Hala Kodmani, journaliste franco-syrienne
IV. 40 – La reprise de Palmyre par l’armée syrienne,
commentée par la journaliste, Hala Kodmani,
le 24 mars 2016
(1ère partie / 6)
La journaliste franco-syrienne, Hala Kodmani, proche de l’opposition syrienne, est l’invitée de l’émission « Le Club de la Presse » animée par Nicolas Poincaré, (radio Europe 1), le 24 mars 2016. Il s’agit, ici, d’une transcription de l’émission : beaucoup de mots répétés, notamment des « heu », ont dû être supprimés ; des incursions verbales, faites par divers participant(e)s à l’émission, dans la prise de parole d’un tel ou d’une telle, ont été enlevées… sans quoi le texte eût été fastidieux à lire pour ne pas dire quasiment incompréhensible !
Depuis le 7 mars 2016, l’armée syrienne, avec l’appui des forces iraniennes, libanaises, afghanes et irakiennes, soutenues par l’aviation russe, est occupée à reprendre Palmyre-Tadmor à Daesh : elle y parviendra le 27 mars 2016.
Nicolas Poincaré à son invitée : « Vous allez nous aider à comprendre ce qui se passe dans votre pays d’origine, deux jours après les les attentats de Bruxelles. [Note FP : Deux explosions venaient d’avoir lieu, le 22 mars 2016, dans le hall de l’aéroport de Zaventem et dans la station de métro Maelbeeck de Bruxelles (en Belgique), tuant une trentaine de personnes et faisant environ 270 blessé(e)s.] On va parler de l’afflux massif des réfugiés syriens qui semblent être sur le point de faire exploser l’Europe. Vous nous parlerez du rôle de la Russie, des négociations de paix, de cette trêve, faut-il y croire, mais surtout, ce soir, de la situation militaire, parce qu’il semble qu’il se passe des choses sur le terrain : l’armée de Bachar El Assad a repris, aujourd’hui même, à Daesh, la cité antique de Palmyre. C’est quelque chose d’important ? »
D’une façon abusive, des animateurs, des journalistes, des universitaires, des politiques parlent de « l’armée de Bachar El Assad », alors qu’il s’agit de l’armée de la République Arabe Syrienne. Parleraient-ils de “l’armée de Nicolas Sarkozy” ? de “l’armée de François Hollande” ? alors qu’il s’agit de l’armée de la république française, même si le mot « république » n’est pas tout à fait adapté à ce qui ressort de la Constitution de 1958… et à la réalité.
Hala Kodmani : « Oui, je crois qui sont. Les combats continuent, hein. Ils ont pas encore repris complètement la ville. Bon, ils ont pris une partie, ils sont pas arrivés, jusqu’à y a une heure, c’étaient des combats qui continuaient dans la ville. Bon ! Heu, une ville complètement vidée de ses habitants forcément. Heu… Beaucoup se sont réfugiés dans les environs. Y compris à Raqqa, paradoxalement. Et puis bon ! C’est une prise un petit peu symbolique, heu, un petit peu économique, quand même, parce qu’il y a un champ de gaz, heu, pas loin de Palmyre. Et ça correspond beaucoup à une volonté russe de montrer, enfin, que on combat Daesh, puisque après quatre-cinq mois d’interventions russes sur le terrain, en Syrie, il y a eu très peu d’attaques contre les forces de l’État Islamique. »
La journaliste invitée minimise l’importance de cette reprise de Palmyre, à Daesh, par les forces armées de la République Arabe Syrienne. Pourtant, jusqu’ici, des politiques, des journalistes, des intellectuels, des opposant(e)s syrien(ne)s, en France, considéraient cette prise de la ville par Daesh comme une catastrophe : plus que de la population en danger, tous et toutes parlaient des pierres… Non pas qu’il ne faille pas protéger le patrimoine syrien, non pas qu’il ne faille pas protéger ce patrimoine de l’humanité qui est, depuis 1980, classé « patrimoine mondial », par l’UNESCO. Mais, pour certaines personnes, le patrimoine humain passe après le patrimoine archéologique, comme si tous deux n’étaient pas essentiels à l’avancée progressive de l’humanité.
L’ex-ministre français de la Culture (1981-1986), de la Culture et de la Communication (1988-1992), de l’Éducation nationale et de la Culture (1992-1993), de l’Éducation nationale (2000-2002), Jack Lang, ne s’exclamait-il pas, le 20 mai 2015, à la même émission : « Pour Palmyre, vraiment, qu’on, qu’on prenne tous les moyens, je ne sais, aériens, si on veut pas aller au sol pour, j’allais dire, massacrer ces massacreurs ! [Intervention d’une journaliste : « Une bombe ? »] Pour détruire ces voyous ! ces étrangleurs ! ces assassins ! ces bandits ! Il faut sauver Palmyre ! C’est, c’est là une partie de notre civilisation : sauvons Palmyre ! Il faut sauver Palmyre par tous les moyens. » [Cf. https://unefrancearefaire.com/2016/02/20/ii-3-une-creature-ingrate-daesh/]
Nicolas Poincaré : « Alors, visiblement l’aviation russe a aidé l’armée de Bachar El Assad. Le Hezbollah chiite libanais était sur place aussi. Et ce qu’on peut retenir, nous, c’est qu’il y a un recul de Daesh qui occupait cette ville depuis depuis près de deux ans et on se dit : « Ben, est-ce qu’il y en aura d’autres ? Est-ce que Daesh est en train de perdre du terrain ? »
Hala Kodmani : « Heu, il y a certainement. Daesh est sur la défensive. Ils ont pris des revers quand même pas mal depuis un certain temps, que ce soit dans le Nord, que ce soit, oui, maintenant, maintenant Palmyre. Heu… Oui ! Forcément les bombardements, surtout les bombardements contre leurs moyens financiers, enfin, les trafics de pétrole et autres, heu, ont fini par jouer, ont fini par affaiblir le mouvement. Bon ! Heu… Je serais très prudente, hein, parce que je crois que ils peuvent ressurgir. On sait pas trop comment, heu… »
D’où il ressort qu’il est très difficile, pour l’opposante Hala Kodmani, d’accepter que l’armée syrienne, appuyée par le Hezbollah et l’aviation russe, ait fait reculer quelque peu Daesh.
