10 – « Je pourfendrai cette bande.
Je ferai triompher mon honneur. »
Quel honneur ?
(suite)
Gilles Bouleau recevait l’ancien président de la république,
le 22 mars 2018, au 20 heures, sur TF1
https://www.tf1.fr/tf1/jt-20h/videos/20-heures-22-mars-2018.html
« je pourfendrai cette bande.
Je ferai triompher mon honneur. »
N. Sarkozy :
« Monsieur Bouleau, quand même, on est dans un État de droit. On ne peut pas se comporter comme ça. Alors, je vous dis une chose : je n’ai pas l’intention de plaisanter avec ça. Je prends les choses très au sérieux, beaucoup plus que vous ne l’imaginez.
Ça me prendra un an, deux ans, dix ans, mais je pourfendrai cette bande. Je ferai triompher mon honneur. Et je n’ai pas l’intention de céder un centimètre de terrain à cette bande. »
[« l’État de droit » est à l’opposé de la démocratie. L’État bourgeois, en France par exemple, dont les institutions se trouvent entre les mains d’une minorité, est contre l’État des masses, tel qu’il existait en Libye, où les institutions – dont celles judiciaires – étaient entre les mains de la majorité et des minorités qui pouvaient, si elles le voulaient, participer à l’élaboration et à l’évolution de ces institutions.
Lorsque Nicolas Sarkozy dit : « je pourfendrai cette bande », les principaux visés en Libye auraient tort de ne pas prendre cette phrase au sérieux. Déjà des proches de Muammar Gaddhafi sont morts… Lorsqu’il dit : « Je ferai triompher mon honneur. » Encore faudrait-il qu’il restât à Nicolas Sarkozy une once d‘honneur pour le faire « triompher »…
Il faut se rappeler que Muammar Gaddhafi – et pas que lui – a été assassiné, que des Libyen(ne)s dont des « femmes en armes » ont été assassiné(e)s, que Nicolas Sarkozy a plongé la Libye dans le chaos, après 2011… Pour protéger le peuple libyen ? Ou pour se protéger, lui, Nicolas Sarkozy, d’un financement de campagne interdit par le droit français ?]
Journaliste :
Est-ce que ces événements vous donnent des envies – pour dire les choses de cette manière – de revanche politique ?
N. Sarkozy :
« Mais non. Pour moi, j’espère que chacun le comprendra. D’abord, je ne me plains nullement du traitement qui m’est fait. Ça fait bien longtemps, depuis que je suis tout petit, que j’ai compris que ma vie serait passionnante mais qu’elle serait une vie de combat.
La politique, c’est fini. Mais la France, ça ne sera jamais fini. J’aime les Français. Et je ne veux pas que pas un seul qui ait voté pour moi ou pas puisse se dire que j’ai trompé sa confiance.
[Nicolas Sarkozy ne pense qu’à lui mais pour laisser croire le contraire, il place, de temps en temps, dans son intervention, ce type d’idée : « D’abord, je ne me plains nullement du traitement qui m’est fait. » Lorsqu’il dit : « La politique, c’est fini », un seul mot peut venir à mon esprit : “Ouf” ! Il peut multiplier les “je t’aime” à l’égard du peuple français, le peuple français a, au moins, eu cette réaction, de ne pas le reconduire dans ses fonctions destructrices et morbides. Si les électeurs et électrices lui ont préféré un autre abruti – François Hollande – c’est qu’il ne voulait plus de celui-là.
La vérité est sans doute dans ce “loupé” : « Et je ne veux pas » ; une négation, mal placée, dit le contraire de ce que l’énonciateur (Nicolas Sarkozy) voudrait dire.]
N. Sarkozy :
« Est-ce que vous imaginez, monsieur Bouleau, la gravité de ce qui se joue. Si ce que je dis est vrai, si c’est un complot, si Médiapart a servi pendant des années de porte-voix à un document reconnu comme faux par la justice, est-ce que ça ne serait pas encore un scandale plus grave ?
Est-ce que, parce qu’on est au rythme de l’Internet, des réseaux sociaux, chacun peut se retrouver acculé à devoir se justifier de choses invraisemblables ? »
[Il est possible aussi de prendre un autre point de vue que celui de monsieur Sarkozy : “Si ce qu’il dit est faux, s’il y a complot, si Médiapart a fait son travail de journalisme à partir de documents fiables, n’y aurait-il pas un scandale à laisser un tel homme en liberté” ?
