IV. 56 – Faire taire les armes en Syrie et discuter au Kazakhstan

Kazakhstan

IV. 56 – Faire taire les armes en Syrie
et discuter au Kazakhstan

Astana I, 25-26 janvier 2017
(Pourparlers sur la Syrie)

La Résolution 2336, bien que votée au Conseil de sécurité, le 31 décembre 2016, n’est – comme la plupart des Résolutions de l’ONU, d’ailleurs – qu’un pâle reflet du travail entrepris qui a donné lieu à la rédaction de la « Déclaration sur l’instauration de la cessation des hostilités sur le territoire de la République arabe syrienne » par M. Churkin, de la « Déclaration du Ministère des affaires étrangères de la République de Turquie » par M. Begeç, et du texte commun à « la Fédération de Russie et la République de Turquie ».

En effet, l’ONU reste bloquée sur ce qui arrange trois puissances du Conseil de sécurité et les opposant(e)s à Bachar El Assad : à savoir principalement le Communiqué de Genève du 30 juin 2012 qui demandait le départ du président syrien.

Le travail réalisé par les équipes russe, turque et iranienne était le prélude à des négociations prévues à Astana, capitale du Kazakhstan, entre les représentants de la République Arabe Syrienne et ceux des opposants armés.

Dans la ville d’Astana

Les États qui ont œuvré dans le sens de la paix – la Russie, l’Iran, et, dorénavant, la Turquie – participent de manière active à ces pouparlers tandis que les États-Unis qui ne sont représentés que par leur ambassadeur en poste au Kazakhstan, la Grande-Bretagne, la France qui n’est pas présente parce qu’elle privilégie le cadre de l’ONU !…, l’ONU elle-même, n’étaient invité(e)s qu’en tant que pays et organisme observateurs. Donald Trump, le nouveau président états-unien élu, a déjà fait savoir qu’il réduirait le soutien de son pays à la guerre en Syrie ; ce qui n’est pas pour aider les groupes d’opposants.

Russie

La Fédération de Russie, qui intervient, depuis septembre 2015, sur la demande du président syrien, et qui prend une part importante dans la résolution du conflit à la fois sur le plan politique (en imposant le respect des élections présidentielles qui ont eu lieu en 2014), et sur le plan militaire (en permettant à l’armée syrienne de retrouver progressivement le contrôle de tout le pays qui ne peut se faire que par la reprise de villages et de villes occupé(e)s totalement ou partiellement comme Alep), paraît bien déterminée, avec l’Iran et la Turquie, à apporter quelque chose de nouveau, à Astana, par rapport aux propositions des conférences de Genève qui, suite à l’évolution sur les terrains politique et militaire, sont devenues obsolètes.
Le chef de la délégation russe à la réunion d’Astana est M. Alexander Lavrentiev.

Iran

La République Islamique d’Iran et la République du Liban, qui ont des troupes au sol pour combattre aux côtés de l’armée de la République Arabe Syrienne, sont représentées elles aussi. D’ailleurs, à Astana, les délégations syrienne et iranienne ont pris place, l’une à côté de l’autre, à la table des pourparlers. Le soutien inconditionnel de l’Iran à la Syrie permet à la Russie d’avoir un rôle de médiateur. Les milices chiites iraniennes, et les milices chiites du Hezbollah qui ont un rôle militaire essentiel au Liban, en défendant la Syrie, défendent la région du Proche-Orient contre les menées des États belliqueux, surtout de l’État sioniste.
La délégation iranienne est conduite par le vice-ministre des Affaires étrangères, M. Hossein Jaberi Ansari.

Liban

En vertu de quel droit l’État sioniste peut-il violer l’espace terrestre, maritime et aérien d’un État souverain ?

Entre 2000 et la guerre dite de juillet (6ème guerre israélo-libanaise), qui a duré du 12 juillet au 14 août 2006, les troupes de l’État sioniste se sont livrées, par la terre, la mer, et les airs, à de nombreuses violations du territoire libanais : lors de cette guerre-éclair, elles ont trouvé leur maître dans ce groupe de résistance à la colonisation qu’est le Hezbollah. Et donc elles vouent une rancune éternelle à l’égard de tous ceux qui s’opposent à l’extension de l’État sioniste, non seulement en Palestine, mais dans les pays voisins, et qui lui tiennent tête.

