L’Europe de 1661
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Le siècle du roi “Louis le négrier”
ou le « Grand Siècle » de la déportation
et de la mise en esclavage des Noir(e)s…
Le XVIIème siècle était, pour la France comme pour les autres pays européens, le siècle de toutes les convoitises dans les diverses parties du monde : en Asie, dans le Bassin méditerranéen, aux Amériques…
L’Asie était difficile d’accès pour la France : il y avait eu, en 1600, la création de la Compagnie anglaise des Indes orientales par la reine Élisabeth Ière, puis, en 1602, celle de la Compagnie néerlandaise des Indes orientales par la République des Provinces-Unies ; la création des Compagnies françaises des Indes occidentales et orientales ne se ferait que quelque soixante ans plus tard, en 1664, par Jean-Baptiste Colbert. Les navires marchands qui acheminaient des produits de traite, de l’intérieur de l’Europe vers l’Afrique, passaient par la Mer Méditerranée : le nord de l’Afrique était riche de ses “pirateries” mais les pirates ne faisaient que reprendre aux Européens, avec des risques inouïs, ce que les Européens lui prenaient en étant sûrs de leur bon droit. La découverte de l’existence de vastes territoires, de l’autre côté de la Mer Océane (l’Océan Atlantique), allait conduire à l’usurpation, par les États européens, de tout le continent : la France s’était emparée de quelques terres aux Antilles dont Saint-Christophe (1625), Guadeloupe et Martinique (1635)… Lorsque la régence d’Anne d’Autriche prit fin, en 1661, Louis XIV commença par racheter la première de ces îles, perdue à l’époque de la Fronde, et envisagea une forte expansion française en Amérique : Saint-Domingue (actuelle Haïti) tombait, en 1665, dans l’escarcelle du royaume de France.
Sous le règne de “Louis le négrier”, Jean-Baptiste Colbert (1619-1683), d’abord intendant des Finances en province, en mars 1661, puis contrôleur général des Finances de 1665 à 1683, serait nommé secrétaire d’État à la Maison du Roi en 1668 et à la Marine l’année d’après. Jusqu’à sa mort, en 1683, il devait pousser à la création de comptoirs marchands et de colonies de peuplement. Avec la création des Compagnies françaises des Indes occidentales et orientales, en 1664, il s’agissait de prendre pied en Asie par l’établissement de comptoirs : entre 1670 et 1738, la France fonderait des comptoirs à Chandernagor, Pondichéry, Mahé, Yanaon et Kârikâl… Aux Amériques, les territoires de la Nouvelle-France (Acadie, Canada, Louisiane) s’étendraient et couvriraient presque tout l’est de l’Amérique du Nord, empêchant ainsi la Grande-Bretagne de faire la jonction de ses 13 colonies avec la Terre de Rupert, jusqu’à ce que, près d’un siècle plus tard, la guerre de Conquête appelée guerre de Sept Ans (1756-1763) obligeât le royaume de France à céder, en 1760, puis par le traité de Paris du 10 février 1763, la Nouvelle-France à la Grande-Bretagne. Au sud-est de l’Afrique, à quelque 800 kilomètres de l’Île de Madagascar, dans l’Océan Indien, la Mascarègne avait été rebaptisée Île Bourbon, en 1649 : elle servait d’escale aux navires de la Compagnie française des Indes orientales ; après la mort, en janvier 1793, du roi bourbon, Louis XVI, la Convention nationale la renommerait, en mars, Île de la Réunion.
Il s’agissait, sous l’impulsion de Jean-Baptiste Colbert, de développer l’économie du royaume de France en permettant à l’industrie d’obtenir, à moindre prix, les matières premières des colonies : la flotte française devait protéger ses routes maritimes et ses comptoirs marchands. Il fallait donc doter le royaume de France d’une flotte de guerre destinée à devenir la plus importante et la mieux organisée d’Europe : conforter les frontières du royaume et limiter les autres puissances européennes dont celle des Habsbourg, telle était la volonté du roi. La volonté du roi se brisera, après la mort de Colbert, dans la cinquième guerre de conquête de l’Europe, la longue et désastreuse guerre de Succession d’Espagne (1701-1713) qui s’achèvera par la paix d’Utrecht, en 1713, et par la conclusion du traité de Rastadt, en 1714 : le duc d’Anjou, petit-fils de Louis XIV, un Bourbon, resterait sur le trône d’Espagne, sous le nom de Felipe V, mais cette guerre ferait perdre à l’Espagne des territoires importants comme Gibraltar au profit du royaume d’Angleterre, et, à la France, l’Acadie, Terre-Neuve, et la baie d’Hudson. Cette dernière guerre du règne de Louis XIV laisserait la France exsangue.
Le code noir
Avant de rendre l’âme, en 1683, Jean-Baptiste Colbert avait commencé l’élaboration, à partir d’une ordonnance promulguée par Louis XIV, d’un premier édit, sur les trois qui seraient intitulés Le Code Noir, se rapportant aux droits et devoirs des maîtres et aux conditions de vie et de travail des esclaves dans les îles de l’Amérique colonisées par le royaume de France. Son fils finirait la rédaction du texte qui serait édité par le roi, en 1685, soit deux ans après la mort de son ministre. Après le Préambule qui s’efforçait de paraître bienveillant à l’égard des esclaves, les articles du Code Noir allaient rendre la vie de ceux-ci encore plus pénible si possible était…
L’histoire de France n’a voulu conserver du règne de Louis XIV que les splendeurs du château de Versailles dont la construction, longue d’une cinquantaine d’années, a fait des milliers de morts (maladies et accidents du travail). Tandis que les chefs des États européens, dont Louis XIV, monarque de droit divin, accommodaient fort bien la pratique de leur religion avec les razzias dans les villages africains, la traite et la déportation des Noir(e)s de leur sol natal vers les Amériques, et la mise en esclavage de cette main-d’œuvre, ils multipliaient les sanctions, les expéditions contre les Arabes qui attaquaient les navires marchands qui venaient des ports de l’ouest et du sud de la France sur les côtes de l’ouest et du nord de l’Afrique avec leurs cargaisons de denrées qu’ils échangeaient contre des hommes, des femmes, des enfants.
Françoise Petitdemange
9 novembre 2016
Suite : 11. Une vie d’esclaves