« Rends ton arme… »
IV. 44 – « Rends ton arme, et puis, heu, et puis, voilà. »
(5ème partie / 6)
« Le Club de la Presse » continue… Mais l’événement majeur, concernant la Syrie, a lieu ailleurs, en Suisse.
Olivier Duhamel : « Alors, revenons aujourd’hui et et peut-être même regardons demain. Nous sommes début 2016. On l’a dit au début de cette émission : Daesh, quand même, subit quelque recul. Il y a une conférence à Genève qui est ouverte. Votre sœur fait partie des gens qui négocient. Quel serait le le petit le petit espoir de voir la sortie du tunnel ? Comment vous nous dessineriez le possible scénario optimiste, la fin de l’horreur ? D’autant plus que vous avez dit tout à l’heure – ce qui est très important – que tout le monde est épuisé et qu’on sait qu’une des façons de sortir de conflit, c’est quand les forces sont épuisées de tous les côtés. »
Hala Kodmani : « Oui, j’ crois que c’est, que c’est fondamental. Tout le monde est épuisé. Et surtout, (enfin), cela ne suffit pas. Le plus important, c’est qu’il y ait un consensus de toutes les forces extérieures, parce que c’est pas les Syriens qui se battent entre eux ; entre, heu, les milices iraniennes, libanaises, etc, qui se battent auprès du régime et les djihadistes qui viennent de partout se battre contre eux. Bon ! Heu, il est évident que la solution syrienne, c’est une guerre, à la fois, une guerre intérieure que, aussi, autant que régionale ou internationale. Si y a vraiment une volonté, un consensus comme il semble qu’il y ait, hein, on approche, qu’on arrête de régler ses comptes en Syrie, que tout le monde arrête de régler ses comptes sur le dos des Syriens et sur le territoire syrien. Donc, bon ! D’où Genève. Genève a… n’a pas encore réalisé quoi que ce soit mais si ça peut continuer, pendant une dizaine de jours, qu’il n’y a pas eu rupture, qu’il n’y a pas eu une délégation qui a claqué la porte, qu’il n’y a pas eu. C’est déjà bon signe. »
Olivier Duhamel le répète… « Votre sœur fait partie des gens qui négocient. » La sœur d’Hala, Bassma Kodmani, est impliquée, depuis le début, dans l’opposition au Président réélu, Bachar El Assad, c’est-à-dire dans le mouvement d’opposition, extérieur autant qu’intérieur, qui a déclenché la double guerre, civile et impérialiste. Il est donc, pour le moins, surprenant que la journaliste affirme tout de go : « Le plus important, c’est qu’il y ait un consensus de toutes les forces extérieures, parce que c’est pas les Syriens qui se battent entre eux. » Et, selon Hala Kodmani, en Syrie, ce sont « les milices iraniennes, libanaises, etc, qui se battent auprès du régime et les djihadistes qui viennent de partout se battre contre eux. »
À quoi sert donc l’ASL (Armée syrienne libre) créée, dès le 29 juillet 2011, avec des militaires déserteurs de l’armée syrienne, alors ? À lutter contre « les djihadistes » aux côtés de l’armée de la République Arabe Syrienne et des « milices iraniennes, libanaises, etc » ? Non, bien sûr. Et lorsque la journaliste déclare… « il est évident que la solution syrienne, c’est une guerre, à la fois, une guerre intérieure que, aussi, autant que régionale ou internationale », il y a comme une nette contradiction entre ce qu’elle vient d’affirmer tout de go, quelques secondes plus tôt, et ce qu’elle affirme à cet instant précis.
Alors que Bassma et elle ont quitté leur pays natal dans leur enfance, elles sont – peut-être sans le savoir elles-mêmes – des mercenaires idéologiques livrées aux États occidentaux et à quelques services secrets… La voici paniquant tout à coup… « qu’on arrête de régler ses comptes en Syrie, que tout le monde arrête de régler ses comptes sur le dos des Syriens et sur le territoire syrien ».
Olivier Duhamel : « Et la marche après la trêve, c’est quoi ? »
Hala Kodmani : « La marche, c’est petit à petit arriver à à la solution qui… la feuille de route est dessinée, hein ! a été dessinée par une résolution de l’ONU, elle a été dessinée par un (Olivier Duhamel : « Et c’est quoi, résumez-nous. ») un accord à (Munich). C’est un, une instance de transition qui – souveraine – qui pourra prendre toutes les décisions, organiser des élections. Heu… et (OD : « À laquelle tout le monde participe. »).
