Les pourparlers d’Astana (Kazakhstan),
23-24 janvier 2017
IV. 59 – L’opposition exilée ou pas…
Le peuple syrien lui avait-il demandé quelque chose ?
Avant les pourparlers dans la capitale kazakhe, Astana, des réunions avaient eu lieu à Genève (Suisse), sous l’égide de l’ONU (Organisation des Nations Unies), en 2012, 2014 et 2016, avec des opposants de salon. Cette fois, les 10 représentants de l’État syrien ont, présents à la table des négociations, des opposants islamistes : certains d’entre eux sont passés des combats armés aux discussions politiques. Les opposant(e)s de salon, mercenaires des services politico-médiatiques occidentalo-golfico-sionistes, au nombre de 21, ne sont plus que les conseiller(ère)s des 14 membres de la délégation des opposants islamistes devenus les principaux interlocuteurs, dont Mohammad Allouche.
Les opposants
Dans la capitale kazakhe, les propos tenus par les opposants, quand ils ont été repris dans les médias, ne l’ont été que sous la forme de bribes… Cependant, ces bribes d’entretiens accordés, ici et là, et venant de Yehya al-Aridi, d’Osama Abu Zeid, de Mohammad Allouche, donnent une idée de leur état d’esprit pour aborder les négociations.
Durant les semaines consacrées à la préparation de cette rencontre, il avait été question, entre les représentants de l’État syrien et ceux de l’opposition, de négociations directes. Or, l’un des porte-parole des opposants, Yehya al-Aridi, venait d’annoncer, au dernier moment, que les membres de la délégation ne voulaient pas s’asseoir en face des représentants de l’État syrien, arguant du prétexte que l’État syrien ne respectait pas le cessez-le-feu du 30 décembre 2016 :
« La première session des négociations ne sera pas en face à face car le gouvernement n’a pas respecté jusqu’à présent ce à quoi il s’est engagé dans les accords du 30 décembre. » Elle aura donc lieu « au travers d’une médiation ». « Pour qu’un cessez-le-feu soit atteint, pour que l’effusion de sang s’arrête, pour que les troupes étrangères et les milices quittent la terre syrienne (…), nous ferons tout ce qu’il faut. » [La dépêche, Syrie : poursuite des négociations sans avancée apparente, 23-24 janvier 2017.]
Il aurait mieux valu faire « tout ce qu’il faut » pour qu’il n’y eût pas « effusion de sang » et occupation du sol syrien par des « troupes étrangères » et des « milices ».
Avant même toute discussion, Osama Abu Zeid s’était exprimé à son tour :
« Si les négociations sont un succès, nous sommes pour les négociations. Mais si elles échouent, malheureusement, nous n’aurons pas d’autre choix que de continuer le combat. » [RT, Pourparlers de paix sur la Syrie : un premier jour sous tension, 23 janvier 2017.]
Un membre de la délégation avait déjà fait le tri entre les garants acceptables du cessez-le-feu et ceux inacceptés…
« Nous sommes d’accord pour que les Russes soient garants de la trêve, mais pas les Iraniens. » [Idem.]
Exclure une délégation avant d’avoir commencé à parler ne présage pas d’une discussion ouverte et sereine.
Quant à Mohammad Allouche, il n’avait pas hésité à demander que les troupes iraniennes et le Hezbollah libanais, ainsi que les groupes kurdes du PYD (Parti de l’Union Démocratique) soient « qualifiés de “groupes terroristes” ». [Idem.]
Il est vrai que ces opposants à Bachar El Assad, qui sont présents à Astana, sont des mercenaires de la Turquie, du Qatar, ou/et de l’Arabie saoudite qui s’oppose à l’Iran (où l’Islam chiite est dominant dans la population) et au Hezbollah libanais (dont la religion est l’Islam chiite). Ils reprennent à leur compte l’idéologie des maîtres qui les nourrissent.
Le cessez-le-feu leur a été imposé par la Turquie qui les soutient, et par la Russie qui soutient l’armée syrienne. Après la reprise, par celle-ci, du contrôle de l’est d’Alep, leur principale revendication, à savoir le départ de Bachar El Assad de la présidence de la République Arabe Syrienne, tombe d’elle-même.
La décision du cessez-le-feu, prise le 29 décembre 2016, ne s’est pas traduite par un silence complet et durable des armes des troupes syriennes et des groupes d’opposants. Les combats continuent dans certaines zones de la Syrie, pour une raison incluse dans le texte même du représentant-adjoint de la Turquie adressé au Conseil de sécurité de l’ONU, M. Güven Begeç : le cessez-le-feu ne concerne pas les « organisations terroristes » notamment les groupes de l’ÉI (État Islamique) tel le Front al-Nosra ou Jabhat al-Nosra, créé en 2012, devenu, de 2013 à 2016, Al-Qaïda en Syrie ou Al-Qaïda au Levant, puis renommé, en 2016, le Front Fatah ach-Cham qui, quelques jours après les pourparlers d’Astana, le 28 janvier 2017, fusionnera avec quatre autres groupes, dont Nourredine al-Zinki formé et armé par la CIA (Central Intelligence Agency), pour constituer le Hayat Tahrir ach-Cham (Organisation de Libération du Levant).