L’Irak et la Syrie sont des États-clés entre l’Iran et le Liban

L’État sioniste profite de la guerre en Syrie pour faire sa guerre à lui : pour viser des objectifs militaires syriens et cibler des hommes du Hezbollah libanais. Les combattants du Hezbollah ne peuvent oublier que l’un des leurs, Samir Kantar, a été tué, le 19 décembre 2015, lors d’un raid sioniste sur un bâtiment près de Damas, en Syrie. Et le secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, n’apprécie guère les menées guerrières de l’Arabie saoudite contre d’autres États arabes : la Syrie et le Yémen.

Turquie

En 2011, la République de Turquie s’était rangée dans le camp occidentalo-golfico-sioniste, lors de la guerre en Libye et en Syrie, en permettant aux groupes d’opposants à la Grande Jamahiriya Arabe Libyenne Populaire Socialiste et à la République Arabe Syrienne, de s’entraîner militairement au sud de son territoire, à la frontière turco-syrienne.

Celui qui avait cautionné ledit « Printemps arabe » et adopté les déclarations du trio criminel Nicolas Sarkozy, David Cameron, Barack Obama réclamant, de manière obsessionnelle, durant les sept mois de guerre contre le peuple libyen, que le Guide révolutionnaire Muammar Gaddhafi quitte un pouvoir qu’il ne détenait pas et, même, quitte son pays, celui qui insistait, en écho au même trio et à l’armée syrienne dite libre, pour que Bachar El Assad quitte la présidence de la République, Recep Tayyip Erdoğan, s’apercevait tout à coup que son pays était, lui aussi, visé par le « Printemps arabe » qui devait importer le miracle politico-économique occidental qui plonge les peuples dans l’exploitation, la misère et le malheur, et qu’il était lui-même dans le collimateur occidentalo-golfico-sioniste.

Après avoir déjoué une tentative de coup d’État en Turquie, dans la nuit du 15 au 16 juillet 2016, qui le visait, à son tour, personnellement, et qui révélait une opposition interne active et activée de l’extérieur, le président turc Recep Tayyip Erdoğan allait changer de perspective : il devait oublier la principale revendication de ses protégés qui réclamaient le départ de Bachar El Assad de la présidence de la République Arabe Syrienne, émettre dorénavant plus de critiques à leur propos, détourner son regard vers l’ÉI (l’État Islamique) un peu trop envahissant, et rediriger son combat contre ces groupes islamistes soutenus par les monarchies golfiques…

Outre le rôle des organisations du Croissant-Rouge turc et syrien pour apporter des secours humanitaires à la population civile syrienne, et son accueil des réfugié(e)s syrien(ne)s sur son sol, la Turquie avait lancé, le 24 août 2016, une opération militaire appelée « Bouclier de l’Euphrate ». Cette opération devait lui permettre d’apporter un soutien, en soldats et en chars lourds, à la rébellion syrienne tout en l’utilisant pour se protéger elle-même des groupes de l’État Islamique. Le gouvernement syrien considéra que cette initiative turque, prise sans son consentement, était une atteinte à la souveraineté du pays et l’Iran exprima, lui aussi, son désaccord dans la mesure où cette force militaire turque était une présence étrangère de plus sur le terrain.

Les groupes du « Bouclier de l’Euphrate » parvinrent à reprendre certaines villes à l’ÉI mais furent mis en difficulté vers al-Bab. Les États-Unis ne répondirent pas favorablement à la demande d’un appui aérien contre les forces islamistes. Par contre, la Russie protégea l’offensive turque et permit à celle-ci de l’emporter sur les troupes de l’ÉI à al-Bab parce que les troupes syriennes et celles du Hezbollah libanais progressaient vers la ville. La Turquie envisageait d’étendre son « Bouclier de l’Euphrate » vers d’autres localités mais, devant le refus de l’armée syrienne, elle devait annoncer, le 29 mars 2017, la fin de l’opération militaire.

La Turquie, qui a changé de cap, est, avec la Russie et l’Iran, à l’origine de cette réunion au Kazakhstan : c’est elle qui a insisté auprès des rebelles pour qu’ils viennent à Astana.

Suite : IV. 57 – L’État syrien et les groupes d’opposition, à Astana, 23-24 janvier 2017

Françoise Petitdemange
30 mai 2017


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