Il y a un grand danger à laisser capter son attention par le festival d’images et de propos plus ou moins vérifiables qui constituent l’essentiel de ces enquêtes qui, pour nous tenir en haleine et nous maintenir devant le téléviseur, ne cessent de monter en épingle tel ou tel phénomène qui se trouve soudain placé, comme un animal sauvage plus ou moins égaré, sous le projecteur indiscret d’une apparente indignation morale. Essayons d’y regarder de plus près.
La question du médicament est une affaire extrêmement sérieuse.
L’émission « Pièces à conviction » du 13 novembre 2013 prétendait l’aborder sous l’angle des prix, prix qui frappent plus particulièrement, en France, la Sécurité sociale.
Comme on sait, le prix renvoie à la valeur d’échange. Or, les produits de santé nous paraissent d’abord importants pour leur valeur d’usage. Ils doivent servir à garantir ou à améliorer notre santé. Mais, jusqu’à preuve du contraire, la grande majorité de nos concitoyennes et concitoyens ne sont pas spécialement choqué(e)s de vivre sous ce mode capitaliste de production et d’échange qui mène son petit monde sur le joli chemin de profits à réaliser… pour investir, donner du travail, etc…
Ainsi, la perspective fondamentale n’est pas la valeur d’usage. Ce qui sert de fondement à toutes les comptabilités, c’est la valeur d’échange. Celle-ci passe, bien sûr, par quelque chose qui paraît avoir une valeur d’usage, mais c’est tout simplement pour pouvoir elle-même croître et embellir. Songeons au Médiator.
Nous avons entendu le professeur Michel de Lorgeril nous le dire :
« La France est le paradis de l’industrie pharmaceutique. C’est là qu’ils sont les rois. C’est catastrophique. »
Catastrophique pour la valeur d’usage du médicament, catastrophique pour l’usage qui est fait des sommes récoltées par la Sécurité sociale. Mais, il faut en convenir, dans ce système économique dont il est assez connu qu’il repose sur l’exploitation de l’être humain par l’être humain, il n’y a là rien à redire. Nous votons suffisamment souvent pour avoir acquis la certitude que c’est bien ce que nous voulons : la dictature de la valeur d’échange.
Or, le vice-président d’AstraZeneca France, Philippe Géhin, nous l’a dit :
« C’est l’Etat qui fixe les prix. »
Lucentis, Avastin et autre Crestor font partie de nos divinités : l’Etat le sait. Il n’a pas oublié le culte voué à Médiator. Il les traite donc comme des divinités : ça coûte cher !…
Le pire est que ces émissions – où l’on voit toujours l’inénarrable Philippe Even – ne sont que des façons de venir nous provoquer, non pas à la révolte, mais à l’inertie… et ça marche.
Michel J. Cuny