Pour l’instant, ce n’est pas « chacun » pris dans la généralité et dans l’anonymat mais Nicolas Sarkozy, ex-chef d’État, qui doit répondre de ce dont il est accusé. Pourquoi, à l’heure de l’internet et des réseaux sociaux, il n’aurait pas, lui, à se justifier, non pas « de choses invraisemblables » mais de faits précis…]
« Si jamais on m’avait dit qu’un jour
j’aurais des ennuis à cause de Kadhafi »
N. Sarkozy :
« Si jamais on m’avait dit qu’un jour j’aurais des ennuis à cause de Kadhafi, mais je me serais dit : “Mais vous fumez monsieur.”. »
[Même quand ils se font assassiner par des exécutants qui les tuent sur ordre de commanditaires, pour qu’ils ne puissent plus parler, les morts, les pauvres morts parlent encore…]
N. Sarkozy, ayant évacué, quelques minutes auparavant, le problème de son collaborateur par cette phrase : « Monsieur Bouleau, vous interrogerez monsieur Guéant », il lui faut tout de même – pour ne pas s’attirer la vindicte des copains-coquins – sortir l’arsenal du parfait travailleur :
« Un mot sur mes proches puisque je ne veux laisser rien heu. Monsieur Guéant a été un collaborateur qui a travaillé d’une manière infatigable à mes côtés. »
Journaliste :
« Ce n’est pas son énergie qui est en cause, c’est son intégrité. »
N. Sarkozy :
« Pardon. Hein. S’il y a des faits qui lui sont reprochés, il a le droit, comme les autres, à la présomption d’innocence. Il s’en expliquera, pas en tant qu’ancien collaborateur de Nicolas Sarkozy, mais en tant que Claude Guéant lui-même.
Brice Hortefeux est mon ami depuis tant d’années. Je l’aime tendrement, si vous me permettez. Brice Hortefeux, s’il a eu des rapports avec tel ou tel, il s’en expliquera et je lui fais confiance. »
[Voici deux mauvaises cartes dont il se défausse : Guéant et Hortefeux. « Il s’en expliquera, pas en tant qu’ancien collaborateur de Nicolas Sarkozy, mais en tant que Claude Guéant lui-même. » Celui-ci ne peut – selon l’ex-président pris dans une affaire de financement de sa campagne de 2007 – s’expliquer en tant que « collaborateur »… Cela signifierait-il que son « collaborateur » aurait des choses à dire mais qu’il ne doit pas dire… Voudrait-il se couper un bras, ce monsieur Sarkozy, pour pouvoir affirmer que ce n’est pas le sien ?
Voici donc deux amis – Guéant et Hortefeux – mis sur la sellette de la justice. Que le premier ait travaillé dur, que le second soit un ami de longue date, ne change rien à l’affaire… Cela ne leur donne pas un brevet de bonne conduite… à vie !]
N. Sarkozy :
« Mais je ne peux pas être moi-même accusé, au titre des liens que j’ai avec tel ou tel, et de ce qu’aurait pu ou pas faire tel ou tel.
Il faut des preuves. C’est trop grave, monsieur Bouleau. »
[Monsieur Sarkozy, sait qu’il est capable de tenir tête pour se disculper à bon compte. Mais, n’étant pas sûr que ses deux acolytes, Guéant et Hortefeux, soient en mesure d’en faire autant pour nier les faits précis qui leur sont reprochés, Nicolas Sarkozy pense pouvoir se désolidariser définitivement d’eux.]
Journaliste :
Merci. Merci beaucoup, Nicolas Sarkozy d’avoir répondu, en détail, à nos questions.
« On n’a pas le droit de jeter les gens à la boue
parce qu’une bande d’assasssins, d’escrocs, de menteurs,
de manipulateurs a fait ce qu’ils ont fait. »
N. Sarkozy :
« Vous savez : il y aurait d’autres choses à dire. Puisque j’ai répondu pendant plus de 30 heures aux aux… enquêteurs.
Mais, naturellement, je veux que chacun comprenne que je suis blessé au plus profond de moi-même. Pas pour moi, je ne suis pas à plaindre mais pour notre pays, pour la fonction que j’ai exercée.
On n’a pas le droit de jeter les gens à la boue parce qu’une bande d’assasssins, d’escrocs, de menteurs, de manipulateurs a fait ce qu’ils ont fait. Parce que le document Médiapart sort entre les deux tours de la présidentielle. »
[La défaite cruciale pour Nicolas Sarkozy, et dont il n’arrive pas à se remettre, c’est d’avoir perdu les primaires qui l’auraient conduit – du moins peut-il le penser – à effectuer un second mandat lui donnant le temps d’étouffer toutes les “affaires” en cours… les siennes et celles des copains.]
« Je ne peux pas laisser faire ça. »
N. Sarkozy :
« Les révélations, entre guillemets, du sinistre Takieddine sort deux jours avant le débat le plus important télévisé de la primaire de la droite. Je ne peux pas laisser faire ça. »
[Le problème pour le président déchu, c’est qu’il n’a plus l’appui de la Constitution qui lui donnait un pouvoir sur l’exécutif, le législatif et… le judiciaire. Son « Je » ne représente pas la justice d’un pays.]
Françoise Petitdemange
7 avril 2018