IV. 94 – À défaut de respecter ses textes fondateurs, l’ONU exerce ou incite tel État à exercer des pressions sur tel autre État…

Staffan de Mistura et son jeu des couleurs…

IV. 94 – À défaut de respecter ses textes fondateurs,
l’ONU exerce ou incite tel État à exercer des pressions
sur tel autre État…

À l’issue de la 8ème série de négociations à Genève, le 13 décembre, l’émissaire spécial de l’ONU (Organisation des Nations Unies), Staffan de Mistura, accordait un entretien à la RTS (Radio-Télévision Suisse).

Le journaliste Darius Rochebin : « Vous êtes envoyé spécial de l’ONU pour la Syrie. Vous avez cette lourde tâche des négociations sur le dos. Les choses ont changé. On voit à quel point Vladimir Poutine est en position de force en Syrie. Qu’est-ce que vous lui dites ? Qu’est-ce que vous attendez de lui ? »
Staffan de Mistura : « Ce n’est pas à moi à donner des conseils à un président de la République d’un pays étranger. »
Réponse tout ce qu’il y a de plus correct pour un émissaire.

Cependant, il ne faut pas oublier que l’ONU multiplie les ingérences dans les affaires intérieures des États et porte une lourde responsabilité dans les guerres : notamment dans celle contre la Libye en 2011, et dans celle, commencée en même temps, contre la Syrie
Staffan de Mistura se ravise : « Mais je peux vous dire une chose. J’ai eu l’occasion d’avoir des réunions assez longues avec le Président Poutine, ça fait une année. J’ai trouvé un homme très déterminé et très pragmatique qui avait vraiment une connaissance de la Syrie. Donc… Je me souviens aussi qu’il m’avait rappelé qu’il était vraiment très touché par les résultats très mauvais de l’expérience en Libye. Et donc, et donc, que ce n’est pas suffisant une opération militaire ; il faut que, immédiatement après une opération militaire, il y ait un processus politique inclusif, qui puisse inclure tout le monde pour avoir des nouvelles élections et une nouvelle Constitution. »

Là où ça se gâte vraiment, c’est à partir du moment où le journaliste récapitule la situation en Syrie. À propos du Président russe :
« Le petit signal qu’il peut donner… Il a la main aujourd’hui : position de force militaire, les bases en Syrie… C’est vraiment lui qui tient le couteau par le manche. »
La métaphore du « couteau par le manche » rappelle fortement celle du bolchevik, le « couteau entre les dents » d’une époque où les médias devaient faire passer, dans les esprits populaires, les Soviétiques pour des ogres et les grands patrons, le cigare entre les dents, pour des bienfaiteurs. Mais, par les temps qui courent, les États, qui sont en train de perdre la guerre qu’ils mènent depuis six ans contre la Syrie, font profil bas et attendent donc « le petit signal » de Vladimir Poutine avec le journaliste de la RTS
« Le petit signal qu’il peut donner, c’est quoi ? »
Staffan de Mistura, oubliant, et sa position à l’ONU, et la première phrase qu’il a prononcée au début de cet entretien…
« Ben, de convaincre le gouvernement qu’on n’a pas du temps à perdre. »

C’est vrai que le gouvernement, qui conduit la lutte de l’armée syrienne, depuis six ans, contre les armées occidentalo-golfico-sionistes et leurs mercenaires, se roule les pouces pendant que le « on » de l’ONU et de ses amis travaille… Le peuple syrien, qui voit ses soldats tomber sous les bombes, qui voit des hommes, des femmes, des enfants mourir dans ses rangs sous les mêmes bombes, et sous le regard d’une ONU incapable d’affronter le trio infernal du Conseil de sécurité (États-Unis, France, Grande-Bretagne) pour faire cesser les massacres, appréciera le propos…

D’autant plus que… Staffan de Mistura, cherchant à minimiser les résultats obtenus, par la Syrie et ses allié(e)s, ailleurs que dans les réunions de l’ONU à Genève où le « on » piétine, se lance…
Comme vous avez très bien dit : on peut penser avoir gagné une guerre territoriale, c’est temporaire, mais il faut gagner la paix et, pour gagner la paix, il faut avoir le courage de pousser le gouvernement aussi à accepter qu’il doit y avoir une nouvelle Constitution et des nouvelles élections. Avec l’ONU : autrement ça ne vaut pas. »
M. de Mistura, croit-il que les armées syrienne, russe, que le Hezbollah iranien et libanais, qui sont occupé(e)s à lutter contre les groupes de terroristes-mercenaires des États occidentalo-golfico-sionistes et contre les armées de ces États criminels, ont des leçons de « courage » à recevoir de lui ? Pauvre petit monsieur !…

