Ce coup terrible qui annihilerait (pour un temps ?) ce à quoi Vladimir Poutine tenait tant

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Si le putsch d’août 1991 a permis au KGB et aux défenseurs du soviétisme d’affirmer au grand jour leur désaccord total avec la ligne d’abandon suivie par Mikhaïl Gorbatchev, il a été également l’occasion rêvée par Boris Eltsine pour anéantir le Parti communiste d’Union soviétique (PCUS) et infliger une morsure sans pareille au KGB…

Mais reprenons tout d’abord le fil des événements, et voyons comment, du côté de Boris Eltsine, le putsch qui visait Mikhaïl Gorbatchev a été vécu.

Nous l’avions vu : au sommet de l’État, tant du côté russe que du côté soviétique, le putsch était une sorte de secret de Polichinelle à partir duquel Boris Eltsine s’est préparé un rôle de héros de bande dessinée. Hélène Carrère d’Encausse écrit à son propos :
« Il avait donc élaboré, avec son équipe militaire dirigée par le général Kobets, un plan de résistance, dit « plan X ». » (d’Encausse, page 242)

À cette époque-là, le tout nouveau président de la Fédération de Russie voulait se donner des airs de défenseur du peuple contre le centre représenté par le gouvernement de Gorbatchev, et contre les putschistes qui en constituaient l’essentiel.

En conséquence, ainsi qu’Hélène Carrère d’Encausse s’en fait l’écho :
« Ignorant le Kremlin et les centres traditionnels du pouvoir, Eltsine et ses amis s’installent dans la Maison des Soviets, située sur le quai de la Staraia presaia, qui sera baptisée Maison blanche (les murs en étaient revêtus de marbre blanc). Et cette Maison blanche devint aussitôt le cœur de la résistance et le centre symbolique de Moscou. » (d’Encausse, pages 243-244)

S’il faut en croire ce que la même chroniqueuse nous rapporte, l’héroïsme pouvait alors s’acheter à très bon compte :
« Les Moscovites parlementent avec les équipages des chars et Eltsine, observant ce spectacle par la fenêtre, des civils entourant les tanks sans manifester de crainte, comme pour fraterniser, n’hésite pas. Il sort de la Maison blanche, grimpe sur un char arrêté là et harangue la foule, l’appelant à défendre la liberté. Le pays a trouvé son chef. » (d’Encausse, page 244)

Pour pimenter le tout…
« Loujkov, maire adjoint de Moscou, fait porter à la Maison blanche et à la place du Manège, où s’avançait une unité blindée du KGB, des matériaux de construction, des poutrelles, tout ce qu’il faut pour ériger de solides barricades, capables d’arrêter les chars. Les médias russes et ceux du monde entier sont aussi présents et diffuseront de manière continue les images étonnantes de cette résistance populaire : celle d’Eltsine sur son char, celle de ceux qui se sont précipités à ses côtés. » (d’Encausse, page 244)

Ainsi paraît-il y avoir une totale unanimité autour du basculement qui s’apprête à anéantir le soviétisme lui-même, tout en maintenant sans doute, mais à titre de coquille vide, une certaine Union soviétique dont Mikhaïl Gorbatchev s’était engagé à modifier complètement l’architecture pour la rendre compatible avec la restructuration (perestroïka) et avec la libération tous azimuts de la parole (glasnost)… Car, au-delà de Boris Eltsine, il paraît y avoir la totalité des deux représentations populaires principales, celle de la Fédération de Russie et celle de l’Union soviétique promise…

Ainsi, Hélène Carrère d’Encausse peut-elle écrire :
« Le 21 août, le Parlement russe et le Présidium du Soviet suprême siègent en même temps. Devant le premier, Eltsine condamne le coup d’État et annonce qu’il prend le commandement des forces armées stationnées en Russie. Le second proclame que la destitution de Gorbatchev est illégale. Gorbatchev en est informé dans l’avion qui le ramène à Moscou et en conclut que son pouvoir est intact. Il démet les coupables et nomme aussitôt leurs remplaçants. » (d’Encaussse, pages 246-247)

Très partisane elle-même et rattachée, par son père en particulier, à la Russie ancienne, l’académicienne française, se réjouit de pouvoir affirmer (car c’est bien elle qui souligne)  ce phénomène tout à fait saisissant, pour elle comme pour beaucoup d’autres :
« Le 22 août fut vraiment une journée russe, où toutes les décisions furent prises par le président et le peuple russes. » (d’Encausse, page 250)

Aussi le décret pris ce jour-là par le président Boris Etsine apparaît-il d’une légitimité parfaitement incontestable qui sanctionne ce fait que, durant le putsch…
« Les organisations du PCUS présentes dans les unités militaires ont contribué à utiliser la force contre une population pacifique. » (d’Encausse, page 250)

En conséquence, son article premier peut-il supprimer, sans plus de façons, « les structures, organisations et partis politiques dans l’armée »… Ce qui n’est qu’un premier pas.

Trois jours plus tard, voici la suite telle qu’elle apparaît dans un document désormais présent sur le site du ministère des Affaires étrangères français sous la date du 31 août 1991 (PDF) :
« Les autorités russes ont, pour leur part, décidé par oukase du président Eltsine du 25 août de « proclamer propriété d’État de la RSFSR tous les biens mobiliers et immobiliers appartenant au PCUS et au parti communiste de la RSFSR, y compris les roubles et les devises étrangères placés dans les banques, les sociétés d’assurances et les sociétés anonymes, les entreprises mixtes et autres établissements et organisations se trouvant sur le territoire de la RSFSR et à l’étranger ». »

vlad-poutine

Pour sa part, Vladimir Fédorovski indique le sort réservé à ce qui avait l’objet de tous les rêves de Vladimir Poutine :
« Formellement, le KGB était mort en 1991 et comme principal instigateur du putsch, son président avait été poursuivi en justice. » (Fédorovski ,page 75)

En effet, le coup qui avait été asséné aux anciens services secrets soviétiques était rude :
« Passant de sept cent mille à quelque quatre-vingt mille employés, le KGB nouvelle formule sortit affaibli, principalement chargé de la lutte contre la mafia, la corruption et le trafic de drogues. » (Fédorovski, page 75)

Curieusement, qu’il s’agisse des biens du PCUS ou de la résurrection du KGB, tout ne tarderait pas à repasser par la personne de… Vladimir Poutine.

Faudrait-il mettre cet extravagant basculement sur le compte d’un miracle ? N’est-ce pas plutôt le soviétisme qui se sera survécu à lui-même… en toute discrétion ?

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Michel J. Cuny


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