Mme Kodmani, qui ne vit pas en Syrie, n’accepte pas qu’il y ait eu des élections en Syrie et que, en pleine guerre, la population syrienne ait voté pour Bachar El Assad qui est syrien et qui vit en Syrie. De plus, elle a une conception, pour le moins, très restrictive de la souveraineté : elle veut, pour un pays dans lequel elle ne vit pas, « une instance de transition qui – souveraine – qui pourra prendre toutes les décisions, organiser des élections ». Qu’en est-il, pour elle, de la souveraineté du peuple syrien et du Président élu ?
Arlette Chabot : « Tout le monde participera parce que vous êtes, enfin, réussi à vous mettre d’accord entre vous aussi ? L’opposition syrienne ou ce qu’il en reste. »
Hala Kodmani : « Ah ! Non, non. On n’en est pas là. Ah ! l’opposition syrienne, oui, oui. Là, là, à Genève, il y a eu aucun souci. (Arlette Chabot : « Y a aucun souci. ») Au contraire. Non, j’ crois qu’ l’opposition syrienne a été très constructive et a, même… De Mistura lui-même, le, l’envoyé de, enfin, le, le médiateur de l’Onu a, reconnaît, a reconnu que (Olivier Duhamel : « Il accepte, il accepte que tout le monde participe à l’instance de trans transition, Bachar compris ? »)
La journaliste Hala Kodmani, pourtant très proche de l’opposition par sa sœur, a bien des difficultés à dire qui est Staffan de Mistura. Celui-ci a été nommé, en juillet 2014, par le Secrétaire général de l’ONU (Organisation des Nations Unies), Ban Ki-moon, envoyé spécial de l’ONU pour la Syrie : en tant que tel, il est alors chargé de rechercher une solution pacifique au conflit en Syrie.
Quant à l’opposition syrienne, elle paraît minée par ses nombreux conflits internes… Et que ce soient Olivier Duhamel ou Arlette Chabot ou Robert Namias, il leur est bien difficile de croire à une unité entre les diverses tendances. D’ailleurs, cette opposition, serait-elle capable de gouverner le pays ? Si les membres de l’opposition ne manquent pas d’ambitions personnelles, ils n’ont aucune perspective d’avenir pour le pays. Ils font penser à ces Libyens exilés de longue date, opposés à l’État des masses jusqu’à revenir sur le sol natal pour perpétrer des attentats contre Muammar Gaddhafi, et ouvrir le feu sur la population : ces opposants made in CIA ont fait de nombreux morts en Libye… Quant aux perspectives d’avenir pour leur pays natal, elles étaient inexistantes. D’où le chaos après la mort du Guide révolutionnaire, Muammar Gaddhafi.
Faire bombarder le pays par des États étrangers, détruire le pays, massacrer la population, c’est tout ce qu’ils ont été capables de faire. Muammar Gaddhafi avait vu venir ce chaos parce qu’il savait que ces opposants n’avaient rien d’autre, dans la tête et le cœur, que la vengeance et la haine.
Hala Kodmani : « On n’en est pas là, non ! Bachar, Bachar… »
Olivier Duhamel : « Mais on, on irait vers là ? »
Hala Kodmani : « Bachar, Bachar se se considère hors jeu. (Arlette Chabot : « (C’est vrai.) ») (Olivier Duhamel : « J’entends bien, mais je suis toujours, moi, dans mon, mon… » Oui ! oui, oui, non, mais, (OD : « petit chemin pour sortir du tunnel. ») Normalement, oui. Avec des gens, comme on dit, des personnes du régime qui n’ont pas de sang sur les mains. Et des opposants de toutes les diverses tendances qui peuvent constituer, heu, un, un gouvernement ou un, une instance de transition comme ça s’est passé dans beaucoup de fins de guerres. »
N’en déplaise à Mme Kodmani, Bachar El Assad a été réélu démocratiquement. Cette dame paraît oublier que les opposants syriens de l’intérieur ont été financés par des opposants(e)s syrien(ne)s exilé(e)s très aisé(e)s : les uns et les autres ayant déstabilisé le pays pour imposer une prétendue démocratie.
L’opposition syrienne est le fait de la bourgeoisie moyenne qui accuse, qui sème la zizanie, qui veut le pouvoir mais qui ne se bat pas, qui se sauve dès que le vent devient mauvais suite à ses agissements, et qui laisse les Syrien(ne)s, qui n’ont pas les moyens financiers d’émigrer, dans le malheur et le chaos. (Comme en Irak, comme en Libye, par exemple…)
Ces guerres, suscitées de l’extérieur avec la collusion d’une minorité à l’intérieur des pays, ne sont pas destinées à établir la démocratie mais au contraire à imposer – par le recours aux bombes des États capitalistes – une oligarchie bourgeoise qui agira sous le diktat états-unien : il s’agit, pour cette classe, d’appeler la grande bourgeoisie occidentale à étendre le capitalisme et le mercantilisme en agrippant des parts de marché sur le monde entier.
