En Caroline du Sud au temps de la colonisation, comme en Algérie entre 1943 et 1945…

Tout ce que nous commençons à comprendre des difficultés de vie et même de survie en Caroline du Sud au moment de la colonisation par les Européens, et tout spécialement de ceux d’entre eux qui étaient venus sous la « protection » du roi d’Angleterre, nous porte à penser que cette accumulation primitive engagée en Amérique dans une lutte à la vie à la mort ne pouvait être le fait que d’êtres humains « perdus »…

Lawrence Aje va nous permettre d’entrer un peu plus dans le détail de cette… sorte d’horreur…
« En raison de la difficulté à attirer des colons, dès les années 1680, la Caroline du Sud doit se résoudre, malgré sa réticence, à accueillir des bannis, à l’instar des covenantaires presbytériens écossais, qui résistent à l’imposition de l’église épiscopale. » (Idem, alinéa 12)

Encore ne leur fait-on pas un pont d’or, pas plus qu’à d’autres…
« Entre 1718 et 1729, ce sont près de 150 condamnés, hommes et femmes, qui sont vendus aux enchères publiques comme serviteurs. De la même façon, après les Révoltes Jacobites de 1715 et de 1745, c’est sous bonne garde que l’on oblige plus de deux cents rebelles des Highland écossais à signer des contrats d’engagés pour une durée de sept ans. » (Idem, alinéa 12)

Nous avons donc, là, des Blancs, hommes et femmes, qui vont se trouver vendus au même titre que des chevaux ou des brouettes, mais dans leur cas et contrairement aux Noirs, l’éternité ne s’en mêle pas, de même qu’elle n’ira pas affecter leur éventuelle progéniture. Ils ne sont captifs que pour un temps donné qui peut, comme nous le constatons, se compter tout de même en quelques années…

Entre-temps, ils peuvent aussi se faire tuer pour la bonne cause qui est, pour leurs acquéreurs, une façon de se rembourser, sur la bête, de son prix d’achat, si celui-ci paraît un peu trop élevé dans le cas où il s’agirait de ne les utiliser que comme des bêtes de somme… Voilà donc une dimension qui a le mérite d’être plus martiale, tandis qu’elle est également beaucoup plus dangereuse :
« Ils sont reconnus pour être des soldats aguerris. Aussi, dès leur arrivée, le Gouverneur de Caroline du Sud s’empresse d’acquérir trente-deux prisonniers qu’il envoie immédiatement sécuriser la frontière indienne. » (Idem, alinéa 12)

S’agissant finalement d’un gibier comme un autre, même dans leur pays d’origine les Blancs un peu délaissés par la vie ne sont pas à l’abri de l’aventure coloniale puisque, ainsi que Lawrence Aje nous le signale avec beaucoup d’à-propos…
« il arrive que des serviteurs soient kidnappés en Europe par des capitaines de navires avides, en vue d’être engagés contre leur gré. » (Idem, alinéa 12)

Blancs, Amérindiens ou Noirs, pas de jaloux !… Certainement, l’accumulation primitive ne fait de cadeau à personne… Mais revenons plus particulièrement au cas des Blancs…
« Au regard de ces exemples de migrations non choisies, il n’est pas étonnant que dès les premières années de peuplement de la province, des serviteurs s’enfuient. Dans un premier temps, on punit les fuyards en leur infligeant 28 jours de temps additionnel de service pour chaque jour d’absence. » (Idem, alinéa 13)

D’étranges confraternités peuvent même se mettre en place…
« Les serviteurs sous contrat s’enfuient parfois en compagnie d’esclaves et tentent de recouvrer leur liberté en quittant la colonie. » (Idem, alinéa 13)

Il n’est guère possible de ne pas les tenir pour « étranges » dans la mesure où la fuite des seconds ne se paie pas d’un temps de servilité prolongé… Pour eux, il n’y a plus que le renvoi à l’horreur, justement…
« À trois reprises entre 1735 et 1751, on rappelle que tout homme blanc, de quelque statut juridique, est autorisé à battre, mutiler, voire tuer, en cas de résistance violente, tout esclave soupçonné d’être en fuite ou qui refuserait de présenter son billet d’autorisation du maître. » (Idem, alinéa 25)

