IV. 60 – La « Déclaration » d’Astana (Kazakhstan), 23-24 janvier 2017 : un cessez-le-feu… vers la paix ?

La colombe de Picasso

IV. 60 – La « Déclaration » d’Astana (Kazakhstan), 23-24 janvier 2017 :
un cessez-le-feu… vers la paix ?

 

Astana (Kazakhstan)

Les pays – la Russie, l’Iran, la Turquie mais aussi, souvent oublié, le Liban qui avait une délégation à Astana, pays limitrophe de la Syrie –, en tant qu’initiateurs des pourparlers de paix entre Syriens, désignent de facto les pays belliqueux qui n’envisagent pas la paix avec Bachar El Assad à la présidence. De par son appartenance au parti Baas, il est, comme Saddam Hussein, honni des États capitalistes et féodaux, et de la finance internationale.

« Les délégations de la République Islamique d’Iran, de la Fédération de Russie et de la République de Turquie, conformément à la Déclaration commune de leurs ministres des Affaires étrangères faite à Moscou, le 20 décembre 2016, et à la résolution 2336 du Conseil de sécurité des Nations Unies ;

Soutiennent le lancement des pourparlers entre le Gouvernement de la République Arabe Syrienne et les groupes d’opposition armés à Astana du 23 au 24 janvier 2017 ;

Apprécient la participation et la facilitation des pourparlers mentionnés ci-dessus par l’envoyé spécial du Secrétaire général de l’ONU sur la Syrie ; » [Déclaration, Astana, 23-24 janvier 2017, repris de l’anglais dans sentinelle-droit international. Traduction : FP.]

Ces pays qui portent, contre vents et marées, le processus de paix qu’ils ont enclenché, ne sont pas à Astana par hasard. Le changement de contexte permet de rompre avec la monotonie onusienne et avec ses coteries qui font plus souvent la pluie que le beau temps dans les pays orientaux et africains. La Russie, l’Iran, la Turquie, et le Liban, se trouvent menacés, récurremment, par les États occidentalo-golfico-sioniste.

Dans cette « Déclaration », ils reprennent l’antienne, inscrite dans la plupart des Résolutions de l’ONU que celle-ci ne sait pas, ne veut pas faire respecter, ou ne parvient pas à faire respecter par les trois pays-membres du Conseil de sécurité : États-Unis, Grande-Bretagne, France, mais qu’il s’agit, cette fois, de faire respecter :
« Réaffirment leur attachement à la souveraineté, à l’indépendance, à l’unité et à l’intégrité territoriale de la République Arabe Syrienne en tant qu’État multi-ethnique, multi-religieux, non sectaire et démocratique, comme l’a confirmé le Conseil de sécurité de l’ONU ;

Expriment leur conviction qu’il n’y a pas de solution militaire au conflit syrien et qu’il ne peut être résolu que par un processus politique fondé sur la mise en œuvre de la résolution 2254 du Conseil de sécurité de l’ONU dans sa totalité ; » [Idem.]

Toute résolution de l’ONU inclut une ou plusieurs ambiguïtés, voire des contradictions : dans cette résolution 2254 du 18 décembre 2015, dont il est question dans cette « Déclaration », il est écrit…
« Réaffirmant que le seul moyen de régler durablement la crise syrienne est un processus politique ouvert, conduit par les Syriens, répondant aux aspirations légitimes du peuple syrien et mené dans la perspective de l’application intégrale des dispositions du Communiqué de Genève du 30 juin 2012, approuvé dans la résolution 2118 (2013), notamment la mise en place d’une autorité de transition dotée des pleins pouvoirs exécutifs, formée sur la base du consentement mutuel et dans des conditions propres à assurer la continuité des institutions de l’État, » [UN, Conseil de sécurité, Résolution 2254 (2015), S/RES/2254 (2015), Distr. Générale 18 décembre 2015, Adoptée par le Conseil de sécurité à sa 7558e séance, le 18 décembre 2015.]

