Les Amérindiens… Scindés en différentes tribus, dont ces Cherokees qui ont pu rester dans la mémoire de celles et de ceux qui y ont, en quelque sorte, bercé leur enfance à travers telle ou telle série télévisée, ils n’étaient plus, désormais, les amis de personne… dans ce contexte d’une colonisation qui leur aura, peu à peu, tout pris, y compris la vie, ainsi que cela se sera passé, pour quelques centaines d’entre eux, en Caroline du Sud, tout particulièrement entre 1715 et 1717, à l’occasion de la guerre qui les aura rassemblés sous le titre générique de Yamassee…
L’issue des combats, longtemps incertaine, aura bientôt poussé la colonie elle-même à organiser sa structure interne selon le schéma que Lawrence Aje (lien) nous présente ici :
« En 1717, les Yamassee sont contraints de quitter leurs terres situées dans le sud de la province après leur défaite dans le cadre du conflit qui les oppose aux colons. Les autorités sud caroliniennes réservent ces terres laissées vacantes aux protestants blancs que l’on invite à s’installer dans la province, à la condition explicite qu’ils soient capables de porter des armes. » (Idem, alinéa 4)
Arrivé(e)s là, cette évocation d’une possible caractérisation des Blancs par leur appartenance religieuse nous rappelle ce qu’il y avait un peu plus haut dans l’article cité :
« Outre la liberté de conscience que la Caroline du Sud offre aux colons, excepté aux catholiques, son atout majeur demeure sa politique d’octroi de terres aux émigrants qui s’installent dans la colonie. » (Idem, alinéa 2)
Restons du côté de la blancheur de peau et de l’affiliation au protestantisme…
« Les femmes seules peuvent également prétendre à ce dispositif, si elles importent des serviteurs hommes blancs. » (Idem, alinéa 4)
Il s’agit d’individus qui, tout en étant d’un statut relativement inférieur qui confinait – pour un temps déterminé – à la servilité, garderaient à jamais sur leur chair la marque indélébile d’un possible futur statut de maître… sans guère pouvoir démentir à quel camp ils appartiennent, dès maintenant, du point de vue… militaire et même de celui de l’ordre intérieur.
Lawrence Aje nous présente alors la suite de la mise en place du schéma organisationnel de cette société coloniale au sein de laquelle la famille Ladson – dont nous savons, nous, qu’elle figure parmi les ancêtres d’Ursula von der Leyen – aura, de temps à autre, participé à la direction, y compris jusqu’au vice-gouvernorat :
« La politique de renforcement sécuritaire de la colonie se poursuit, lorsqu’en 1731, en vue d’établir un périmètre de sécurité avec les Indiens Cherokees, et se prémunir contre les incursions espagnoles, la Caroline du Sud prévoit de financer, pendant une période de sept ans, la création de onze communes (townships)dans l’arrière-pays et dans le sud de la province. » (Idem, alinéa 4)
Ici, la caractérisation par la situation économique personnelle fait nettement surface :
« Chaque famille de pauvres protestants (poor Protestants) d’Europe qui s’installe dans les townships est éligible à une concession de 50 acres, pour chacun des membres qui la compose, et se voit exonérée du versement d’un loyer pendant dix ans. » (Idem, alinéa 4)
Et manifestement, la « blancheur » permet d’offrir aussitôt un débouché politique pour le futur…
« Une fois le nombre de cent foyers atteint, ces townships sont autorisés à envoyer deux membres à l’Assemblée de la colonie afin de jouir de droits et privilèges équivalents aux autres paroisses de la province. » (Idem, alinéa 4)
Il nous reste maintenant à considérer, avec Lawrence Aje, ce qui se sera passé pour la main-d’œuvre du tout dernier étage, celle que la traite négrière aura peu à peu procurée aux futurs États-Unis dont nous assistons ici à la progressive naissance avec tout ce qu’elle comporte de particulièrement inhumain, sans qu’il nous soit possible d’oublier les traces qui, aujourd’hui, en persistent encore :
« Les autorités caroliniennes s’inquiètent très tôt de la croissance effrénée de la population esclave, tandis que la population blanche du territoire croît timidement, en raison d’une immigration faible et d’un fort taux de mortalité. » (Idem, alinéa 5)
Ici apparaît une mesure qui va permettre un étonnant effet de balancier :
« Aussi, dès 1703, la Caroline du Sud applique une taxe douanière sur les esclaves importés. A défaut de juguler les importations d’esclaves, cette mesure de portée peu dissuasive doit, l’espère-t-on, constituer une source de revenus pour financer l’installation de colons blancs. » (Idem, alinéa 5)
La suite nous laisse imaginer une évolution assez positive de la rentabilité générale de l’investissement colonial en Caroline du Sud… En effet, il paraît qu’on se trouve disposé à payer de plus en plus cher le droit de pouvoir intégrer une main-d’œuvre nouvelle, et la sécurisation militaire des richesses accumulées ou en voie d’accumulation sur cette terre tout particulièrement. Sans prendre la question sous cet angle-là, Lawrence Aje écrit :
« La taxe est augmentée à plusieurs reprises entre 1703 et 1764, passant de 10 shillings pour tout esclave âgé de plus de huit ans originaire d’Afrique, à £100 en 1764. Signe de l’inquiétude que provoque la croissance de la population esclave, alors que la colonie est engagée dans des guerres indiennes, le montant de la taxe passe de deux livres à 40 livres entre 1714 et 1717. » (Idem, alinéa 5)
Nous allons enfin nous pencher sur les qualités particulières qui étaient recherchées auprès d’une main-d’œuvre qui venait toujours de très loin… alors qu’apparemment il n’y avait rien à tirer, de ce point de vue-là, même d’Amérindiens qui auraient songé à se rallier au système économique et social mis en place par ces ex-Européens décidés à voler des terres au prix du sang, et pour toujours, à ce qu’il pouvait sembler…
Retournons-nous une nouvelle fois vers Lawrence Aje :
« Il faut dire que pour les planteurs de Caroline du Sud, l’insalubrité des marécages, les épidémies de fièvre jaune, ajoutée à l’introduction de cultures très exigeantes en main-d’œuvre – celles de l’indigo, du riz et du coton – sont autant de facteurs qui militent en faveur de l’importation d’esclaves noirs, dont la constitution physique est jugée plus apte à résister à la rudesse du climat et à la pénibilité du labeur. » (Idem, alinéa 8)
Certes… Mais quelle pouvait-être l’appétence qu’exerçaient sur ces « champions-là » les conditions de vie terriblement dégradées qu’induit, de toute nécessité, la condition d’esclave, seule à pouvoir les maintenir en place dans des situations de bagne perpétuel ?…
Il faudrait donc les faire tenir par la contrainte poussée aux limites possibles… d’une structuration sociale à toute épreuve…
Michel J. Cuny
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