Achevons notre lecture des cinq ou six pages que MM. Even et Debré rangent sous le titre « Des dépenses de médicaments délirantes – 15 milliards d’euros jetés par les fenêtres », en y ajoutant tout d’abord une équivalence que nous offrent les auteurs à l’issue de la démonstration qu’ils font d’une possibilité d’économie sur certaines molécules inutiles et dangereuses…
Ils écrivent que, cette réduction de dépense atteignant 2,5 milliards d’économie, elle correspondrait au salaire annuel de 100 000 smicards. Sans faire beaucoup d’efforts, nous pouvons en tirer la conclusion que nos 15 milliards d’euros « jetés par la fenêtre » correspondent à 600 000 années de travail payées au smic qui se sont envolées en fumée… Mais d’un travail « exploité » : par conséquent, tout le monde s’en fout, y com-pris les intéressés puisque, pas plus que les autres, ils ne peuvent rien en savoir.
Pendant ce temps, les responsables et autres actionnaires des multinationales du médicament exerçant en France (faut-il dire Sanofi, aussi et surtout ?) rigolent : une part importante de l’effet fumée précédemment évoqué entretient un fort effet placebo sur leurs bénéfices et autres dividendes.
Sans doute, nous dira-t-on, mais, dans ce même paragraphe où ils enseignent une juste parcimonie en termes de médicaments inutiles et dangereux, MM. Even et Debré n’ont-ils pas le courage de s’en prendre à l’enfant chéri de Sanofi : Plavix ? Certes, le voici épinglé à la page 40 comme « sans supériorité sur l’aspirine et 30 fois plus cher », mais la même phrase nous apprend, dans une parenthèse, qu’il est désormais « génériqué »… Eh bien, qu’il aille au diable !
Revenons au texte des professeurs Even et Debré et à cette façon très alambiquée qu’ils peuvent avoir parfois de faire du Sanofi en catimini : (page 43)
« En ayant maintenu plus de 430 spécialités inutiles (E5 dans notre classification), dont 80% issues des laboratoires français (+ 470 molécules peu utiles de classe E4, dont 53% françaises), en ne contrôlant pas le marché du médicament, dont le coût augmente 2 fois plus vite que celui des hôpitaux, nos politiques condamnent le système de santé tout entier à la pauvreté, pour le plus grand bénéfice, non seulement des grandes firmes de l’industrie pharmaceutique étrangères [ce qui exclut Sanofi…], qui produisent souvent d’excellentes et nécessaires molécules, mais aussi de dizaines de petites firmes françaises [ce qui exclut encore Sanofi], qui ne produisent que de pauvres pastilles ou décoctions et vivent aux crochets de la nation [ce qui ne saurait être le cas de Sanofi]. »
Cependant, il ne faut pas confondre Sanofi et Chris Viehbacher… Pas encore, puisque nous parlons des médicaments inutiles et dangereux qui parsèment depuis avant sa venue le portefeuille de molécules de la multinationale d’origine française. Or, ainsi que l’écrivent Philippe Even et Bernard Debré dans la suite immédiate de ce qui précède : (page 43)
« À l’opposé, les firmes étrangères ont certes produit 10 à 20% de molécules sans autre intérêt que commercial, mais elles ont surtout inventé et produit 70% des 680 grandes molécules de classes E1 et E2, tandis qu’aucune n’a été découverte par les firmes françaises, qui se bornent à copier les molécules inventées ailleurs, Sanofi compris. »
Or, désormais, Sanofi a trouvé l’oiseau rare… En creux, nos deux défricheurs lui indiquent la voie à suivre, qui ne peut plus être celle qu’ont jusqu’à présent suivie les politiques qui disent
« avoir soutenu l’industrie française et quelques dizaines de milliers d’emplois, mais ils n’ont fait que laisser vivre ces entreprises sous perfusion dans une routine sans ressort, sans volonté de faire autre chose que vendre des boules de gomme, sans incitation à progresser, à s’élever au seul niveau qui aurait compté, celui de la compétition scientifique et technologique internationale avec les grands pays. Loin de soutenir l’industrie française, ils l’ont définitivement endormie ». (pages 43-44)
Ne reste donc plus que le recours au prince charmant : Chris Viehbacher.
Michel J. Cuny