Entretien politique
accordé par Bachar El Assad,
pour TF1 (Michel Scott) – Europe 1 (Fabien Namias)
Diffusé à la radio, le Jeudi 16 Février 2017
Michel Scott : grand reporter international,
journaliste de terrain (Tchétchénie, Corée du Nord,
Afghanistan, Irak, Birmanie, Bosnie, Pakistan, Israël…),
grand expert de géopolitique ;
Fabien Namias : journaliste,
directeur de l’information (Europe 1)
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et remplacés, parce que plus corrects, ou ajoutés entre crochets,
ainsi que les captures d’écran pour les images sont de
Françoise Petitdemange
1.
La République Arabe Syrienne est un État,
indépendant, libre, souverain
(Entretien Bachar El Assad)
Les deux journalistes : Fabien Namias et Michel Scott
Michel Scott : « Président Bachar El Assad, merci d’avoir accepté cette rencontre avec TF1 et Europe 1, ici, à Damas. Nous allons parler de l’avenir de la Syrie, de la lutte anti-terroriste, de vos gains récents sur le terrain, ainsi que de vos soutiens, mais aussi des lourdes accusations auxquelles vous faites face. »
Fabien Namias : « Bonjour Monsieur le Président. »
Président Bachar El Assad : « Good morning. » « Bonjour. »
[Outre sa langue maternelle, l’arabe, Bachar El Assad parle couramment le français et l’anglais. Petite question espiègle : combien de chefs d’États occidentaux se sont donné la peine d’apprendre l’arabe ?]
Fabien Namias : « Une question toute simple pour commencer. Après la chute d’Alep, il y a deux mois, peut-on dire que vous avez gagné la guerre ? »
« Les terroristes ont le soutien de nombreux pays occidentaux,
y compris la France, le Royaume-Uni… »
Président Bachar El Assad : « Non. Je ne crois pas que l’on peut [puisse] parler d’avoir gagné la guerre avant d’avoir battu les terroristes partout en Syrie. Il s’agit seulement d’un pas important sur le chemin qui va nous conduire à battre et éliminer le terrorisme dans notre pays. Mais je pense que ce sera un long chemin et ce, pour une seule et simple raison : les terroristes ont le soutien de nombreux pays occidentaux, y compris la France, le Royaume-Uni, ainsi que la Turquie, l’Arabie saoudite ou le Qatar dans notre région. »
[Ces pays cités, principalement « la France, le Royaume-Uni » auxquels il est possible d’ajouter les États-Unis, ne cessent de clamer qu’ils luttent contre les terroristes : un mensonge de plus… Celui-ci n’est pas bénin mais criminel.]
Fabien Namias : « Vous parlez d’un long chemin mais pouvez-vous résumer, d’un point de vue militaire, les objectifs qui vous restent à atteindre ? »
Président Bachar El Assad : « Il est certain que lorsque je parle d’éliminer les terroristes de notre pays, cela veut dire reconquérir chaque pouce de notre territoire afin de le ramener sous le contrôle du gouvernement car il incombe au gouvernement de reprendre le contrôle de tout le territoire. »
Fabien Namias : « Mais de quelle ville, en particulier, parlez-vous ? »
Président Bachar El Assad : « Vous voulez dire après Alep ? Nous poursuivrons évidemment notre campagne dans la zone qui entoure Alep afin d’immuniser la ville contre toutes nouvelles attaques terroristes provenant de l’ouest et du nord qui reçoivent un soutien direct de la Turquie, de l’armée turque. »
Michel Scott (grand expert de géopolitique) : « Mais la prochaine étape, c’est Idlib ? C’est ce qu’on dit en tout cas, que la prochaine grande bataille sera Idlib. »
[« C’est ce qu’on dit » : qui est ce « on » ? ce « on » de la rumeur… des stratèges en chambre qui croient qu’une guerre et, donc, la guerre en Syrie se font selon les rumeurs médiatiques occidentales ?]
