Le problème posé
Pour la bourgeoisie, l’alerte avait été chaude. On ne pouvait plus douter du caractère cyclique des crises révolutionnaires. Pour mettre un terme à celles-ci, différentes solutions sont alors proposées. Dès le lendemain de la Commune, Michel Bréal affirme :
« C’est en vain qu’on aura comprimé l’insurrection ; si les causes persistent, les effets se reproduiront. Sans l’instruction des masses, il est à craindre qu’il ne faille, à des intervalles de plus en plus rapprochés, procéder sur la population de nos grandes villes à des amputations chaque fois plus cruelles. […] Le seul bienfait incontesté par lequel l’Etat peut gagner le coeur du peuple, c’est l’instruction. »
Cette idée n’était pas nouvelle. Le début de sa mise en oeuvre datait de l’Empire « libéral ».
L’instituteur
Religion ou laïcité
Si, dans les premières années de son règne, Napoléon III s’était essentiellement appuyé sur l’Eglise catholique, il n’avait pas tardé à prendre ombrage de l’influence croissante que celle-ci s’octroyait dans le pays. Les associations religieuses s’enrichissaient dans d’imposantes proportions : elles avaient recueilli, de 1852 à 1860, 10 millions de dons et legs et acquis, à titre onéreux, pour 23 millions de biens, alors que, pour les dix-huit années de monarchie orléaniste (1830-1848), ces chiffres avaient été de 6 millions chacun.
A cet enrichissement correspondait une volonté d’extension du rôle de l’Eglise dans le système scolaire. Le recteur de Bordeaux s’effraie :
« C’est une sorte de croisade passionnée qui a pour but d’accaparer toute école ayant quelque importance. »
Le ministre Victor Duruy rapporte cette phrase d’un prêtre :
« Les religieuses ont les trois quarts des filles, les Frères ont la moitié des garçons. Avant dix ans, la France est à nous. »
Du côté des laïques, l’heure était à la démobilisation. Un maître d’école du département de l’Ain trace ce portrait du jeune instituteur qui…
« découragé, n’ayant rien en perspective, se voyant obligé pour si peu de passer sa vie dans cet air corrompu, en butte aux ennemis de l’instruction, épié dans ses moindres démarches, quitte la carrière pénible et ingrate qu’il avait embrassée avec joie sans la connaître pour se faire employé des Chemins de fer, des Ponts et chaussées ou d’une Maison de commerce ».
D’autres cependant ne perdent pas tout espoir :
« De l’institution laïque bien dirigée dépend l’avenir de la famille et de la Patrie car, il ne faut pas le cacher, la jeunesse élevée par les laïcs se soumettra toujours avec plus de franchise à l’obéissance des lois et à la Patrie que ceux élevés par les congréganistes. C’est pourquoi certaines gens n’aiment pas l’institution laïque parce qu’on voit qu’elle marche de concert avec le chef du Gouvernement. »
C’est-à-dire avec la bourgeoisie d’affaires la plus éclairée…
Michel J. Cuny
(Ce texte est extrait de l’ouvrage de Michel J. Cuny – Françoise Petitdemange « Le feu sous la cendre – Enquête sur les silences obtenus par l’enseignement et la psychiatrie » – Editions Paroles Vives 1986, qui est accessible ici.)
A reblogué ceci sur josephhokayem.
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