Suite à un échange entre Nicolas Poincaré et l’invitée…
Robert Namias : « De toute façon, c’est peut-être une bonne nouvelle si effectivement ça correspond à un recul de Daesh. Est-ce une bonne nouvelle pour l’opposition syrienne et n’est-ce pas plutôt, au contraire, une façon de conforter le pouvoir de Bachar El Assad ? »
Robert Namias saisit bien les réticences de l’opposante à ce qui est « une bonne nouvelle » : la reprise de Palmyre, joyau de la « civilisation », pour reprendre le terme de Jack Lang, des mains des « non civilisés » ainsi que les membres de Daesh sont perçus en Occident. Bien évidemment, la reprise de Palmyre par l’armée syrienne ne paraît pas réjouir Mme Kodmani… à tel point qu’elle ne comprend pas bien ou qu’elle fait semblant de ne pas comprendre la question qui lui est posée.
Hala Kodmani : « (Silence) De reprendre Palmyre ou de, oui, de, enfin de… » (mots inaudibles d’H K)
Après un dialogue de sourds, le journaliste revient sur la question, remuant le couteau dans la plaie…
Robert Namias : « Le retour des forces syriennes appuyées par les Russes, (HK : « Voilà. ») ça conforte, forcément, Bachar El Assad. »
Hala Kodmani : « Forcément, la démonstration qu’on veut faire de montrer que les Russes ont fait, justement, de montrer, enfin, que c’est avec Bachar El Assad, ils peuvent, heu, attaquer Daesh, mais pas vaincre Daesh. C’est un peu, comme je disais, un peu prématuré. Heu… Ce n’est pas une mauvaise nouvelle de… Tout combat entre Daesh et le régime n’est pas une mauvaise nouvelle, si ça affaiblit les deux. Heu… Ce n’est pas simple. L’opposition rejette les deux. Oui. Heu… L’opposition rappelle aussi sûrement que, y a un an, c’est quand même, le régime a lâché Palmyre à Daesh de façon absolument inacceptable et incompréhensible. »
Très sympathique, Mme Kodmani… Pour les opposant(e)s exilé(e)s à l’abri des bombes, tout combat entre Daesh et l’armée syrienne… c’est bon pour l’opposition. Et, pour le peuple syrien ? Sans doute est-ce le cadet de ses soucis. Quant à la raison pour laquelle l’Armée Syrienne aurait « lâché Palmyre à Daesh », peut-être, Mme Kodmani, devrait-elle aller sur le terrain pour mieux voir ce qu’il en est, plutôt que de bavasser dans les micros ? Une question vient à l’esprit : pourquoi donc l’Armée syrienne libre, n’a-t-elle pas défendu Palmyre contre Daesh ?
Arlette Chabot : « C’est-à-dire qu’ils avaient – pour que les choses soient bien claires – laissé tomber, si j’ose dire, heu, Palmyre, aux mains de Daesh. »
Mme Chabot veut parler ici de l’Armée Syrienne de la République. Bien sûr, chacun(e) sait que toute armée, qui a la responsabilité de défendre le sol de son pays et la population qui s’y trouve, fait exprès de perdre des villes dont Palmyre, ou, en arabe, Tadmor qui comptait, en 2014, un peu plus de 51.300 habitant(e)s, avec une base militaire, située dans une région où se trouvent des richesses économiques… La ville sera de nouveau occupée par les groupes de l’ÉI en décembre 2016, avant d’être reprise par l’armée syrienne début mars 2017.
Hala Kodmani : « Ah ! Complètement. C’était per. Pas seulement le régime, d’ailleurs. Heu… L’aviation de la coalition. On n’a pas compris comment, heu, les troupes de Daesh ont pu franchir 200 kilomètres à découvert, dans le désert, pour arriver jusqu’à Palmyre sans que personne ne les embête. C’était heu… quand même heu… assez flagrant de vouloir faire un coup d’éclat, genre : « Attention, heu, c’est, heu, Palmyre », quoi. »
L’opposante Hala Kodmani a du fiel dans la bouche lorsqu’il s’agit des chefs d’État français et anglo-saxons. Parce que ces chefs d’État n’ont pas fait bombarder « les troupes de Daesh » et… l’armée syrienne.
Palmyre-Tadmor (Syrie)
Suite : IV. 41 – Hala Kodmani, journaliste : « Bachar El Assad est un grand menteur, hein ! »
Françoise Petitdemange
11 avril 2017