Président Bachar El Assad : « Ce pourrait être Idlib, ce pourrait être Raqqa, ce pourrait être n’importe où. Maintenant, tout dépend de l’évolution de la situation au quotidien car on peut changer de plan en fonction de cela. Nous n’avons pas établi ce plan avant d’avoir terminé les opérations dans la ville et la campagne d’Alep. Il est donc encore tôt de parler de la prochaine étape. Tout dépend des batailles dans les différents secteurs. »
Michel Scott : « Mais la situation, maintenant, est bien meilleure pour vous qu’elle n’a été, sur un plan militaire, en tout cas. »
[Oser faire ce jugement face à un chef d’État qui voit, depuis six ans, son pays se faire détruire et se vider de sa population à cause de chefs d’États pitoyables comme Nicolas Sarkozy, François Hollande et Cie, c’est de l’impudence qui va jusqu’à la grossièreté. Mais Bachar El Assad connaît les pratiques journalistiques de l’Occident.]
Président Bachar El Assad : « Bien sûr, libérer chaque lieu des terroristes signifie que la situation s’améliore mais, pour nous, cela ne suffit pas. »
Michel Scott : « Monsieur. Pour la France, la menace terroriste principale, c’est Daesh. Ça ne fait aucun doute. Pour vous, tous les groupes armés ou, en tout cas, la plupart, sont terroristes. Pourquoi Daesh ne représente-t-il pas une menace spécifique pour vous ? »
[Décidément, ce journaliste, Michel Scott, éprouve des difficultés à dire « Monsieur le Président »… Une façon, sans doute, pour ce démocrate, de montrer qu’il ne reconnaît pas les résultats de l’élection présidentielle de 2014, lors de laquelle le peuple syrien a reconduit Bachar El Assad dans sa fonction. Quant à la France, elle se soucie de Daesh à partir du moment où il y a des attentats sur son sol. Tant que c’était en Afghanistan, en Arabie saoudite, en Algérie, en Irak, en Libye, en Syrie…]
Président Bachar El Assad : « Ma réponse se constitue de deux points. Premièrement, c’est que ce n’est pas nous, en tant que gouvernement, qui les qualifions de terroristes mais c’est la loi qui les considère ainsi ; de même le droit international. Quiconque porte une arme dans mon pays, ou dans le vôtre, et se met à tuer des gens et à détruire des biens, est un terroriste. C’est un concept international. Et donc, nous ne sommes pas les seuls à le définir ainsi. En ce qui nous concerne, et selon cette même loi, quiconque souhaite rendre les armes cesse d’être considéré comme un terroriste. Maintenant, si l’on parle de Daesh, je pense que lorsque vous dites que les Français ou les Européens s’inquiètent de Daesh, ça veut dire qu’on ne comprend pas bien la situation. Daesh est une conséquence et non le problème d’origine. Le problème réside dans l’idéologie de Daesh qui est la même idéologie pour le Front al-Nosra et pour de nombreuses autres organisations qui adoptent une idéologie similaire en Syrie et peut-être aussi en Libye et dans d’autres pays. Vous devriez donc vous inquiéter de ces terroristes qui n’ont que faire d’appartenir à Daesh ou à al-Nosra. Ils mettent en œuvre ce que leur idéologie leur commande de faire, c’est-à-dire essentiellement des actes terroristes. »
[Bachar El Assad – en tant que Président – se réfère non à sa personne mais aux textes syriens et internationaux. Quant aux « terroristes », ce ne sont pas les personnes qui seraient fondamentalement maléfiques qui sont en cause mais l’idéologie qui les anime.
L’ancêtre de Daesh, c’est Al-Qaïda : les combattants libyens, par exemple, revenus d’Afghanistan dans leur pays, se sont retournés contre la population, non pas parce qu’ils sont méchants mais parce que l’idéologie qui les anime – le wahabisme en vigueur dans la péninsule arabique – est contraire à l’État des masses, État laïc qui n’en oublie pas pour autant que la majorité de sa population est musulmane : d’ailleurs, les articles 1, 2 et 3 de la « Proclamation du Pouvoir du Peuple » du 2 mars 1977 le stipulent. [Cf. La Libye révolutionnaire dans le monde (1969-2011), page 108.
