C’est déjà Ernest Renan qui s’exclamait en 1857 :
« Quel charme de voir dans les chaumières et dans les maisons vulgaires, où tout est écrasé sous la préoccupation de l’utile, des figures idéales, des images qui ne représentent rien de réel ! Quelle douceur pour l’homme courbé sous un travail de six journées de venir le septième se reposer à genoux, contempler de hautes colonnes, une voûte, des arceaux, un autel, entendre et savourer des chants, écouter une parole morale et consolante ! »
Avec la laïcisation de l’enseignement, les images, le culte et les chants vont être modifiés. Voici par exemple « L’Ecolier Soldat », une chanson pour écoles maternelles publiée le 1er mai 1882 dans la revue L’Ecole Maternelle :
« Pour être un homme il faut savoir écrire
Et tout petit apprendre à travailler.
Pour la Patrie un enfant doit s’instruire
Et dans l’école, apprendre à travailler.
[…]
Amour, travail avec obéissance
Voici trois mots qu’il faudra retenir,
Les retenir et les dire à la France.
Pour elle, enfants, sachons vivre et mourir. »
Dans le Dictionnaire de pédagogie et d’instruction primaire, publié en 1883 sous la responsabilité de Ferdinand Buisson, présenté comme un…
« […] recueil destiné à servir de guide théorique et pratique à tous ceux qui s’occupent d’enseignement primaire »,
et qui de fait peut être considéré comme la Bible des instituteurs laïques, on peut lire à l’article « Image-Imagerie » que, vers le milieu du XVIIIème siècle, grâce à l’utilisation de couleurs voyantes…
« […] l’image devint, en même temps qu’un musée du pauvre, une sorte d’éducateur pour les classes illettrées ».
Il s’agissait alors bien souvent d’images saintes. Ici encore, on laïcisera :
« En première ligne, l’imagerie populaire doit être patriotique. […] Le culte des grands hommes est fécondant. »
D’un culte on est en effet passé à un autre. A propos du cours de morale pour la classe enfantine, le journal L’Instruction primaire du 13 janvier 1884 rappelle aux institutrices cette consigne :
« Nous vous demandons de former, dans la véritable acception du mot, des citoyennes, des Françaises, sachant accorder leur estime aux vertus civiques, laissant vibrer leur coeur aux sentiments généreux, éprises de l’héroïsme, inquiètes des défaillances, prêtes, enfin, le jour venu, à confondre dans une même pensée ce culte : le drapeau, et cette religion : la patrie. »
Comme conclusion à la mise en place du patriotisme, on peut citer un exercice de rédaction pour le cours élémentaire, daté du 16 août 1884 :
« Un bon Français. Composition – canevas. A l’hôpital de Toulon, un jeune sergent subit une amputation pour une blessure subie au Tonkin. Le blessé se réveille, regarde la plaie : « Il vaut mieux cela que d’être prussien », dit-il. le sergent était de Metz. »
Metz, c’est l’Alsace-Lorraine… C’était alors une ville devenue allemande… A la suite de la défaite militaire de 1870, et de la Commune de Paris, qui avait été écrasé avec l’aide… prussienne, par une bourgeoisie tout ce qu’il y a de plus française… Patriote ?… c’est autre chose.
Michel J. Cuny
(Ce texte est extrait de l’ouvrage de Michel J. Cuny – Françoise Petitdemange « Le feu sous la cendre – Enquête sur les silences obtenus par l’enseignement et la psychiatrie » – Editions Paroles Vives 1986, qui est accessible ici.)
A reblogué ceci sur josephhokayem.
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