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Quand les mots sont, d’abord, des jouets…
Après avoir écrit et publié, en 1981, le roman Le dernier chemin, dans lequel le personnage principal, une vieille dame, perd progressivement les mots qui lui permettaient jusqu’ici d’avoir une mémoire, cinq ans plus tard, en 1986, je commençais la rédaction d’un autre roman la toiture a pédals qui serait publié en 1993, dans lequel le personnage principal, un enfant, est occupé, quant à lui, à acquérir les mots qui lui permettent de construire son petit monde bien à lui qui va bientôt s’insérer dans un univers plus vaste. Les resituant dans leur contexte, je reprends, ici entre guillemets, quelques passages de ce livre :
Après avoir bien joué avec le papier d’emballage, voici le moment, pour Philippe, de découvrir le cadeau que vient de lui offrir sa marraine à l’occasion de ses trois ans.
« – oh une touèture !
– Mais non, vvvoi-ture, répète.
– tttouè-ture !
une touèture ! une touèture a ilipe une touèture iouje
– Eh ben, monte dedans, ne marche pas à côté.
– Attends, papa…
papa souve ilipe ilipe souvé papa ilipe an touèture
– Mets tes pieds sur les pédales. Tiens, là. Mets tes mains, là, et pousse avec tes pieds.
lé petons a ilipe su pédals papa pousse touèture è ilipe pati vèc touèture
– Tiens, t’as même le klaxon.
“tut !” »
Pour Philippe, le monde est peuplé de jouets : les personnes, les choses, les sons, et puis, bien sûr…
« – cè coi dé mos ?
ilipe i lè su lé jenous de papa è i rga lé mos
– C’est tout ce qu’on dit quand on parle.
– cè coi con di ?
– Tous les mots : Philippe, c’est un mot ; maman, c’est un mot ; papa, c’est un mot.
è touèture ?
– C’est aussi un mot.
è rouje ?
– C’est encore un mot.
è nounous ?
– Nounous aussi, c’est un mot. C’est tout ce qu’on dit quand on parle.
– cè ki on ? »
Mais bientôt, il va falloir quitter “maman è papa”, “nounous è toiture”, et puis aussi les mots d’une langue, bien à lui, forgée de toutes pièces dans sa bouche.
« – D’abord, papa, il va t’apprendre à dire ton nom.
“ton non”
– Tu es grand maintenant, tu n’es plus un bébé : tu ne peux plus dire Ilippe.
“a lécole tou le monde se mokrè de touè”
– À l’école, tu devras bien dire Philippe. Tu comprends ?
papa la lé ieux sévèrs
– conpri ilipe »
Et puis un jour, un autre capte toutes les attentions.
« le pti frèr i lè dan lé bras de papa »
Françoise Petitdemange
10 janvier 2017
2 réflexions sur “Quand les mots sont, d’abord, des jouets…”