Issa Diakaridia Koné :
Bonsoir, Michel. Vous vouliez me parler des accords d’Évian et de la situation de l’Algérie… Mais j’étais très occupé…
Michel J. Cuny :
Bonsoir, Issa. Ne vous inquiétez pas.
Je viens de vous envoyer des extraits des critiques que les révolutionnaires algériens ont faites aux accords d’Évian dès 1962. Ils ont bien compris qu’on liait les mains de tout le peuple algérien, et que la France resterait dominante.
Issa Diakaridia Koné :
Si je vois bien, certains Algériens étaient contre l’indépendance algérienne.
Michel J. Cuny :
Non, non… Ils étaient seulement contre les conditions imposées par les accords d’Évian à l’Algérie indépendante.
Issa Diakaridia Koné :
Savez-vous si les Algériens d’aujourd’hui savent ce qu’il y avait dans ces accords-là ?
Michel J. Cuny :
Justement… J’ai pu discuter, par écrit, avec un Algérien qui croyait savoir ce qu’il y avait dans les accords d’Évian. Et il me disait que tous les Algériens qu’il connaît pensent comme lui… Ils croient tous qu’il s’agissait simplement d’un accord de paix qui consacrait l’indépendance de l’Algérie. Quand je lui ai dit que c’était comme une prison dans laquelle la France avait enfermé l’Algérie en 1962, il a été très choqué. Il ne savait rien de cela. Il y a de nombreux Algériens qui sont inscrits dans le groupe et que les articles sur les accords d’Évian vont donc beaucoup intéresser.
Issa Diakaridia Koné :
Moi qui suis Malien, je trouve que c’est très intéressant de connaître les réalités de nos pays, et, en ce qui me concerne plus particulièrement, de la France et de l’Algérie…
Michel J. Cuny :
Oui, Issa. Et de pouvoir faire des liens avec ce qui se passe dans d’autres pays. En effet, je pense qu’en regardant attentivement ce qui s’est passé en Algérie en 1962, nous pouvons mieux comprendre comment la France a agi en face des différentes indépendances africaines. À chaque fois, De Gaulle a essayé de briser les pays rebelles pour les contraindre à se soumettre à la France malgré la proclamation de l’indépendance.
Issa Diakaridia Koné :
Évidemment, pour ma part, j’ai fini de lire les accords d’Évian.
Michel J. Cuny :
Il faut que je vous donne quelques éléments sur ce qui les a précédés…
La guerre de libération de l’Algérie avait commencé en novembre 1954. Elle a duré jusqu’aux accords d’Évian, c’est-à-dire jusqu’au mois de mars 1962… Du côté algérien, cette guerre a fait quelques centaines de milliers de morts… alors que l’Algérie était tout de même la France… C’est donc considérable !
Voilà le cadre général dans lequel ces accords sont intervenus.
Issa Diakaridia Koné :
La France voulait garder l’Algérie coûte que coûte. Est-ce que certains pays africains ont participé à la guerre de l’Algérie contre la France ?
Michel J. Cuny :
Non, je ne pense pas que les pays africains aient pu aider les Algériens à se libérer de la domination française. Ou bien, alors, il s’agissait de pays de l’Afrique du Nord comme l’Égypte de Nasser. Vous avez vu, dans la vidéo, que Houari Boumediène a participé à des stages d’entraînement militaire quand il était étudiant au Caire.
Issa Diakaridia Koné :
Oui, effectivement. Y avait-il des raisons spéciales pour que la France n’ait pas hésité à aller aussi loin dans une répression sanglante… presque génocidaire ?…
Michel J. Cuny :
La France voulait garder l’Algérie tout particulièrement parce qu’on venait d’y découvrir du pétrole, et aussi pour pouvoir continuer ses essais nucléaires dans le Sahara.
Issa Diakaridia Koné :
En effet… Si, aujourd’hui encore, elle disposait de ce pétrole-là… Et puis, du gaz !…
Michel J. Cuny :
Par ailleurs, l’Algérie était une colonie de peuplement depuis 1830. C’est-à-dire que, depuis cette époque, des familles françaises étaient venues s’y installer. Dans les dernières années de présence de la France en Algérie, les Français d’origine française sont à peu près 1 million, tandis que les Algériens sont un peu plus de 8 millions.
