Les temps ont bien changé depuis 1944…

Dans le Programme daté du 15 mars 1944, la France résistante n’hésitait pas à écrire :
« […] les représentants des mouvements, groupements, partis ou tendances politiques, groupés au sein du C.N.R. proclament qu’ils sont décidés à rester unis après la Libération […] afin de promouvoir les réformes indispensables […] [et en particulier] sur le plan économique, l’instauration d’une véritable démocratie économique et sociale, impliquant l’éviction des grandes féodalités économiques et financières de la direction de l’économie […] ».

… « éviction des grandes féodalités économiques et financières de la direction de l’économie »

Soixante-quatre ans plus tard, en 2008, lorsque la ministre de la Santé – l’inénarrable Roseline Bachelot-Narquin qui devait se rendre tellement célèbre l’année suivante par la mise en oeuvre de l’invraisemblable vaccination contre la grippe A H1N1 – se tourne vers le professeur Vallancien, à qui, dans l’ordre de mission correspondant, elle donne du « cher Guy » pour qu’il lui apporte ses lumières sur « la gouvernance à l’hôpital, en préparation de la loi ‘santé, patients, territoires' », il en résulte ceci pour le service public :
« Mais à quel modèle de management faut-il se référer ? Est-il possible d’entrevoir l’organisation de l’hôpital sur la base d’un modèle industriel visant à optimiser la qualité du service rendu aux malades et blessés au meilleur prix ? »  [Rapport remis le 10 juillet 2008 sous le titre « Réflexions et propositions sur la gouvernance  hospitalière et   le  poste  de  président du directoire », page 7.]

Et puis :
« Quel hôpital pourrait-il vivre aujourd’hui sans produire son propre chiffre d’affaire ? Le système public serait-il isolé du monde, recevant des enveloppes financières ex nihilo ? L’argent serait-il à ce point sale pour qu’il ne récompense pas les établissements efficients ?  » [page 10]

Et encore :
« Osons sortir du seul code de la santé publique pour aller lire le code du Commerce », formule très significative que vient ponctuer cette belle farandole : « (voir Articles L.225-68, Art L.225-69, L.225-75 et L.225-16, Art L.225-72, Art L.225-79, Art L.225-81, Art L.225-82, Art L.225-75, Art L.225-64, (Art L.225-58 et L.225-59, Art L.225-561 du Code de commerce) » [page 15]

Ainsi, s’il s’agit de réformer le service public hospitalier, le professeur Vallancien n’est pas en panne d’idée :
« Il est vrai que la composition actuelle et le rôle du Conseil d’administration (CA) ne permettent pas de tirer l’hôpital vers le haut. La répartition par tiers : représentants des collectivités locales, personnels et personnalités qualifiées et usagers est réductrice laissant de côté nombre de forces vives entrepreneuriales qui font vivre les régions et seraient prêtes à agir ou conseiller pourvu qu’elles ne perdent pas leur temps dans des réunions où aucune décision importante n’est prise. »    [page 7]

Quelles sont donc les « forces vives entrepreneuriales » « prêtes à agir et conseiller pourvu qu’elles ne perdent pas leur temps dans des réunions où aucune décision importante n’est prise »? N’ont-elles qu’un caractère « régional » ?

La réponse se tient dans le caractère invasif des hommes du CAC 40 et de leurs alliés qui trônent parmi la cohorte des 108 personnes consultées par le camarade Guy (de la ministre Roseline) pour mettre au point la petite bombe qui mettra définitivement l’hôpital public à la merci « des grandes féodalités économiques et financières » que dénonçait, il y aura bientôt soixante-dix ans, le malheureux Conseil National de la Résistance…

Michel J. Cuny


Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.