Bien évidemment, le système politico-économique de la République Arabe Syrienne dont la devise est « Unité, Liberté, Socialisme », pas plus que celui de la Jamahiriya Arabe Libyenne Populaire Socialiste dont la devise est la même dans un ordre des mots différent : « Liberté, socialisme, unité », ne peuvent convenir aux monarchies féodales du Golfe qui s’appuient non sur les peuples mais sur les familles royales, et ne peuvent pas davantage convenir aux oligarchies bourgeoises occidentales puisque c’est la grande bourgeoisie qui détient les clés de la politique, parce qu’elle détient celles de l’économie à travers la propriété privée des moyens de production et d’échange.]
Michel Scott : « Alors, pour vous, il n’y a aucune différence entre Daesh et ces autres groupes ? »
[Qu’est-ce que le journaliste voudrait faire dire au Président Bachar El Assad : qu’il y a les groupes terroristes, Daesh, par exemple, et les groupes non terroristes, l’ASL (Armée syrienne libre) ?… L’ASL qui était, au départ, constituée de déserteurs de l’armée de la République Arabe Syrienne et de prétendus rebelles, a été utilisée comme une vitrine d’opposant(e)s, prétendument avides de démocratie, par les pays occidentaux pour déstabiliser la Syrie mais ces opposant(e)s n’avaient rien de pacifistes puisqu’ils détenaient des armes. Très rapidement, suite à des querelles de personnes assoiffées de pouvoir et dévorées par l’ambition – surtout parmi leurs principaux soutiens, les opposant(e)s exilé(e)s – cette vitrine s’est fracturée avant de voler en éclats tandis que des membres de Daesh, qui ne sont pas tous des Syriens, se sont introduits dans l’ASL, bénéficiant de la fourniture d’armes provenant des États occidentaux et golfiques pour poursuivre la lutte contre l’État syrien.]
Président Bachar Al Assad : « Absolument, en Syrie, toutes ces organisations ont les mêmes racines : les mêmes personnes qui faisaient partie de Daesh appartenaient auparavant à al-Nosra. Maintenant, ils passent d’une organisation à une autre car toutes ces organisations ont la même idéologie, l’idéologie wahabite qui est l’origine de ce terrorisme. »
Fabien Namias : « Tous ces terroristes sont les mêmes ? »
Président Bachar Al Assad : « Oui, bien sûr. Et ce, conformément à la loi. Ce n’est pas moi qui le dis. Comme je viens de le dire, conformément à la loi et au droit international : personne, dans aucun pays, n’a le droit de détenir des armes, excepté l’armée et la police. Je pense que c’est la même chose en France. À moins que je ne me trompe, dites-le moi. Mais je pense que c’est le cas partout dans le monde. »
Michel Scott (grand expert en géopolitique) : « Donc Raqqa qui est le fief de Daesh, où les attaques terroristes en France ont été préparées, Raqqa n’est pas une cible prioritaire pour vous ? »
[Ce journaliste a-t-il vérifié cette information ? Qu’importe ! C’est à Raqqa que les terroristes ont préparé leurs mauvais coups contre la France… Et donc, cette ville devrait être « une cible prioritaire », selon lui.]
Président Bachar El Assad : « Non. Et encore une fois, ces attaques n’ont pas nécessairement été préparées à Raqqa. Raqqa n’est qu’un symbole. »
Michel Scott : « Qu’un symbole ? »
Président Bachar El Assad : « Il y a une présence de Daesh près de Damas. Ils sont partout. Ils sont à Palmyre, en ce moment, et dans la partie est de la Syrie. Alors, non, il ne s’agit pas que de Raqqa. Les priorités sont partout. Et cela dépend de l’évolution des combats. Mais, pour nous, tout compte : Raqqa, Palmyre, Idlib, tout compte. »
[Bachar El Assad est le Président de tous les Syrien(ne)s, pas seulement des habitant(e)s de Raqqa, et sur tout le territoire de la Syrie, pas seulement sur la ville de Raqqa que le journaliste français voudrait voir – tout expressément – dans le collimateur de l’armée syrienne.]
