France : ces guerres qui sont déjà inscrites noir sur blanc

 Avant de faire le pas suivant dans la lecture et l’analyse du Livre blanc de la défense et de la sécurité nationale (2013), nous pouvons insister sur cette dernière phrase que nous avions reprise de la page 74 :
« L’État ne peut que bénéficier d’un recours accru à l’expertise de la recherche académique, mais aussi des organisations non gouvernementales et des entreprises. » (page 74)

Il s’agit, en effet, de collaborer à la mise en œuvre des visées impérialistes de la France, c’est-à-dire d’aider à définir les cibles envisageables, en donnant du corps aux éventuelles proies par une étude aussi approfondie que possible de ce qu’elles ont dans le ventre… c’est-à-dire de ce que nous pourrons y aller dévorer.

À travers ce que l’on peut appeler les « sphères dirigeantes » et à travers quelques « leaders d’opinion » des Droits de l’homme, c’est tout un peuple qui doit s’engager, en ce début de XXIe siècle, dans une grande manœuvre à l’occasion de laquelle la France devra, un jour ou l’autre, tenter le tout pour le tout.

Il ne faut pas oublier que, pour reprendre l’Alsace-Lorraine (perdue en 1871), il a fallu préparer deux générations successives d’élèves de l’école laïque, gratuite et obligatoire. Travail sans doute magnifiquement réalisé puisque, en 1918, la France aura atteint le chiffre tout à fait significatif de 1,5 millions de morts…

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Or, les enjeux coloniaux ont été l’élément essentiel, et tout spécialement en ce qui concerne le fait de ramasser les dépouilles de l’Empire ottoman, c’est-à-dire la zone géographique dans laquelle, aujourd’hui précisément, les différents impérialismes occidentaux s’efforcent de marquer leurs territoires respectifs en attendant que vienne l’explication majeure.

Mais revenons au Livre blanc qui va nous en dire un peu plus en ce qui concerne notre pays :
« Au-delà des moyens nécessaires à la protection du territoire national, la France entend disposer des capacités militaires lui permettant de s’engager dans les zones prioritaires pour sa défense et sa sécurité : la périphérie européenne, le bassin méditerranéen, une partie de l’Afrique – du Sahel à l’Afrique équatoriale -, le Golfe Arabo-Persique et l’océan Indien. » (page 82)

Nous le voyons : l’effort militaire menace d’être colossal. Il y a donc intérêt à ce que des cibles véritablement significatives et rentables puissent être définies avec précision, de même qu’il y a intérêt à ce que le coût pour les atteindre soit évalué au plus juste : les universitaires et les entrepreneurs ne seront pas de trop, les uns avec leur savoir et la cohorte de leurs meilleurs étudiants, les autres avec leurs ingénieurs et surtout leurs chiffres… 

Quant à l’outil militaire, il n’a pas besoin d’attendre les dernières mises au point stratégiques pour envisager les différentes configurations dans lesquelles il va agir et auxquelles il va devoir plier sa doctrine d’intervention :
« Dans ces zones, les forces armées françaises devront pouvoir prendre part à trois types d’opérations :
– les opérations conduites de façon autonome, dont des évacuations de ressortissants français ou européens, des actions de contre-terrorisme ou de riposte ;
– les opérations en coalition – dans le cadre de l’Union européenne, d’une alliance établie telle que l’OTAN, ou formée pour la circonstance – dont la France prendra l’initiative et la tête ou dans lesquelles elle exercera une influence prépondérante ;
les opérations en coalition dans lesquelles la France apportera sa contribution, mais dont le commandement sera assuré par une nation alliée, le plus souvent les États-Unis. » (page 83)

Nous le voyons, la deuxième configuration est celle qui a si bien fonctionné en Libye, et c’est vraiment ce qui convient le mieux à une France d’autant plus aventurière qu’elle croit pouvoir compter sur les petits copains pour venir la couvrir sitôt que l’essentiel du mal est fait…

Cela marchera-t-il toujours ?

Non, bien sûr : François Hollande l’a appris à ses dépens en Syrie. Le retournement britannique puis états-unien ont failli lui éclater au nez ! Mais il pourrait, un jour, y avoir pire…

Et, dans ce cas, pauvre France !… Avec des conséquences sur quelques générations…

Mais, dans la France de 2016, qui donc se soucie de cela : la guerre ne pourra sans doute qu’être fraîche et joyeuse… comme elle l’était déjà au tout début du mois d’août 1914.

En tout cas, la France du Livre blanc de 2013 imagine qu’elle a des crocs redoutables et un esprit de décision qui va épater les foules étrangères :
« L’évolution du contexte stratégique pourrait amener notre pays à devoir prendre l’initiative d’opérations, ou à assumer, plus souvent que par le passé, une part substantielle des responsabilités impliquées par la conduite de l’action militaire. » (page 83)

Il lui paraît certain que pour emmener les petits copains dans la future bamboula, elle a toutes les grâces requises… et bien au-delà du camembert et du champagne :
« Elle développera les capacités critiques lui permettant l‘initiative et l’action autonome, mais aussi la capacité à entraîner avec elle ses alliés et partenaires. » (page 83)

Elle sait bien que ce ne sont là que des propos de noceurs : si l’Allemagne ne finit pas par s’y mettre avec ses faramineuses économies, le champagne des combats multiples et variés pourrait coûter très cher à cette belle et bonne bourgeoisie française qui gémit devant ce qu’est en train de devenir l’ennemi héréditaire d’Outre-Rhin.

Certes, constate-t-elle :
« La loi de programmation militaire 2009-2014, qui déclinait en objectifs de programmation les priorités du précédent Livre blanc, prévoyait que les ressources de la mission « Défense » seraient d’abord stabilisées, puis progresseraient annuellement de 1% au-delà de l’inflation à compter de 2012. » (page 87)

Précédent Livre blanc qui datait de 2008… Entre-temps, il y a eu l’exploit de Sarkozy en Libye… et l’effondrement consécutif du grand rêve de l’Union pour la Méditerranée

Fort heureusement, la population française ne s’en est même pas rendu compte, pas plus aujourd’hui qu’hier.

Mais autre chose est venu donner un petit coup aux pronostics effectués par le Livre blanc de l’ère Sarkozy. C’est le krach de 2008…
« La crise économique a néanmoins bouleversé les prévisions sur lesquelles reposait cette programmation. Dès 2010, la loi de programmation pluriannuelle des finances publiques pour 2011-2014 actait une évolution inférieure à la trajectoire projetée pour les crédits de la mission « Défense ». Comme l’a constaté la Cour des comptes en juillet 2012, les inflexions ainsi décidées hypothéquaient largement la réalisation des objectifs du Livre blanc de 2008 et du programme d’investissement de la loi de programmation militaire de 2009. » (page 87)

Et pourtant, il va bien falloir la lancer sur la piste, cette danseuse que la France veut absolument s’offrir avant de devoir annoncer à sa population l’ampleur d’une faillite autant économique, qu’intellectuelle et morale : la guerre.

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Michel J. Cuny

 


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