En 2011, le peuple syrien, pas plus que le peuple libyen, n’avait demandé quoi que ce fût qui pût déboucher sur une guerre. Comme si rien ne s’était passé entre-temps en Syrie, c’est-à-dire entre le Communiqué de Genève du 30 juin 2012, la résolution 2118 de 2013, et la résolution 2254 du 18 décembre 2015, puis la réunion d’Astana des 23-24 janvier 2017 – notamment l’élection présidentielle du 3 juin 2014 qui a reconduit Bachar El Assad dans ses fonctions – il est encore question « de l’application intégrale du Communiqué de Genève du 30 juin 2012 », et de la « résolution 2118 » de 2013… qui insistent sur « la mise en place d’une autorité de transition ». Comme s’il était impossible d’accepter la réélection, par la population syrienne, de Bachar El Assad, comme si les résolutions de l’ONU ne pouvaient être dépassées par les événements.

Le chaos : Afghanistan, Yougoslavie,
Irak, Libye, Syrie, Ukraine…

Tant que l’ONU sera une organisation asservie à ces trois pays (États-Unis, Grande-Bretagne, France) et à leurs alliés qui n’ont respecté et ne respectent, au présent comme au passé, ni les systèmes politico-économiques différents du régime capitaliste (URSS, République Fédérative Socialiste de Yougoslavie, République Socialiste de Roumanie, République Démocratique Afghane, République Démocratique Allemande, République d’Irak, Grande Jamahiriya Arabe Libyenne Populaire Socialiste, République Arabe Syrienne, etc.), ni les résultats d’élections qui ne leur conviennent pas comme, en Syrie, la réélection, en 2014, de Bachar El Assad, ni les peuples, les textes de l’ONU, ou qui font référence à ceux de l’ONU, resteront empreints de contradictions flagrantes.

En effet, l’ONU ne peut affirmer et réaffirmer ces quatre mots : « souveraineté », « indépendance », « unité », « intégrité territoriale » d’un pays et laisser agir certains de ses États-membres dans le sens contraire en voulant absolument imposer aux peuples, par le mensonge médiatisé au maximum, par la violation de la « souveraineté » du pays en niant tout résultat d’élection qui ne correspond pas aux attentes des États capitalistes, par la violation de son « indépendance » en prétendant le soumettre à un changement de régime et/ou de président, par la violation de son « unité » en provoquant la guerre civile et de son « intégrité territoriale » en cherchant à le dépecer. Et quand l’assassinat, projeté dans certaines officines et réalisé par des exécutants, de telle ou telle personne qui déplaît, suit le massacre du peuple par les bombes, le pays ne peut plus que sombrer dans le chaos (Cf. L’Afghanistan, l’Irak, la Libye).

Henri Matisse – Polynésie, le ciel (1946)

Le « cessez-le-feu » peut toujours être contesté, sur le plan politique, par l’une ou l’autre partie engagée dans le conflit. Mais, pour les combattants qui sont sur le terrain, qu’ils gagnent ou qu’ils perdent au moment où le cessez-le-feu est établi, il n’est pas risqué de dire qu’il est un répit. Pour la population, il ne peut qu’être salutaire. Si les organisations humanitaires ne l’utilisent pas à autre chose qu’à ce pour quoi elles existent, il sauve nécessairement des vies.

Et donc, les quatre pays qui soutiennent, au péril de la vie de leurs soldats, « la souveraineté », « l’indépendance », « l’unité » et « l’intégrité territoriale » de la Syrie, ne peuvent que souhaiter un cessez-le-feu durable en espérant la fin d’une guerre qui n’aurait jamais dû commencer :
« Chercheront, par des mesures concrètes et en utilisant leur influence sur les parties, la consolidation du régime de cessez-le-feu établi conformément aux dispositions signées le 29 décembre 2016, et appuyé par la résolution 2336 (2016) du Conseil de sécurité des Nations Unies : contribution à la réduction des violations, réduction de la violence, renforcement de la confiance, assurance d’un accès humanitaire sans entrave, rapidement et en douceur, conformément à la résolution 2165 (2014) du Conseil de sécurité des Nations Unies et à la protection et à la libre circulation des civils en Syrie ;

Décident d’établir un mécanisme trilatéral pour observer et assurer le plein respect du cessez-le-feu, prévenir toute provocation et déterminer toutes les modalités du cessez-le-feu ; » [Idem.]

