III 35. « Le récit de Soraya » – « 7. HICHAM »

Le torchon de papier d’A.C.

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III 35. « Le récit de Soraya » – « 7. HICHAM »
7

HICHAM

« Le voyage en Afrique n’a pas marqué la fin de mes souffrances, mais celle de ma totale réclusion. Le Guide se lassait-il ? Avais-je passé la date de péremption ? (Cette expression – liée à la « consommation » – est là pour choquer.) […]. Mais le jour de son retour de la tournée africaine, il m’a fait appeler par Mabrouka et, avec une moue dégoûtée, m’a lancé : « Je ne veux plus de toi, salope ! Je vais t’intégrer parmi les gardes révolutionnaires. Tu habiteras avec elles. Allez ! Dégage ! ». » (P.105) (Les Femmes en armes vivaient chez leurs parents ou avec leur mari et leurs enfants. C’est du moins ce qui ressort des documents se rapportant à la Libye révolutionnaire (1969-2011), et du livre de Maria Graeff-Wassink consacré aux Femmes en armes. Intégrer des « filles », qui ne savent pas manier une arme, dans les « gardes révolutionnaires », cela eût été, pour Muammar Gaddhafi, mettre en péril sa propre vie et la pérennité de la révolution à laquelle il vouait tout son temps. De 1969 à 2011, la prostitution a été interdite en Libye et l’entrée, dans les « gardes révolutionnaires », s’appuyait sur le volontariat et ne se faisait aucunement sous la contrainte.)

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Les femmes en armes dans la Libye révolutionnaire


« Là-dessus, Mabrouka m’a donné un téléphone portable : « S’il te prend l’envie de contacter ta mère… » C’était tellement inattendu ! J’ai aussitôt appelé maman. Elle m’avait aperçue à la télévision nationale, en uniforme derrière kadhafi dans le stade de Conakry et paraissait presque heureuse de me le dire. « Comme j’aimerais te voir, ma chérie. Tu me manques tellement ! ». » (P.105)
« Je ne pouvais même pas parler. Que lui dire ? Que raconter ? Par où commencer ? Ce sous-sol parlait de lui-même. » (P.106) (Ceci est en totale contradiction avec les relations mère-fille à venir…)

(Après le prétendu récit biographique de “Soraya” qui évoque la rencontre entre le jeune Libyen et la jeune Marocaine à Paris (futur(e) père et mère de “Soraya”), leur mariage, les déménagements de toute la famille, de la Cyrénaïque à la Tripolitaine, etc., le torchon de papier d’Annick Cojean pourrait très bien commencer, ici, avec ce chapitre intitulé « Hicham »… encore un faux prénom ?)

« Amal G. m’avait emmenée déjeuner dans le vieux quartier des poissonniers, près de la mer. Nous allions repartir, elle faisait une marche arrière, quand un homme a crié : « Mais faites attention ! » Il est sorti de sa voiture que nous avions failli emboutir, la mine exaspérée. Mais il s’est vite calmé. On a échangé un regard, puis un sourire. Et voilà. Le coup de foudre. Je ne savais même pas que ça existait. Un séisme, avec un avant et un après. Il avait une trentaine d’années ; il était carré, vigoureux, musclé, le regard aussi noir que ses cheveux, mais chargé d’énergie. Mieux : de hardiesse. J’étais bouleversée. Mais Amal G. a démarré, pris directement la route de Bab al-Azizia, et la vie a repris son cours entre sous-sol et chambre du maître, entre torpeur et soumission. » (P.108) (Lors de la mauvaise manœuvre pour repartir en voiture, Amal G. et “Soraya” ne paraissent pas connaître Hicham. Par ailleurs, page 105, le Guide aurait dit à Soraya : « Je ne veux plus de toi […]. » Elle ne devait plus vivre, recluse, au même endroit. Or, pages 107 et 108, “Soraya” serait de nouveau appelée auprès de lui.)

« Un après-midi, j’ai de nouveau été autorisée à sortir avec elle. Elle voulait emmener sa jeune sœur dans une fête foraine et m’a entraînée sur des manèges. » (P.109) (Bien sûr, celui qui actionne le manège, c’est Hicham. Mais les fêtes foraines existaient-elles avant 2011, en Libye ? Nommé premier secrétaire à l’ambassade de France à Tripoli, Emmanuel Rimbert arrive dans la Libye dévastée, à la mi-septembre 2012 ; il va y rester huit mois. Voici ce qu’il écrit : « Trois vieux Bédouins libyens m’ont fait une petite place autour de la table d’un café. L’un d’eux, né à la frontière tunisienne, parle français. Il regrette l’époque de Qadhafi. La vérité est qu’il n’aime pas les feux d’artifice, ça le réveille la nuit. Il n’aime pas les fêtes foraines non plus. Au temps de Qadhafi, tout ça était interdit mais on trouvait facilement du vin et de la bière importés des pays voisins. » [Emmanuel Rimbert, Jours intranquilles en Libye, Des Équateurs 2015, non paginé en version PDF.] D’où il ressort que les fêtes foraines, où “Soraya” prétend avoir rencontré Hicham, n’existaient pas avant la contre-révolution de 2011. Quant aux vins et alcools qui étaient aussi interdits – en conformité avec la religion musulmane –, ils ne pouvaient guère provenir que de la contrebande.)

Clic suivant : III 36. “Soraya” et la faune

Françoise Petitdemange


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