Derrière les bonnes manières allemandes, un curieux processus d’envahissement du schéma institutionnel européen…

Il convient de rappeler que, pour illustrer les conséquences négatives que peut avoir, sur l’économie d’un pays, le fait de ne pas tenir compte des enjeux de concurrence et de ne pas maintenir la stabilité monétaire qui doit permettre d’en mesurer les signaux, les auteurs du document présentant, en 2013, l’historique de l’économie sociale de marché au nom de la Fondation Konrad Adenauer nous renvoyaient à l’attitude responsable des pays d’Europe centrale et orientale sitôt obtenue cette intégration dans l’Union européenne qui allait les couper définitivement de leur ancienne inclusion dans la « terrible » sphère soviétique… et leur ouvrir un univers radieux…

Pour nous orienter sur la question du déploiement de la puissance allemande dans l’ensemble de ce processus dont on nous aura tellement vanté les mérites, nous avons choisi de nous tourner vers le mémoire de maîtrise présenté en juillet 2007 par Julie Lécuyer sous ce titre, pour nous très significatif : L’influence de l’Allemagne dans l’intégration des pays d’Europe centrale et orientale au sein de l’Union européenne. (lien)

La qualité de ce travail très minutieux nous convainc de le citer largement, tout en en recommandant la lecture intégrale qui peut être atteinte grâce au lien fourni ci-dessus.

Voici un premier point d’appui : 
« En mesurant l’influence de l’Allemagne sur le processus d’intégration des PECO au sein de l’UE, nous chercherons à établir qu’entre 1989 et 2004, 1’Allemagne a été le principal vecteur de l’intégration des PECO au sein de l’UE. » (mémoire cité, page 6)

Elle y a donc vu son intérêt… Mais, dans ce cas, nous pouvons immédiatement ajouter qu’elle aura su y faire… en utilisant des outils tirés, peut-être, de l’ordolibéralisme et de l’économie sociale de marché…

Pour sa part, Julie Lécuyer nous paraît aller dans une direction qui pourrait bien être aussi la nôtre :
« Nous tenterons de démontrer que c’est par l’influence de l’Allemagne que les PECO sont devenus membres de I’UE, en créant de meilleures assises et en comblant les différences existantes entre l’Europe de l’Est et de l’Ouest et ce, selon des assises et des affinités historiques, culturelles, politiques et économiques. » (Idem, pages 6-7)

Si nous souhaitons jeter un œil sur le système institutionnel en quoi consiste l’Union européenne et voir en quoi il tend à s’insérer prioritairement dans le schéma d’ensemble de la politique étrangère allemande au détriment, sans doute, des autres pays, nous pouvons nous en remettre à cette constatation, de caractère général, faite par cette personne désormais informée, et qui va ensuite pouvoir nous en dire plus :
« Afin d’« européaniser » ses intérêts nationaux ou à tout le moins de se rapprocher autant que possible des intérêts européens, l’Allemagne dispose de nombreux moyens pour influencer tour à tour la Commission, le Parlement et le Conseil européen. » (Idem, page 31)

Évidemment, l’évocation qui s’annonce ici, de cette Commission européenne dont Ursula von der Leyen assure désormais la présidence, ne peut, en quelque sorte, que nous faire tendre l’oreille… Or, d’emblée, nous apprenons ceci qu’elle…
« a été pensée à l’origine de la construction communautaire, comme le moteur de l’intégration européenne ». (Idem, page 31) 

Continuons notre très instructive lecture :
« Dans ses tâches, la Commission est composée de directions générales (23 D.G.) chacune d’elles étant spécialisée dans un domaine d’activité donné. » (Idem, page 31) 

Voilà celle qui aura tout particulièrement concerné les PECO (pays d’Europe centrale et orientale) :
« La D.G. de l’élargissement veille à la formulation d’une politique efficace et cohérente de l’élargissement de l’UE afin qu’elle puisse poursuivre son objectif d’intégration européenne. » (Idem, page 31) 

Vingt-et-un ans, presque jour pour jour, avant le discours qu’Ursula von der Leyen aura prononcé le 16 septembre 2020 devant le Parlement européen pour inaugurer son tout nouveau titre de présidente de la Commission, voici comment certaines influences se mettaient peu à peu en place :
« En septembre 1999, un poste de Commissaire à l’élargissement est créé et c’est
Günter Yerheugen, Allemand social-démocrate, qui l’obtient, reconnaissance de ce fait du rôle actif de la délégation allemande dans le processus d’unification de l’Europe. » (Idem, page 32) 

Entrant dans davantage de détails, Julie Lécuyer enfonce ce clou qui fait partie d’une série de piqûres de rappel pour celles et ceux qui pourraient encore douter de la nature du cadre général dans lequel l’Europe allemande enferme les peuples de ses environs rapprochés ou plus ou moins lointains :
« De plus, cette D.G. est encadrée et soutenue dans son travail par des groupes de travail et des comités techniques, composés de fonctionnaires nationaux envoyés par les États membres. Or, au sein de l’organigramme de cette D.G., plusieurs Allemands occupaient alors des postes clés, sans compter les fonctionnaires travaillant au sein des comités de travail. » (Idem, page 32) 

Plus précisément, en l’occurrence…
« Les représentants allemands étaient ainsi présents en grand nombre, c’est-à-dire qu’ils étaient au nombre de 37 sur un total de 226, constituant ainsi 16,37% des fonctionnaires et agents temporaires au sein de cette D.G. » (Idem, page 32) 

Tout bien pesé, et toujours selon Julie Lécuyer :
« Du fait de cette large représentation allemande au sein desdits comités, des places de responsabilités qu’ils occupent dans les groupes de travail et les comités techniques, les standards et les intérêts allemands font très fréquemment office de base de référence lors de l’élaboration des directives. » (Idem, page 32)
 

Rappelons que l’ensemble de ces phénomènes de pénétration allemande dans la zone de pouvoir que constitue la Commission européenne concernait, tout particulièrement, cette zone très sensible de l’Est européen jusqu’où naguère les troupes hitlériennes étaient allées chercher ce qu’un Adolf Hitler avait dit être un « espace vital » pour l’Allemagne…

Et reprenons le fil de l’actualité d’il y a une quinzaine d’années :
« Dans le cadre de l’élargissement aux PECO, les lobbies économiques allemands étaient directement et principalement concernés par les phénomènes de délocalisation, de sous-traitance, etc., et c’est pourquoi, autant le gouvernement central allemand que la Commission leur laissa une grande place dans les négociations, dans la formulation de propositions et ainsi bénéficièrent d’une écoute très attentive. » (Idem, pages 32-33)

Nous attendons la suite de pied ferme.

Michel J. Cuny

L’article suivant est ici.

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