Non seulement ces opposant(e)s sèment le chaos dans les populations et font détruire leurs pays mais ils-elles n’ont jamais de pouvoir que ce que les États occidentaux veulent bien leur concéder : très vite, la politique échappe à ces affamé(e)s de pouvoir et l’économie se trouve placée sous le contrôle des multinationales occidentales qui, elles, reconstruisent un pays qui n’a plus rien à voir avec ce qu’il était de par son histoire, mais tout cela permet de relancer l’économie occidentale moribonde.
Robert Namias : « Faisons un peu de géopolitique quand même. Est-ce que – puisque, vous l’aviez dit tout à l’heure, d’ailleurs, on, on est quand même sur un schéma qui est un schéma russe entre guillemets, bon ! heu… est-ce que, quand même, les Américains n’ont pas beaucoup manqué dans cette affaire, et est-ce que, heu, le défaut américain, depuis le début, depuis le refus des bombardements de 2013, n’a pas gravement hypothéqué toute possibilité d’une vraie solution politique, même si elle se dessine maintenant, à Genève, depuis trois ans. Quand vous dites : « On est responsables un peu, au fond, de Daesh, heu, disons-le, sans vouloir rejeter la responsabilité, quand on voit l’état de l’Europe », mais enfin, est-ce que les Américains ont, ont été heu à la hauteur ? Non ! (Hala Kodmani : « Bien sûr que non ! » ) Non ! »
Les États-Unis comme une certaine Europe
les aime
Hala Kodmani : « Bien sûr que non ! Le problème, avec les Américains… Si, dès le départ, ils avaient dit : « Nous, heu, pff, cette histoire ne nous intéresse pas. » Comme Obama le dit dans des interviews privées : « Heu… C’est une guerre tribale. Heu… C’est pas la peine de s’enliser là-dedans, ça ne nous regarde pas. » Mais le problème, c’est qu’ils ont bloqué d’autres, c’est que, un coup, heu… « Attention, il faut que Bachar El Assad s’en aille. » Ça, c’étaient les, les premiers mois. Ensuite, ligne rouge, d’accord. « Il, il est en train de tuer avec des avions, des canons, ça va, mais pas les armes chimiques, attention ! » Mais, c’était cette incohérence, ces va-et-vient américains, ces déclarations contradictoires avec les actes : heu, des paroles et puis des actes qui ne suivaient pas. Heu… sur le terrain, pareil. Heu, je vois encore des, des, des rapports qui sortaient en disant : « Ah il faut vraiment déclarer une zone d’exclusion aérienne dès le mo 2012. » Et puis, après : « Ah ben non, c’est trop compliqué ; après, on va pas s’accrocher avec les Russes là-dessus. » Enfin ! Cette incohérence américaine, d’un bout à l’autre, a eu une responsabilité majeure. Et ça, bon ! »
Curieux, tout de même, ces personnes qui, comme Hala Kodmani, vivent dans un autre pays que la Syrie et ne jurent que par les interventions militaires états-uniennes, alors que tout le monde sait que, dès que les États-Uniens bombardent, ils font un nombre de morts considérable. (Cf. dans les Balkans, en Afghanistan, en Irak, en Libye…) Bien sûr, la bourgeoisie aisée, qui a les moyens de se mettre à l’abri dans un autre pays en attendant de rentrer chez elle et de s’emparer des places, peut appeler les bombes étrangères pour renverser le gouvernement. Mais qu’en est-il de l’ensemble de la population d’un pays sous les bombes états-uniennes ou otanesques ?
Robert Namias : « Oui, mais, mettez-vous à leur place. Ils interviennent en Afghanistan. On dit : « C’est une catastrophe. » Ils interviennent en Irak. On dit : « C’est un désastre. » Ils disent : « Maintenant, on n’intervient plus. » On dit : « C’est lamentable, ils interviennent pas. » Mais… »
Hala Kodmani : « Oui, je, je comprends très bien. C’est la logique. Je peux me mettre dans la logique am. Mais, à ce moment-là, on ne dit plus rien. »
Mr Namias devrait faire le compte de tous les morts que les bombardements états-uniens ont produits… rien que dans les pays qu’il cite : ce serait édifiant. Et les chefs des États capitalistes-impérialistes qui ont causé la mort de millions d’hommes, de femmes, d’enfants, en utilisant toute une partie de leur arsenal militaire, y compris des ADM (Armes de Destruction Massive), échappent complètement à la justice internationale.
