Empire romain d’Orient – Arabie – Empire perse Sassanide
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Petit détour
par la Péninsule arabique…
Le Hedjaz ou Hijaz (la barrière), région montagneuse et désertique située dans la partie nord-ouest de la Péninsule arabique et longeant la Mer Rouge de Aqaba à La Mecque, était une sorte de défense naturelle contre les éventuelles invasions venant de la mer.
Dans la période préislamique, avant les VIème-VIIème siècles, le désert du Hedjaz, qui était au carrefour de pistes caravanières, était troué de milliers de puits qui permettaient aux nomades et à leurs chameaux, aux pèlerins marchant vers la mystérieuse pierre noire de La Mecque, de se reposer à l’ombre des épineux avant de reprendre le chemin. Il faisait la jonction entre l’Orient et l’Occident, entre l’Asie et l’Europe, entre l’Océan Indien et la Mer Méditerranée, mais aussi entre le Golfe Persique et la Mer Rouge, entre l’Arabie et l’Afrique par l’Abyssinie chrétienne (actuelle Éthiopie). Il était l’un des hauts-lieux de la poésie arabe, davantage fréquenté par les poètes nomades et les poétesses que par les poètes sédentaires, par lequel passera le souffle poétique qui, du XIème au XIIIème siècles, animera le Midi de la France, avec les troubadours et les trobairitz en Occitanie (pays de langue d’Oc), et qui sera nommé la fin’amor, avant d’effleurer le Nord (pays de langue d’oïl), aux XIIIème-XIVème siècles, avec les trouvères et les trouveresses. La fin’amor est née, dans la France médiévale, de la poésie liturgique (en langue latine), des chants populaires en dialectes locaux, et du lyrisme des poètes… arabes qui ont marqué l’Andalousie. Mais c’est Bagdad, berceau de la culture arabe et de l’amour courtois, et Damas qui imprégneront, par-delà la distance, la culture andalouse, occitane et nordique.
Henda Zaghouani-Dhaouadi écrit : « La littérature arabe classique a été poétique, dans son essence, depuis l’époque archaïque et jusqu’au XXème siècle. Cela signifie clairement que la poésie fut le premier et unique fruit d’une culture, l’expression la plus particulière de son génie, l’éminent édifice d’une communauté et, finalement, l’espace le plus représentatif d’une conscience collective niant tout individualisme. La poésie archaïque s’inscrit dans cette pensée que le poète est l’Esprit de sa tribu, une conscience créatrice, formatrice et le porte-parole d’une sagesse profonde… Comment nous sont arrivées ces odes antéislamiques, originellement scandées ? Comment et à quelle époque s’est faite leur consignation ? » [Henda Zaghouani-Dhaouadi, article Le cadre littéraire et historique des Mu‘allaqât et de la poésie arabe préislamique, page 24.]
C’est dire que la poésie avait un rôle existentiel et essentiel dans la vie des Arabes : à la fois, dans les relations entre les personnes à l’intérieur de la tribu et dans les relations entre les tribus… « La poésie préislamique fut nomade dans une très large mesure. Les poètes nomades appartenaient à des groupes ou tribus et en étaient des porte-parole et des défenseurs jouissant d’une réputation honorable leur conférant le qualificatif de Sayyid (Maître, formateur). Cette poésie s’étendait depuis les frontières syriennes au Bahrayn et au Yémen septentrional en passant par l’Arabie centrale et surtout les abords du Hedjaz. » [Idem, page 28.]
Au VIème siècle, les poètes sont directement inspiré(e)s par la vie nomade et par le temps qui passe et qui scande les longues marches, les haltes et les campements dans le désert. Revient le temps des transhumances du bétail des plaines aux montagnes. Il y a aussi la fierté d’appartenir à sa tribu ou le déchirement de s’être rebellé contre elle et d’avoir dû la quitter… Et puis le souvenir est mordant des départs de la tribu qui lève le camp avec tentes et chameaux, des restes de campements soufflés par les vents tourbillonnants qui ont tout effacé hormis les pierres du foyer où chauffait le thé… Enfin ou au commencement, au-delà de tout, il y a cette femme aimée, absente ou/et lointaine. Dans ces temps où chaque pas compte et dans ces espaces où, « Si tu cueilles une fleur, tu déranges une étoile », la femme est fleur ou étoile… Et les poétesses y ont toute leur place qui célèbrent un père mort, un frère tué au combat, un fils perdu, un amant lointain, en une longue plainte déchirante – un thrène, disent les Grecs – qui leur arrache le cœur… La poésie est ce qui permet à tout homme, à toute femme, de transcender la dure réalité de ce qui fait une vie… de ce qui fait la vie dans le désert…
Poésie arabe préislamique
Françoise Petitdemange
1er décembre 2016
Merci d’avoir cité mon travail sur les Mu’allaqât et la poésie préislamique.
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Merci d’avoir fait ce travail qui éclaire la place de la culture arabe dans le monde, et, même, dans l’univers. Les individus, les familles, les tribus arabes d’hier, d’aujourd’hui et de demain, décrié(e)s à cette époque-ci dans mon pays : la France, ont pu et, donc, pourraient encore contribuer à une évolution plus intelligente et plus humaine des sociétés qui ne voient que la partie occidentale du monde, la leur, pourtant terriblement décadente, et qui se ferment hermétiquement à l’autre partie, celle orientale. Bien cordialement,
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