielles pour la Ghouta orientale tenue par les prétendus rebelles, allaient priver cette région d’une partie des vivres et des armes qu’il lui fallait pour continuer les combats…
L’armée syrienne retrouvait progressivement le contrôle de la périphérie de Damas. Seul resterait aux prétendus rebelles le quartier-est de Jobar quasiment en ruines, en voie d’être repris, lui aussi, par l’armée, et les quartiers-sud de Tadamoun et de Yarmouk où ils se trouvaient encore présents avec des combattants d’une ancienne branche d’Al-Qaïda.
At-Tanaf et sa voie économique
reliant Damas (Syrie) à Bagdad (Irak)
Le 17 mai, la coalition internationale, dirigée par les États-Unis, avait effectué des frappes aériennes sur un convoi de l’armée syrienne, dans la zone d’At-Tanaf, frontalière avec l’Irak et la Jordanie et traversée par une voie économique importante puisqu’elle relie la capitale Damas à la capitale irakienne Bagdad, c’est-à-dire l’ouest de la Syrie à l’est de l’Irak. Or, suite au memorandum du 4 mai 2017, At-Tanaf fait partie des zones de désescalade du conflit et donc des zones d’exclusion aérienne, interdites de survol à la coalition dite internationale. Ainsi, les États-Unis violaient une énième fois la souveraineté de la Syrie et le memorandum lui-même.
La mauvaise foi états-unienne n’est pas que légendaire… « Selon un représentant de la coalition américaine, la colonne visée par les frappes comportait des chars, des véhicules blindés, ainsi que de l’artillerie. Le convoi n’aurait pas répondu aux avertissements visant à l’empêcher de s’approcher trop près des forces de la coalition. » [Sputnik, Chef d’état-major : plus de frappes en Syrie, sauf si les forces armées US sont menacées, 19 mai 2017.]
Où sont les preuves de ces « avertissements » ? Avec les moyens sophistiqués dont ils disposent, les États-Unis n’étaient-ils pas capables de voir ce que leurs avions bombardaient et de savoir qu’il s’agissait d’un convoi de l’armée syrienne ? En vertu de quel droit les États-Unis peuvent donner l’ordre de violer l’espace aérien syrien, qui est interdit à la coalition placée sous leur commandement, pour bombarder un convoi de l’armée d’un pays libre et souverain ?
Voici ce que le chef d’état-major des armées états-uniennes, le général Joseph Dunford, qui tenait une conférence de presse à Washington, trouvait à dire pour sa défense… « Nos commandants sur place ont jugé qu’à ce moment-là ils étaient menacés et les règles de la guerre leur ont permis de le faire [réaliser une frappe, ndlr]. Nous avons renouvelé [la communication avec la Russie, ndlr], actuellement nous menons des négociations à tous les niveaux afin de prévenir des incidents similaires à l’avenir. Hier soir, je me suis engagé à ce que la situation ne se reproduise pas, si nos forces ne sont pas menacées. » [Idem.]
Mais, ici encore, les États-Uniens « ont jugé qu’» « ils étaient menacés »… Et donc, les « règles de la guerre », dictées par qui ? par quel pays ?, leur « ont permis de »… Quant à leurs engagements de ne pas recommencer, ils ne valent que ce qu’ils valent dans la pratique, c’est-à-dire rien… puisqu’ils sont juges et parties quant aux conditions qu’ils définissent tout seuls : à savoir « si nos forces ne sont pas menacées »… À force de menacer tous les pays du monde et leurs populations, les dirigeants des États-Unis croient sans cesse que leur conglomérat de pays est lui-même menacé… mais par quel pays ? sinon par les États-Unis eux-mêmes !…
Le Pentagone, lui, a vu le convoi syrien comme « un danger pour les forces de la coalition ». [Idem.] C’est-à-dire ?
La guerre ? Une destruction jusque dans les villages…
Aqarib as-Safīyah (en haut, à droite de la carte)
Le 18 mai, à l’aube, des groupes de l’ÉI lançaient une violente attaque dans l’ouest de la Syrie, contre les habitant(e)s du village d’Aqarib as-Safīyah sis à quelque 17 kilomètres du centre agricole de Salamīyah, dans l’est de la province de Hama. Après s’être introduits dans certaines maisons, ils y massacraient les familles : 52 personnes auraient été tuées dont beaucoup de femmes et 15 enfants, et une centaine d’autres, blessées. L’armée syrienne et les milices d’autodéfense populaire devaient mener une opération destinée à empêcher ces groupes de poursuivre leur œuvre de mort et de prendre le centre du village : de nombreux membres de l’ÉI allaient perdre la vie tandis que d’autres reflueraient vers le désert.
Dans les semaines suivantes, les combattants syriens opposés à l’armée syrienne quitteraient leurs positions par dizaines, par centaines, par milliers… En conformité avec la promulgation, par le président Bachar El Assad, du décret qui leur accordait l’amnistie en échange, les uns déposeraient les armes et seraient évacués avec leurs familles par des bus mis à leur disposition, escortés par des militaires russes et protégés par des bataillons de la police militaire placés à des check-points des quartiers de telle ou telle ville ; quant aux autres, mercenaires venus de pays étrangers – beaucoup de pays européens – pour combattre, auprès des troupes de l’ÉI, l’armée de la République Arabe Syrienne, ils ne pouvaient guère prétendre à ce traitement de faveur.
Bachar El Assad, un dictateur ? Quel dictateur permettrait à des hommes ayant pris les armes contre la population et l’armée de leur propre pays de s’en tirer à si bon compte, après avoir produit tant de mort(e)s et de destruction !
Suite : IV. 76 – Mais que fait la coalition dite internationale en Syrie ?
Françoise Petitdemange
22 août 2017