Autre distinction identique à celle qui pourrait valoir entre un cheval et un bœuf…
« Dans les années 1730, les primes de récompense pour la capture des serviteurs fugitifs, quelle que soit leur origine raciale, et des marins déserteurs, varie entre 5£ et 10£. De façon intéressante, à la même période, les récompenses offertes pour la recapture des esclaves sont en moyenne inférieure et s’élèvent à 3£. » (Idem, alinéa 14)

Il y a donc des principes de base qui doivent en quelque sorte se trouver inscrits au fer rouge. C’est encore Lawrence Aje qui nous permet de le constater :
« Les maîtres souhaitent décourager les solidarités de classe et récompensent plus généreusement les personnes qui peuvent prouver que leur esclave a bénéficié de l’aide d’un Blanc dans sa fuite. De même, la loi punit de la peine de mort, sans bénéfice du clergé, tout serviteur sous contrat qui assiste un esclave dans sa fuite. » (Idem, alinéa 14)

Mais n’était-il pas possible, pour l’esclave noir, d’obtenir son affranchissement légal, et de partir éventuellement, à son tour, à l’aventure de la mise au pas d’autrui ? Réponse :
« L’affranchissement des esclaves demeure un acte exceptionnel laissé à l’appréciation des maîtres ou des autorités. Après 1722, tout esclave émancipé est tenu de quitter la colonie dans un délai de douze mois au risque d’être asservi. » (Idem, alinéa 17)

Sa liberté, il ira donc la prendre ailleurs !… Cependant, la nécessité faisant loi, l’esclave peut lui-même se retrouver les armes à la main… Que se sera-t-il donc passé pour qu’il puisse en arriver là. C’est ce que Lawrence Aje nous explique :
« De façon assez étonnante, dès 1703, au moment où la Caroline du Sud subit les attaques répétées de la part des tribus indiennes, la milice est composée d’un nombre équivalent d’hommes esclaves. » (Idem, alinéa 20)

Voyons dans quelles conditions cela a été rendu possible :
« La loi prévoit que les capitaines recrutent pour chaque homme blanc de leur compagnie, un homme esclave de confiance armé d’un fusil ou d’une lance. A plusieurs reprises, entre 1704 et 1719, on exige que des esclaves hommes de confiance, âgés entre seize et soixante ans, participent aux travaux de la milice en cas d’alarme. Les maîtres qui refusent d’envoyer leurs esclaves sont passibles d’une amende. » (Idem, alinéa 20)

Évidemment, les armes ne sont pas là que pour la parade… ou pour faire peur aux moineaux…
« Un esclave qui peut établir avec le concours du témoignage d’un Blanc qu’il a tué un ennemi peut prétendre à 10£ de récompense. Les serviteurs blancs et les esclaves de confiance qui se distinguent par un acte de bravoure et qui peuvent le prouver grâce aux témoignages de Blancs fiables sont libérés et leurs maîtres indemnisés pour la perte encourue. » (Idem, alinéa 20)

Dans l’affaire, personne n’est oublié…
« La loi prévoit également d’indemniser sur les fonds publics les propriétaires dont les esclaves sont blessés ou tués dans le cadre des travaux de la milice. » (Idem, alinéa 20)

Ce droit d’aller se faire tuer, ou de tuer l’ « ennemi », a été reconnu par De Gaulle, de 1943 à 1945, aux Musulmans d’Algérie… soudainement assimilés à des citoyens français… On se souvient que, pour les remercier et leur faire comprendre que cela ne changeait rien à leur statut de membres d’un peuple colonisé, le même De Gaulle les a fait mitrailler par milliers à Sétif, Guelma et Kherrata le 8 mai 1945 et les jours suivants, et ceci, à partir de la terre, de la mer et des airs…

Michel J. Cuny

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