Michel Scott : « [Monsieur.] Vous vous présentez comme le rempart principal contre le terrorisme. Il y a beaucoup de gens, chez nous, en particulier, qui diraient que l’État Islamique d’un côté, et votre régime de l’autre, sont en fait les deux visages d’un même mal, qui cherchent à écraser toutes formes d’expression libre et démocratique dans ce pays. Que leur répondez-vous ? C’est une vraie question. »
[Le Président Bachar El Assad ne se présente pas comme « le rempart principal contre le terrorisme » : il fait face à une guerre multiforme et il se passerait volontiers de celle-ci.
Le journaliste affirme, sans l’ombre d’une précaution… « Il y a beaucoup de gens, chez nous »… C’est qui et c’est combien « beaucoup de gens » ? Que « beaucoup de gens » disent… est-ce un gage de vérité ? Quels sont les « beaucoup de gens, chez nous », qui seraient suffisamment qualifiés pour parler de la Syrie, en toute indépendance du bla-bla-bla idéologique ? Par ailleurs, sait-il de quoi il parle quand il utilise des mots comme « expression libre et démocratique » ? Se soucie-t-il de savoir si, vraiment, il existe une « expression libre et démocratique » en France ? Il a tellement de doutes sur ce qu’il fait comme métier, à l’instant précis, qu’il se sent obligé d’affirmer : « C’est une vraie question. »
Quant au « régime »… Décidément, il faut tout lui apprendre à ce garçon !]
Président Bachar El Assad : « Premièrement, nous ne sommes pas un régime. Nous sommes un État avec des institutions. Deuxièmement, c’est bien là la diabolisation de la Syrie : de son gouvernement syrien, de son armée par les principaux médias et les milieux politiques occidentaux qui ont soutenu au tout début ces soi-disant modérés. Ils ont dit au début qu’il s’agissait de manifestants pacifiques. Après quoi, ils ont dit qu’ils n’étaient plus si pacifiques, qu’ils étaient des combattants mais toujours modérés. Mais, en fait, ils ne réalisaient pas qu’ils soutenaient la base même d’Al-Qaïda et de Daesh. Voilà pourquoi ils disent maintenant que nous faisons la promotion de ces terroristes, que nous les utilisons et, pour être franc avec vous, comme une alternative pour que l’Occident n’ait plus le choix. Premièrement, l’Occident n’a pas à choisir entre moi et Daesh : c’est à mon peuple de le faire parce que c’est une question purement syrienne. Donc, nous n’avons que faire de ce que les responsables occidentaux pensent de tout cela : ils feraient mieux de s’inquiéter de leurs propres populations, de les protéger des attaques terroristes qui ont lieu à cause de leur politique. »
[Le Président syrien, Bachar El Assad, soulève un problème essentiel… En France, les hommes et femmes du petit monde politico-médiatique, manquent totalement de précision dans les termes et dans les actes : c’est bien l’une des raisons pour lesquelles la France, naviguant dans l’à-peu-près, se trouve depuis plus d’une quarantaine d’années dans le marasme politique, économique, culturel, etc.
Qui plus est, ils-elles renvoient, comme autant de miroirs déformants, leurs erreurs d’appréciation, et les conséquences dans les actes de ces erreurs, sur les Syriens. Pire… la plupart des “piliers de médias” (politicard(e)s, journalistes ou plutôt journaleux(euses), expert(e)s ès ceci-cela) parlent à tort et à travers, et renieront demain la parole qu’ils-elles ont proférée hier. Quel manque d’éthique intellectuelle ! Voilà à quoi se sont heurtés des hommes comme Muammar Gaddhafi, Mahmoud Ahmadinejad, et à quoi se heurtent encore Vladimir Poutine et Bachar El Assad…]
« Ils [les pays occidentaux] feraient mieux de s’inquiéter
de leurs propres populations »
Suite : 2. Des ONG qui manipulent les populations : ici, Amnesty International (Entretien Bachar El Assad)
Françoise Petitdemange
Dimanche 19 février 2017
A reblogué ceci sur Histoire militaire du Moyen-Orient.
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pas de commentaire , ASSAD , a tout dit.
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