Robert Namias : « Oui. Fallait pas au début. J’ suis d’accord, oui. »
Hala Kodmani : « Voilà ! (Nicolas Poincaré : « Et rétrospectivement… ») Et on ne fait pas, on ne trace pas de ligne rouge. On ne dit pas : « Je veux, je veux pas. C’est acceptable, c’est pas acceptable. » Non ! « Ce problème ne nous intéresse pas, heu, pas plus la Syrie que la, la République centrafricaine. Ce n’est pas notre affaire. On laisse tomber. » (NP : « Et rétrospec. ») La vraie. Ils peuvent pas, les Américains ne peuvent pas (NP : « Qu’est-ce qui… ») se désintéresser de cette région. »
Comment est-il possible qu’une personne s’en remette à ce point aux États-Uniens qui sont, comme chacun peut le savoir, hégémoniques, dominateurs, prêts à écraser tous les pays « au nom du principe de précaution » qui leur donne le droit de tout faire, y compris de massacrer les populations civiles ? Faut-il penser que les opposant(e)s syrien(ne)s de l’extérieur manœuvrent pour que les États-Uniens contrôlent toute la région arabe… au bénéfice de quel État ?
Nicolas Poincaré : « Qu’est-ce qui se serait passé, à votre avis, si, si François Hollande et les Américains avaient, comme ils en étaient très près, décidé de bombarder, heu, Damas au moment où on a eu la preuve de l’utilisation des armes chimiques ? »
Oui, c’est bien François Hollande, le prétendu socialiste, qui était prêt à bombarder Damas. Damas, la capitale de la Syrie, c’est-à-dire la ville la plus peuplée du pays.
Nicolas Poincaré accuse l’armée syrienne d’avoir utilisé des armes chimiques ; il parle de « la preuve », mais où est-elle cette preuve ? Alors que tout le monde sait, maintenant, que l’utilisation des « armes chimiques » (Irak, bis repetita) par l’armée de la République Arabe Syrienne n’a pas été prouvée. Reste à savoir si « l’armée syrienne libre » n’a pas fait usage, quant à elle, de ces armes ? Motus et bouche cousue sur la question, maintenant… L’ONU rechigne à envoyer des enquêteurs. Et les résultats des enquêtes, lorsqu’ils ne vont pas dans le sens souhaité, ne sont pas diffusés.
Que diraient les Français, les Françaises si, lorsqu’il y a des échauffourées en France – des voitures brûlées, par exemple, ou des manifestations – Bachar El Assad accusait le président français d’avoir utilisé des armes chimiques contre la population et exprimait la volonté de bombarder… Paris ?
Hala Kodmani : « Bon ! Il était question de bombarder. Il faut savoir que, cette semaine-là qui (en fait) a été quand même le tournant essentiel, le tournant qui a remis Bachar El Assad dans l’impunité totale et le tournant qui a permis, parce que c’est exactement à ce moment-là, que Daesh a commencé à s’installer confortablement. (Nicolas Poincaré : « L’été 2014, c’est ça ? ») ( En chœur : « 13. ») 2013. (En chœur : « 13. ») 2013. En septembre 2013. (Arlette Chabot : « En septembre, oui. ») Moi, j’étais à Raqqa. Septembre 2013, Daesh venait d’arriver. C’était, mais exactement, au même moment. Ils commençaient à tenir la ville. Ils commençaient à faire venir les gens. C’est à ce moment-là, c’ n’était p’t-êt’ même pas la peine de bombarder, mais au moins de montrer un peu de cohérence, de montrer qu’il n’y a pas d’impunité, pas, heu « rends ton arme, et puis, heu, et puis, voilà ». »
Selon Mme Kodmani, le défaut de bombardements états-uniens et français a été « le tournant qui a remis Bachar El Assad dans l’impunité totale ». Elle oublie que c’est elle, l’exilée, qui participe avec une faune étrangère utilisant, comme elle, l’“agit-prop” médiatique, à la déstabilisation d’un pays que le Président élu et réélu a tout de même le droit de faire défendre… par l’armée syrienne elle-même, et que cette armée se doit de défendre, non seulement en libérant le sol syrien envahi, mais aussi en protégeant la population syrienne agressée, massacrée, martyrisée.
Quant à sa conception de la lutte contre les groupes de combattants armés de l’ÉI (État Islamique), elle est pathétique et ambiguë. Selon elle, il fallait faire savoir à Daesh qu’il n’y avait « pas d’impunité »… En lui demandant de rendre les armes qui lui avaient été données ? Suffisait-il ou ne suffisait-il pas de lui dire… « rends ton arme, et puis, heu, et puis, voilà » ? Peut-être, suffisait-il, tout simplement, de faire un échange : “Rends ton arme, voilà des bonbons.”
« …Voilà des bonbons »
Suite : IV. 45 – Daesh, l’opposition syrienne en lutte contre un État souverain
Françoise Petitdemange
16 avril 2017
A reblogué ceci sur josephhokayem.
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