Tandis que le chef militaire Charles de Gaulle voyait sa réputation s’effondrer au large de Dakar, un général français, prestigieux et doté de trois étoiles de plus que lui qui n’en avait que deux, avait rejoint Londres (17 septembre 1940) où Winston Churchill l’avait vivement engagé à prendre la tête de la France Libre. Il s’agissait du général Georges Catroux qui se refusera à doubler ce De Gaulle arrivé premier et que la BBC avait déjà transformé en voix de la France en exil.
Général Georges Catroux (1877-1969)
Enchanté d’une pareille aubaine, De Gaulle allait bien vite le nommer délégué général de la France Libre au Moyen-Orient (14 novembre 1940), et membre du Conseil de défense de l’Empire qui, selon les instructions tendant à sa création, exercerait…
« tous les pouvoirs qui appartenaient au dernier gouvernement français constitutionnel et libre dans les territoires français qui refusent de se soumettre à l’armistice, pouvoirs que ses membres y détiennent déjà en fait. »
Mais, dès le mois de janvier 1941, le général Catroux s’était heurté à De Gaulle à propos d’une intervention musclée prévue, par celui-ci et sans consultation du premier, à Djibouti. Catroux écrit :
« Or, il s’agissait d’une opération de caractère à la fois militaire et politique à entreprendre sur un terrain relevant de mes responsabilités organiques et sur laquelle j’aurais par suite dû être consulté. » (Général Catroux, Dans la bataille de Méditerranée, Julliard 1949, page 97)
Placée sous la responsabilité de la division commandée par le général Legentilhomme, il s’agissait, selon Catroux, d’une intervention « à laquelle elle répugnait, contre les Français de Djibouti ».
Il décide alors de tirer toutes les conséquences de ce qu’il considère comme un grave manquement aux fonctions très importantes qui lui ont été attribuées et dont il ne peut admettre qu’elles soient ainsi bafouées en sa personne. Il en profite pour nous livrer la conception qui était la sienne des rapports de pouvoir à établir de toute nécessité pour cette vaste entreprise à laquelle il avait cru pouvoir adhérer :
« Ma thèse était que la gestion des affaires de la France Libre exigeait une décentralisation par grands secteurs du globe et que les hommes qui l’assumeraient régionalement, devaient être consultés sur les décisions importantes. La politique du mouvement devait être concertée entre le général de Gaulle et les têtes de la France Libre. Et tel étant mon point de vue, je ne pouvais que me démettre de mes fonctions. » (Idem, page 97)
Son offre de démission n’étant destinée qu’à lui permettre de donner toute la force nécessaire à sa mise en garde, Catroux ne va plus cesser de faire ce qu’il veut à sa façon, c’est-à-dire en assumant toutes les responsabilités de la charge qui lui a été confiée, quoi que pût en dire et en penser Charles de Gaulle. Il n’avait certes pas imaginé jusqu’où De Gaulle était capable d’aller pour aboutir malgré tout à ses fins, en Syrie et au Liban, en particulier…
Pour sa part, Jean-Louis Crémieux-Brilhac, dont il faut rappeler une fois de plus qu’il était lui-même à Londres durant toute cette époque, et qu’il n’a cessé, plus tard, de rassembler et d’étudier une multitude de documents y afférents, écrit :
« Les membres du Conseil de défense de l’Empire [sauf le général Catroux, bien sûr] n’auront eu à connaître ni de la décision d’intervenir militairement en Syrie, ni de l’annonce de l’abolition du mandat, ni de la définition des pouvoirs du délégué général au Levant, non plus que du principe et des termes de l’ultimatum adressé le 21 juillet au ministre anglais au Proche-Orient Lyttelton, ni davantage de l’offre faite aux États-Unis de bases dans l’Empire Français Libre. Le général de Gaulle, lors de ses déplacements, informe la délégation de la France Libre à Londres, mais lui seul tient la barre : « J’ai décidé… », « J’ordonne… » » (CB, page 198)
Faudrait-il croire que tous courbaient la tête sans jamais oser avancer le premier mot ? Sans doute est-on cependant très timide, s’il faut en croire la formulation qu’utilise Jean-Louis Crémieux-Brilhac pour nous en dire davantage :
« Par deux fois, en juillet 1941, les membres présents à Londres du Conseil de défense de l’Empire lui adressent de respectueuses remontrances : le 3 juillet, parce qu’il a défini au nom du Conseil – sans avoir consulté personne – les missions du général Catroux au Levant, puis, le 25, en apprenant que l’affrontement avec Lyttelton a failli conduire à une rupture avec l’Angleterre. Ainsi Cassin lui télégraphie que « c’est sur l’esprit de cette alliance même [l’alliance britannique] que nous devons nous appuyer pour faire reconnaître que certains exécutants s’en sont écartés (…). On risquerait de compromettre l’essentiel par des actes de rupture (…). » (Idem, page 199)
Très significativement, l’analyse d’ensemble du comportement politique du général de Gaulle se trouve développée dans la lettre que Pierre Cot a adressée le 28 juillet 1941, depuis les États-Unis, au journaliste socialiste Louis Lévy qui intervenait fréquemment à la radio de Londres :
« Je suis persuadé que le général de Gaulle ne se rend même pas compte qu’il est fasciste ; mais je suis sûr qu’il l’est. » (Eric Roussel, Charles de Gaulle, Gallimard 2002, page 239)
Mais nous allons découvrir que la lettre de Pierre Cot nous conduit beaucoup plus loin… en direction d’un certain Jean Moulin qui va arriver à Londres, en personne, durant le mois d’octobre suivant.
Décidément, ces deux-là !…
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Michel J. Cuny
A noter que De Gaulle n’a jamais été que general de division A TITRE TEMPORAIRE. Et que ce titre temporaire n’a jamais été confirmé ulterieurement. Non, De Gaulle n’etait pas un vrai general. Il avait seulement un grade ad interim. Enfin, il n’etait pas plus general qu’il n’etait chef de gouvernement en exil (nomme par qui ?).
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Moins encore que général de division (3 étoiles), il n’était que général de brigade (2 étoiles). Pour le reste, vous avez parfaitement raison.
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