Issa Diakaridia Koné :
Comment se répartit la richesse dans l’Algérie de la colonisation ? Et le pouvoir politique : qui le détient ?
Michel J. Cuny :
Les Français de France détiennent l’essentiel des terres et des entreprises importantes, plus le pétrole… Ils n’ont vraiment pas envie de partir, ni de donner plus de pouvoir politique aux Algériens. Pour les élections, il y a un vote séparé : non-musulmans ou musulmans. La voix d’un Français de France vaut plusieurs fois celle d’un Algérien de souche… Les Français votent et peuvent être élus en Algérie. Les Algériens n’ont pas le droit de vote et ne peuvent pas être élus en France.
Issa Diakaridia Koné :
Ah oui, je vois les raisons pour lesquelles la France avait refusé de céder sur l’indépendance algérienne. Mais pourquoi les Algériens ont-ils décidé de se révolter les armes à la main contre le pays colonisateur ?
Michel J. Cuny :
En 1945, la France de Charles de Gaulle avait entamé une guerre pour reprendre l’Indochine contre les communistes de Hô Chi Minh. En 1954, elle a dû admettre qu’elle avait perdu cette guerre. À la fin de cette année-là, très impressionnés par la défaite de la France en Indochine, les Algériens ont décidé, eux aussi, de se lancer dans une guerre de libération. Vous voyez comme tout cela est lié.
Issa Diakaridia Koné :
Très lié, Michel. L’Indochine était une partie de la Chine ?
Issa Diakaridia Koné :
Elle est physiquement très proche de la Chine, mais, historiquement, elle en était totalement indépendante. C’est un pays assez différent. Par contre, la Révolution communiste menée par Mao Tsé-toung a pris le pouvoir en 1949… Comme vous voyez, la guerre d’Indochine avait commencé quatre ans plus tôt… Les communistes chinois ont donc pu aider Hô Chi Minh et les communistes indochinois…
Issa Diakaridia Koné :
Oui, après la deuxième guerre mondiale.
Michel J. Cuny :
Les victoires de l’URSS pendant la Seconde Guerre mondiale ont permis à différentes colonies de s’apercevoir de la faiblesse des pays occidentaux, et surtout de la France, mais aussi de la Grande-Bretagne qui, elle, a perdu très vite l’Inde… Donc, vous voyez : Inde, Indochine, Chine… tout cela se passe entre 1945 et 1954… Ensuite, dès 1954, l’Algérie s’enflamme contre la France… L’armée française, qui avait déjà été battue en Indochine, ne veut pas perdre en Algérie aussi. Elle va porter un militaire au pouvoir en France. Ce sera Charles de Gaulle, qui devient président de la république en 1958, après un putsch mené par les généraux français qui commandent l’armée française en Algérie.
Issa Diakaridia Koné :
Je vous suis, Michel. Vous savez au lycée, nous avons étudié l’histoire de la Deuxième Guerre mondiale, mais, avec vous, je vois clairement certains points que je n’avais pas découverts.
Michel J. Cuny :
Et moi, je me souviens, en en parlant avec vous, de bien des choses que j’avais complètement oubliées…
(Cet entretien, mené par écrit, a eu lieu le 12 mai 2017)
À suivre (13)…
La face cachée des accords d’Évian (18 mars 1962)
NB. La collection complète des articles d’Issa Diakaridia Koné est accessible ici :
https://unefrancearefaire.com/category/lafrique-par-elle-meme/
Cet entretien entre nous (moi et Michel) a pour but de révéler ce qui se cachait, dans les accords d’Évian, aux Algériens et Algériennes.
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cet article n’a absolument rien revelé ce qui se cachait dans les accords d’evian, je suis resté sur ma faim,
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Vous remarquerez qu’il porte le numéro 4, ce qui annonce qu’il a été précédé de trois articles, et qu’il y en aura d’autres à sa suite…
Toutes choses que vous auriez pu comprendre aussitôt en suivant la référence qui est donnée au bas de l’article que vous semblez avoir lu, référence que je vous redonne ici…
https://unefrancearefaire.com/cat…/lafrique-par-elle-meme/
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