Comment façonner la conscience politique de tout un peuple ? Propositions diverses…

Pendant tout un temps, les avis ont divergé sur la nature profonde de la morale qui allait devoir servir à « éclairer » le suffrage universel et à endiguer les idées socialistes. Selon l’abbé Lamazou :
« […] comme l’ordre matériel a pour fondement et pour appui l’ordre moral, il faut populariser et pratiquer les grands principes du respect de Dieu, du respect des autres et de soi-même. On a voulu établir la société en dehors des croyances religieuses, faire des lois, créer des institutions, discipliner le peuple en dehors de la doctrine de l’Evangile ; c’était asseoir l’édifice social sur le sable mouvant. Comment un économiste, un politique même incroyant, ne comprennent-ils point que, tant que dans les grandes villes, surtout à Paris, l’homme du peuple ne trouvera point dans la foi, les pratiques religieuses et les immortels dédommagements de la vie future, un principe de moralité, de force et de consolation en présence de l’inégalité des fortunes et des positions sociales, des jouissances et de l’oisiveté des heureux du siècle, des épreuves et des souffrances imprévues qui l’atteignent trop souvent lui-même, il ne saurait y avoir ni sécurité ni repos ? »

Le débat sur cette question est d’autant plus important qu’il s’agit, pour la classe dominante, de réaliser un tour de force. Il semble désormais impossible de remettre en cause le suffrage universel. Comment faire avec, alors que, comme l’écrit Léopold de Gaillard :
« Les classes inférieures prennent de plus en plus l’habitude de s’en servir, non comme d’un échelon pour s’élever, mais comme d’une massue pour abattre à leurs pieds tout ce qui les domine. Le suffrage universel, c’est le règne de l’ouvrier dans les villes et du paysan dans les campagnes […]. Quelque chose comme la hideuse Commune de Paris est en germe dans presque toutes les communes de France. » ?

On trouve un début de réponse dans l’ouvrage de Frédéric Le Play, L’Organisation du travail :
« […] les moeurs d’un peuple reçoivent toujours une fâcheuse atteinte, lorsque l’accroissement de la richesse n’a pas pour contrepoids une plus ferme répression des appétits sensuels et un surcroît de dévouement pour la patrie. »

Léon Gambetta va dans le même sens lorsque, au fil d’un discours prononcé au Havre en avril 1872, il affirme, à propos du jeune Français, que l’instruction…
« doit lui apprendre quelle est sa dignité, dans quelle société il vit, et quelle est sa place, quel est son lien de solidarité avec ceux qui l’entourent ; elle doit lui montrer qu’il a son rang dans la commune, dans le département, dans la patrie ; elle doit lui rappeler surtout qu’il est un être moral auquel il peut tout donner, tout sacrifier, sa vie, son avenir, sa famille, et que cet être (…), c’est la France. »

Mais la synthèse la plus complète des idées qui feront la Troisième République, et plus particulièrement de celles qui seront à la base du système scolaire mis en place à cette époque, se retrouve chez celui qu’on nommera bientôt « le burgrave de la Troisième République », justement : Ernest Renan

Michel J. Cuny

(Ce texte est extrait de l’ouvrage de Michel J. Cuny – Françoise Petitdemange « Le feu sous la cendre – Enquête sur les silences obtenus par l’enseignement et la psychiatrie » – Editions Paroles Vives 1986, qui est accessible ici.)  

 


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