L’une des clefs du récit
III 36. “Soraya” et la faune
(Voici une des clefs du récit…) « J’ai découvert alors la drôle de seconde vie d’Amal G. Ses réseaux pour se procurer de l’alcool, ses virées nocturnes en voiture, sa familiarité avec les policiers qu’elle croisait – « Comment ça va, Amal ? » – et ce mélange de RedBull et vodka qu’elle absorbait au volant avant de s’asperger de parfum pour rentrer à la maison. J’ai compris qu’elle avait soif d’argent, était en relation avec des hommes d’affaires qui lui versaient des commissions. Et j’ai réalisé assez vite qu’elle m’utilisait pour aguicher des hommes puissants et riches. Je me suis retrouvée à des soirées où Amal avait amené d’autres filles, où l’alcool et la drogue étaient omniprésents, où se pressaient des dignitaires et célébrités du pays, et où l’argent circulait en échange de faveurs sexuelles. C’était donc ce qu’on voulait de moi ? » (P.113) (Avec Amal G., “Soraya” se trouve introduite dans un réseau de relations qui a tout à voir avec le réseau des « filles » et des « hommes d’affaires »… Ce qui permet de comprendre comment “Soraya” a pu entrer, de façon aussi privilégiée, en contact avec Mme Cojean pour servir à salir, mensongèrement, la mémoire d’un mort, celle de Muammar Gaddhafi.)
Une autre clef du récit
« Un jour, maman dont je prenais des nouvelles au téléphone m’a dit qu’Inas, mon amie d’enfance de Benghazi, était à Tripoli et rêvait de me revoir. Elle m’a donné son numéro de téléphone que j’ai aussitôt composé. (P.114)
J’ai pris un taxi et ai demandé à Inas de le payer à l’arrivée. « Comment est-ce possible qu’une fille qui habite chez le Président n’ait pas de quoi payer son taxi ? » a-t-elle plaisanté. J’ai souri sans répondre. Que savait-elle vraiment ? Que signifiait pour elle « habiter chez le Président » ? Croyait-elle que c’était mon choix ? Un statut et un vrai travail ? J’allais devoir marcher sur des œufs. (Pourquoi tant de précautions ?) Nous sommes entrées dans la maison et toute la famille est venue m’embrasser. « On va appeler ta mère pour qu’elle se joigne à nous, a dit Inas, soudain très excitée.
– Non !
– Pourquoi ?
– Il ne faut pas !… J’habite temporairement chez une autre fille, hors de Bab al-Azizia, et elle ne veut pas que ça se sache. » (Pourquoi donc, “Soraya”, ne veut-elle pas se trouver face à sa mère devant une famille amie ?)
Tout le monde m’a regardée en silence, avec un air dubitatif. La petite Soraya mentait donc à sa mère… Voilà qui cassait l’ambiance. « Quelle est ta relation avec Bab al-Azizia ? a demandé quelqu’un.
– Je n’ai pas envie d’en parler. Maman vous a sûrement raconté mon histoire. » (Si, dans un espace-temps de son invention, elle a pu raconter à Mme Cojean n’importe quoi, au service d’une idéologie à faire passer contre l’État des masses, “Soraya”, dans le contexte d’une famille libyenne amie, ne peut plus raconter la même histoire car cette famille ne serait pas dupe et le lui ferait bien savoir.)
Là-dessus, j’ai allumé une cigarette, provoquant un mélange d’effroi et de désapprobation dans le regard de la famille. Soraya avait bien mal tourné. » (PP.114-115)
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Françoise Petitdemange