Reprenons les quelques éléments dont les professeurs Even et Debré se sont fait une arme pour intenter un procès majeur à l’industrie pharmaceutique française, Sanofi y compris : (page 119)
« Hormis les molécules originales inventées et commercialisées depuis longtemps par les firmes étrangères, qu’elle copie à outrance et avec retard, notre industrie n’a eu d’autre objectif que de faire « des coups » pour remplir ses caisses et celles de ses actionnaires ou de ses propriétaires. Elle n’invente rien et ne fabrique que des copies ou des molécules sans valeur thérapeutique, de pseudo-confort, qui ne sont même pas toutes sans risque. »
Or, comme nous l’avons vu précédemment, les travers de l’industrie pharmaceutique française sont tels qu’ils font d’elle un intervenant
« si médiocre, que sa disparition complète n’affecterait en rien la santé des Français. » (page 24)
Et pourtant ça marche pour elle, et pas seulement dans la dimension d’un quelconque « placebo »!… Ça marche, du point de vue des résultats comptables qui lui permettent de « remplir ses caisses et celles de ses actionnaires ou de ses propriétaires »…
D’où, bien sûr, cette présence de Sanofi à la tête des capitalisations boursières du CAC40. Mais d’où, également, cette grande capacité à engloutir pour la modique somme de 20 milliards de dollars (Vive la France !) cette perle…
« Genzyme, la 3ème grande biotech américaine (CA : 4 milliards de dollars, bénéfices : 10% du CA, valeur boursière : 19 milliards de dollars), spécialiste des monoclonaux pour la sclérose en plaques (Alemtuzumab) et des enzymes pour les maladies rares (Cérézyme, Myozyme, Mipomersen, Eliglustat, pour les maladies de Pompe, de Gaucher et l’hypercholestérolémie familiale) […]. » (page 130)
Sauf à devoir admettre, par la suite, qu’il ne s’agissait que d’une collection de « poudres de Perlimpinpin » (cf. la page 14), il ne faut pas négliger de faire remarquer que cette capacité qu’a eue Sanofi de mobiliser pareille somme repose sur un passé de l’entreprise dans lequel Chris Viehbacher n’a pu avoir, bien sûr, aucune prise, et donc aucun mérite personnel…
Mais où est donc l’astuce qui aura fait du moins handicapé de ces invraisemblables canards boiteux en quoi consiste l’industrie pharmaceutique française un champion apte à se saisir de l’un des fleurons américains des biotechnologies ?
Ce n’est pas qu’une astuce ; c’est un élément essentiel de l’activité économique : la capacité de vendre et d’exporter. Ici, MM. Even et Debré ne peuvent que dire et redire toute leur admiration :
« Etre leader européen à l’exportation, quoique après l’Irlande, et 5ème exportateur mondial de médicaments, tout en ne produisant que des molécules inventées ailleurs ou de 2ème ou 3ème rang, telle est l’exceptionnelle et très paradoxale performance de notre industrie. » (page 123)
Et encore :
« Des pans entiers de notre industrie auraient des leçons d’efficacité commerciale à prendre auprès de nos firmes pharmaceutiques, qui ont tout investi sur la sûreté de leurs techniques de fabrication et sur leur force de vente, et rien sur ce qu’elles vendent. » (page 123)
La suite se déroule comme par enchantement :
« Le total de nos exportations pharmaceutiques a atteint ainsi 23 milliards d’euros en 2010 (50 pour l’Irlande), et comme nos importations des grands médicaments étrangers, qui nous sont indispensables, n’ont atteint que 17 G€ nous parvenons à un solde positif de 6 milliards, une plus-value qui range notre industrie pharmaceutique au 1er rang des industries françaises exportatrices capables de redresser (un peu, le déficit 2011 est de 103 milliards) la balance commerciale. » (page 124)
Mais l’essentiel de ce joyeux passé si récent est sans doute ici :
« En vendant à l’étranger des médicaments copiés ou de la verroterie de second rang, nous finançons l’achat des médicaments de 1er rang dont nous avons besoin ! » (page 124)
Michel J. Cuny