Quand le Figaro joue à se faire peur avec des petits riens

A la date du 4 mars 2013, le site du Figaro a failli s’étrangler en rapportant ce qu’il feignait de prendre pour une révélation capitale :
« La phrase a l’effet d’une bombe. « Je pense que le Médiator aurait pu être retiré en 2007 certainement, et peut-être même en 2005. » C’est ce qu’a déclaré aux enquêteurs en charge de l’instruction sur le Médiator un homme qui connaît parfaitement le sujet puisqu’il s’agit d’Alain Le Ridant, le pharmacien responsable de Médiator qui a pris sa retraite il y a deux ans.« 

Or, pour celles et ceux qui connaissent un peu le parcours du Médiator, il est évident que, loin de devoir jamais être retiré de la vente, Médiator aurait dû ne jamais recevoir la moindre Autorisation de mise sur le marché.

Faudrait-il, pour parvenir à ne pas s’en laisser convaincre, renoncer définitivement à lire ce qui s’est trouvé écrit en toutes lettres au moment même de son arrivée dans les valises des visiteurs médicaux de l’année…1977 ?

Voici ce document tel que je le rapporte dans « Une santé aux mains du grand capital ? – L’alerte du Médiator » (accessible ici) (page 29 et suivante) :
« Il date précisément de février 1977, alors que la commercialisation de Médiator vient tout juste de commencer (1976). Il est constitué d’un article publié dans la revue du Syndicat de la médecine générale, Pratiques ou les Cahiers de la médecine utopique. Son contenu est tellement révélateur de ce qu’il peut y avoir parfois de meilleur dans l’intelligence humaine qu’il ne souffre guère qu’on s’autorise à n’en pas donner la totalité. On aura donc ici d’autant moins de scrupules à lui faire une très large place. Le voici :
« Les laboratoires Servier pour le Médiator : Cinquième au classement par le chiffre d’affaires, ils sont le champion français de la « promotion médicale », c’est-à-dire de la publicité, de la relance postale, de la visite médicale, etc. (1er rang pour les dépenses consacrées à ce domaine en 1975). Chaque médecin a d’ailleurs pu mesurer cette suprématie, en soupesant et en tâtant les luxueux papiers reçus en surabondance durant ce trimestre à propos du Médiator. 
« Il arrive qu’un nouveau médicament soit une découverte… » C’est là le mot d’ordre clef de ces laboratoires en vue de faire prescrire Médiator. De quoi faire hésiter un régiment d’incrédules… Et cela d’autant plus que les indications sont quasi universelles :
« Contre les hyperlipidémies, qu’il s’agisse d’hypercholestérolémie, hypertriglycéridémie, d’hyperlipidémie mixte. »
« Chez les diabétiques, dans le diabète patent… en traitement d’appoint important, dans le diabète asymptomatique. »
« Chez tous les athéroscléreux potentiels ou avérés. »
Ça en fait du monde tout ça !
Ça en fait des centaines et des centaines de milliers de boîtes à vendre !
Et pas pendant deux jours !
Pendant des années !… »

Ceci encore, dans le même article de février 1977 : 
« Finalement c’est quoi le Médiator ? Du benfluorex ; et « benfluorex », c’est toujours écrit le plus petit possible, dans un coin de page, comme si la terminaison orex de cette dénomination commune internationale (déposée en 1971) gênait son propriétaire (le suffixe orex correspond aux anorexigènes dans la nomenclature de l’O.M.S.).
Et puis : «Mais pourquoi donc ne nous dit-il pas [Servier] que son Médiator, sur le plan chimique, est un dérivé de l’amphétamine, et un dérivé d’un autre produit de son laboratoire, l’anorexigène Pondéral ? »
Et pour finir, le bouquet : « […] dans quelques années, quand on commencera à savoir un petit bout de la vérité, ça en fera déjà des millions de boîtes de Médiator vendues !… Et avec tout cet argent, les laboratoires Servier auront bien vécu… et aussi inventé « benflobis », pour lequel il faudra dix ans de plus pour affirmer quelque chose… et… avec tout cet argent… »

Poursuivons maintenant la lecture de « Une santé, etc… » :
« Sans manquer de continuer à nous émerveiller d’une telle prescience – puisqu’il arrive à la Science de tellement nous décevoir –, jetons un oeil sur les chiffres fournis par Servier à l’Administration. Nous les retranscrivons à partir d’un graphique donné par le rapport de l’IGAS. Voici, en milliers de traitements annuels, ce que représentent les ventes de Médiator en France :
1976 : 15 ; 1977 : 48 ; chaque année de 1978 à 1982 : 60 ; 1983 : 70 ; 1984 : 85 ; 1985 : 95 ; 1986 : 100 ; 1987 : 105 ; 1988 : 115 ; 1989 : 130 ; 1990 : 140 ; 1991 : 160 ; 1992 : 180 ; 1993 : 215 ; 1994 : 245 ; 1995 : 260 ; 1996 : 270 ; 1997 : 280 ; 1998 : 295 ; 1999 : 325 ; 2000 : 335 ; 2001 : 375 ; 2002 : 400 ; 2003 : 425 ; 2004 : 440 ; 2005 : 445 ; 2006 : 405 ; 2007 : 380 ; 2008 : 330 ; 2009 : 315.

On voit tout de même qu’à partir de 2006, il a du plomb dans l’aile, le gaillard… « 

Refermons doucement ce livre paru en 2011…

Mais non sans constater, avec Alain Le Ridant, qu’en 2005 déjà, et en 2007 à plus forte raison, Médiator était déjà… un vieux beau… sur le déclin.
Un jeune retraité, lui aussi, déjà!
Paix aux braves… Hein!

Michel J. Cuny


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