Ce cessez-le-feu concerne tous les groupes engagés sur le terrain hormis ceux considérés comme « terroristes » : Al-Qaïda et son produit, l’État Islamique, leurs groupes et leurs sous-groupes. C’est pourquoi la Syrie et ses allié(e)s poursuit le combat, malgré le cessez-le-feu, contre ces deux entités :
« Réitèrent leur détermination à se battre ensemble contre ISIL/DAESH et Al-Nusra et à séparer d’eux les groupes d’opposition armés ;

Expriment leur conviction qu’il est urgent de redoubler d’efforts pour lancer le processus de négociation conformément à la résolution 2254 du Conseil de sécurité de l’ONU ;

Soulignent que la Réunion internationale sur la Syrie à Astana est une plate-forme efficace pour un dialogue direct entre le gouvernement et l’opposition, comme l’exige la résolution 2254 du Conseil de sécurité de l’ONU ;

Soutiennent la volonté de groupes armés d’opposition de participer à la prochaine série de négociations entre le gouvernement et l’opposition sous les auspices de l’ONU à Genève le 8 février 2017 ; » [Idem.]

Le 27 janvier – soit trois jours après les pourparlers d’Astana – le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, tenait une réunion, à Moscou, avec des opposants syriens, en l’absence des opposant(e)s en exil qui n’avaient pas répondu à l’invitation. Ce jour-là, il annonçait que la réunion qui devait avoir lieu sous l’égide de l’ONU, à Genève, et qui était initialement prévue pour le 8 février, était reportée.

Espiègle, Sergueï Lavrov faisait cette constatation :
« Il est agréable de voir que l’annonce même de la rencontre à Astana, de la préparation de cette rencontre, a motivé nos collègues à l’Onu pour s’activer un peu et annoncer des négociations entre Syriens à Genève, même si, de nouveau, la date du 8 février a été reportée à la fin du mois prochain. » [L’Orient, Le Jour, Syrie : les négociations de Genève prévues le 8 février reportées à la fin du mois, 27 janvier 2017.]
Voilà bien les « Assis » de l’ONU qui, tout à coup, se lèvent, par crainte de voir des réunions aboutir à une paix sans eux ! Peut-être cette organisation a-t-elle un effectif pléthorique qui nuit à son efficacité ?

Toutes ces organisations, ne vivent-elles pas
des malheurs du monde ?

La « Déclaration » revient sur la fameuse résolution 2254… Ou quelque chose échappe à mon entendement, ce que je reconnaîtrais volontiers, ou cette « résolution », qui inclut une transition politique et qui est évoquée de temps en temps, n’a que peu de chance d’aboutir à un changement de président et de gouvernement si, à la fin d’une guerre qui dure depuis six ans, Bachar El Assad et le gouvernement parviennent à reprendre le contrôle sur le pays.
« Exhortent tous les membres de la communauté internationale à soutenir le processus politique en vue de mettre rapidement en œuvre toutes les mesures convenues dans la résolution 2254 du Conseil de sécurité de l’ONU ;

Décident de coopérer activement sur la plate-forme d’Astana sur des questions spécifiques du processus politique facilité par les autorités syriennes et dirigées par les Syriens afin de contribuer aux efforts mondiaux visant à mettre en œuvre la résolution 2254 du Conseil de sécurité de l’ONU ;

Expriment leur gratitude au Président de la République du Kazakhstan, Son Excellence Nursultan Nazarbayev, et au côté kazakh en général, pour avoir accueilli la Réunion internationale sur la Syrie à Astana. » [Déclaration, Astana, 23-24 janvier 2017, reprise de l’anglais dans sentinelle-droit international. Traduction : FP.]

Les tractations politiques, engagées à Astana, entre les représentants de l’État syrien et les opposants, et la reprise du contrôle du pays par l’armée syrienne, paraissent en bonne voie : celle de la paix.

Pablo Picasso – La ronde de la jeunesse
(25 juillet 1961)

Suite : IV. 61 – Qu’en est-il de la souveraineté de la Syrie ? Astana II (Kazakhstan), 15 et 16 février 2017 

Françoise Petitdemange
8 juin 2017


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