Attitude étrange pour un émissaire spécial de l’ONUStaffan de Mistura répondait au vœu de l’opposition syrienne qui avait déclaré : « Nous invitons la communauté internationale à faire pression sur le régime […]. » [Cf. IV. 93 – La 8ème série de négociations à Genève (Suisse) sur la Syrie, sous l’égide de l’ONU, le 29 novembre 2017] Il lançait un appel à Moscou pour que le gouvernement russe exerçât des pressions sur le gouvernement syrien…

Le journaliste, à propos de l’opposition : est-elle prête à négocier « directement avec Damas » ?
Staffan de Mistura : « L’opposition m’a dit clairement en arrivant ici, et hier, et ce matin aussi. Ils sont prêts à rencontrer le gouvernement tout de suite pour avoir une discussion dure, difficile : les négociations sont assez longues pour ça. Le gouvernement n’est pas prêt : il a dit qu’il n’est pas prêt à rencontrer l’opposition : c’est regrettable. Mais la diplomatie a beaucoup de moyens pour faire parler l’un et l’autre. »
C’est-à-dire ?

Le journaliste : « Il y a d’autres pôles. On voit bien : ça se jouera à Moscou, Astana, etc. Il faudra signer à Genève ? »
Staffan de Mistura qui tient à son poste… « Pas seulement signer. Il faut vraiment rentrer dans les détails. Il faut donner la légitimité. L’ONU à Genève. Et l’ONU et Genève sont les seuls lieux mandatés par le Conseil de sécurité. Autrement, ce sont des (PC ?) localement. Ici, c’est une guerre compliquée ; c’est seulement à Genève, avec l’ONU. »

Est-ce à l’ONU de « donner la légitimité » à un Président et à un gouvernement ? Ne serait-ce pas plutôt, dans une démocratie, au peuple ? Que M. de Mistura ne se fasse pas de soucis… ceux qui sont en train de vaincre les forces armées des puissances occidentalo-golfico-sionistes et leurs groupes de mercenaires, savent ce qu’est « une guerre compliquée »… et s’ils ont initié d’autres rencontres dans d’autres lieux que Genève, c’est parce qu’ils se sont rendu compte de ce fait qu’ils n’avaient pas besoin de Genève pour leur mettre des bâtons dans les roues.

Le journaliste demande à voir la carte de la Syrie. Staffan de Mistura montre la carte et, comme s’il s’agissait d’un jeu… « Combien de couleurs vous voyez ? Allez-y Darius. »
L’émissaire appelle le journaliste par son prénom. Celui-ci répond : « Quatre ou cinq. »
Staffan de Mistura : « Voilà. Vous voyez. Ça, c’est le danger si on ne trouve pas une paix rapidement : une fragmentation de la Syrie. Personne ne le veut. »

Sauf que l’ONU et les forces occidentalo-golfiques ont dit la même chose pour la Libye. Sauf qu’elles ont tout fait pour provoquer une partition de la Libye. Alors, leurs paroles… Alors, les paroles des Assis de l’ONU

[RTS (Radio Télévision Suisse), Pour Staffan de Mistura, “Poutine doit maintenant gagner la paix” en Syrie, 13 décembre 2017. Propos recueillis par Darius Rochebin. Note FP : Les points de suspension entre crochets et les initiales entre parenthèses sont de mon fait.]

Bachar al-Jaafari, chef de la délégation syrienne, à Genève,
15 décembre 2017

Le lendemain de cet entretien de Staffan de Mistura à la RTS (Radio-Télévision Suisse), le 14 décembre 2017, Bachar al-Jaafari, chef de la délégation syrienne et représentant permanent de la Syrie auprès de l’ONU, désapprouvait fermement l’attitude de l’émissaire :
« Personne ne peut exercer de pression sur nous. Nous avons des alliés, nous avons des amis et nous avons des gens qui se battent sur le terrain à nos côtés. C’est pourquoi ce que l’émissaire spécial [Staffan de Mistura] peut dire par erreur, ne reflète pas la réalité de notre relation avec nos alliés. Merci. » [Bachar al-Jaafari, Le gouvernement syrien critique l’émissaire spécial de l’ONU, 14 décembre 2017. Note FP : La précision entre crochets est de mon fait.]
Voilà de quoi remettre le petit émissaire bien fat à sa vraie place.

Suite : IV. 95 – En Syrie, le président Macron a un projet… « l’extermination de Daesh avant… » 

Françoise Petitdemange
16 février 2018


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