Dans Le Tour de la France par deux enfants (1877), on peut également lire, sous une image représentant quatre personnages bien typés :
« Les quatre races d’hommes. – La race blanche, la plus parfaite des races humaines, habite surtout l’Europe, l’ouest de l’Asie, le nord de l’Afrique et l’Amérique. »
A l’occasion des débats parlementaires du 28 juillet 1885, Jules Ferry développera les conséquences découlant de cette « perfection » :
« Messieurs, il faut parler plus haut et plus vrai ! il faut dire ouvertement qu’en effet, les races supérieures ont un droit vis-à-vis des races inférieures […]. Je répète qu’il y a pour les races supérieures un droit, parce qu’il y a un devoir pour elles. Elles ont le devoir de civiliser les races inférieures… »
Quatorze ans plus tôt, Ernest Renan avait tenu le même langage :
« Autant les conquêtes entre races égales doivent être blâmées, autant la régénération des races inférieures ou abâtardies par les races supérieures est dans l’ordre providentiel de l’humanité. »
En 1848, dans L’avenir de la science, il avait déjà une bonne notion de cet « ordre providentiel » :
« La mort d’un Français est un événement dans l’ordre moral. Celle d’un cosaque n’est guère qu’un fait physiologique. Et quant à la mort d’un sauvage, ce n’est guère un fait plus considérable dans l’ensemble des choses que quand le ressort d’une montre casse, et même ce dernier fait peut avoir de plus grandes conséquences, par cela seul que la montre en question fixe la pensée et excite l’activité d’hommes civilisés ! »
Emancipation des esclaves : le modèle anglais
C’était l’époque où la France décidait enfin d’abolir l’esclavage par la loi du 27 avril 1848 qui prévoyait une indemnisation des colons fixée par la suite à 500 francs par tête d’esclave, somme qui équivalait au salaire annuel d’un ouvrier en France.
En 1838 déjà, la discussion était intervenue sur les mesures à prendre pour accompagner cette émancipation. On ne fondait généralement sur l’attitude adoptée en cette matière par l’Angleterre. Le 15 février de cette année-là, à la Chambre des députés, Berryer rappelle qu’avant de donner la liberté aux Noirs, les Anglais se sont montrés très prudents :
« Les missions évangéliques ont été multipliées depuis 1807 jusqu’en 1823. Tous les moyens de faire pénétrer la pensée religieuse, l’esprit de famille, la morale, au milieu des esclaves noirs, ont été employés par l’état pour favoriser ce progrès moral des noirs avant de poser le principe de leur émancipation. Quand ce principe a été posé, les Anglais se sont occupés de la sécurité des colons, et depuis 1823 jusqu’en 1832, on a successivement augmenté la force des troupes anglaises résidant dans les co- lonies. »
A ceux qui réclament une émancipation immédiate, il rétorque :
« Vous n’avez rien fait en France pour commencer par porter la morale au sein des esclaves, vous n’avez établi aucune domination tutélaire pour leur instruction. Vous avez fait plus : ce qui a été demandé à la France pour le développement religieux des esclaves, vous l’avez refusé. Ainsi les colonies vous demandaient des prêtres qui enseignassent le nom de Dieu aux esclaves, nous ne les avez pas accordés. »
Il résume ensuite les mesures préconisées :
« […] préparer l’instruction, l’éducation morale des noirs ; donner la sécurité aux blancs, car il faut émanciper les blancs aussi bien que les noirs ; et donner des garanties de travail. »
Et il conclut :
« Comprenez-le bien, Messieurs, la liberté sans les moeurs, sans le travail, mais c’est l’état sauvage ; c’est cent fois pire que l’esclavage ! »
Quant à la religion, quel pouvait être son apport spécifique dans les colonies ?… A suivre.
Michel J. Cuny
(Ce texte est extrait de l’ouvrage de Michel J. Cuny – Françoise Petitdemange « Le feu sous la cendre – Enquête sur les silences obtenus par l’enseignement et la psychiatrie » – Editions Paroles Vives 1986, qui est accessible ici.)
A reblogué ceci sur josephhokayem.
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