Cette entité combattante étant considérée comme terroriste…
« Comme suite à notre action, les parties au conflit en Syrie sont parvenues à un accord concernant un cessez-le-feu dans tout le pays à compter du 30 décembre 2016 à minuit. Nous saluons ce progrès.
Les organisations terroristes désignées comme telles par le Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations Unies sont exclues du cessez-le-feu » Cf. https://unefrancearefaire.com/2017/05/25/iv-55-leclaircie-syrienne-qui-vient-de-la-russie-et-de-la-turquie/
Et donc, l’armée syrienne et les troupes alliées, au moment des pourparlers d’Astana, poursuivent les combats dans l’urgence contre les groupes islamistes, dont Jaysh al-Islam, qui occupent, à proximité de la frontière libanaise, la vallée de Wadi Barada où se trouvent les réservoirs d’eau destinés à l’approvisionnement de la capitale Damas et de sa banlieue. Autrement dit, les opposants reprochent à l’armée syrienne de vouloir reprendre le contrôle des réservoirs d’eau potable afin de réapprovisionner les 7 millions d’habitant(e)s de Damas et la population des environs, de mettre fin au supplice des hommes, des femmes et des enfants qui ont subi des coupures d’eau intempestives et de longue durée, et qui subissent encore une privation d’eau potable depuis un mois, et de sauver des vies humaines. Les opposants islamistes, honnis par la population, s’en prennent à l’armée syrienne. Et pour cause ! Jaysh al-Islam, qui est le groupe armé dominant dans le sud de la Syrie, tient à conserver l’eau comme moyen de coercition contre la population damascène.
Des groupes armés, comme Jaysh al-Islam (Armée de l’Islam) et Ahrar ach-Cham (les hommes libres du Levant), sont issus d’Al-Qaïda qui est à l’origine de l’ÉI (État Islamique). Cependant, ils doivent aux États-Unis, à la Grande-Bretagne, à la France, à l’Ukraine (par opposition à la Russie et dans l’espoir d’être admise dans l’Union Européenne et dans l’OTAN), de n’être pas dans la liste des organisations terroristes de l’ONU. Ce trio du Conseil de sécurité et l’Ukraine ont tout fait pour empêcher la proposition de la Russie d’aboutir à l’inscription de ces groupes dans la liste des organisations terroristes. Il faut dire que Jaysh al-Islam reçoit, par des groupuscules-écrans créés sous de faux noms, une manne financière des États-Unis, notamment.
Les opposants, Astana
Qu’avaient à dire les opposants à cette réunion du Kazakhstan ? Hélas ! La déclaration du porte-parole de la délégation d’opposition n’a pas été traduite dans sa totalité.
Voici donc, en partie, ce qu’a lu Mohammad Allouche, membre du HCN (Haut Comité de Négociations), représentant une partie de l’opposition à Astana, l’autre partie n’ayant pas voulu être présente :
« Notre choix ne sera que la paix. »
Entendu. Mais…
« Notre choix est une solution politique pour la Syrie, mais ce n’est pas le seul car nous luttons pour nos droits, notre droit à la vie, notre droit à la liberté, notre droit de décider de notre sort et le droit du peuple de décider qui le représentera. » [L’Obs, Céline Lussato, Astana : qui est Mohamed Allouche, le négociateur de l’opposition syrienne ?, 24 janvier 2017.]
Étrange… Ce « notre choix » de la part d’un homme qui ne vit pas en Syrie mais en Arabie saoudite. Tout aussi étrange… Cette lutte « pour nos droits » que Mohammad Allouche énumère sans sourciller : ne se trompe-t-il pas de pays ? Ne confond-il pas la Syrie avec… l’Arabie saoudite ? Quant au peuple, il a exercé son droit « de décider qui le représentera » en reconduisant Bachar El Assad à la fonction présidentielle le 3 juin 2014.
Bachar al-Ja’afari, à l’opposition,
Astana (Kazakhstan), 23 janvier 2017
Même si la déclaration de l’opposition reste introuvable, la réaction de Bachar al-Ja’afari en dit long sur ce qu’a dû être son contenu :
« [J]e veux déclarer que la délégation de la République Arabe Syrienne est tenue à une lecture politique précise de la direction et des objectifs de cette conférence, et que nous n’avons participé à aucun jeu provocateur visant à l’échec de la conférence d’Astana.
Malgré cela, il apparaît que la délégation des groupes terroristes armés, qui a lu une déclaration que lui ont préparée ses employeurs, n’a pas été à la hauteur de ces efforts (consentis). Elle a présenté une analyse fallacieuse de la situation, et a ignoré toute sagesse et tout esprit pacificateur. » [Bachar al-Jaafari à la conférence d’Astana : l’Occident a fait du terrorisme une arme politique, 24 janvier 2017, traduction Sayed Hasan.]
« Une déclaration qui ne respecte pas l’intelligence des personnes présentes, emplie de mensonges, et d’offenses contre les symboles de la souveraineté nationale. Une déclaration qui ne respecte ni les fondements ni les orientations qui organisent le cadre et l’atmosphère de cette conférence d’Astana.
C’est une déclaration irresponsable, qui n’est pas animée de bonnes intentions. » [Idem.]
Suite : IV. 60 – La « Déclaration » d’Astana (Kazakhstan), 23-24 janvier 2017 : un cessez-le-feu… vers la paix ?
Françoise Petitdemange
8 juin 2017