Des lendemains qui ne devraient peut-être qu’assez difficilement chanter ?

Comme nous l’avons vu dans le précédent billet, dès 1858 Karl Marx donnait pour « tâche propre » à la « société bourgeoise » « l’établissement du marché mondial » et « d’une production fondée sur cette base ». C’est tout juste ce que nous appelons la « mondialisation »…

Karl Marx

L’auteur du « Capital » s’inquiétait de ce que, sans cela, la révolution prolétarienne qu’il voyait imminente en Europe, ne puisse être qu’un feu de paille sur une toute petite partie de la planète.

D’où il est possible de déduire, sans avoir à beaucoup exagérer, que tout ce que nous avons vu jusqu’à présent en matière de tentatives de renversement du capitalisme, du colonialisme et de l’impérialisme n’était qu’un préliminaire. Ce ne sera faire injure ni à l’U.R.S.S. d’hier, ni à la Chine d’aujourd’hui, pour ne pas parler d’autres pays encore, qui, dans cette thématique, sont d’hier ou d’aujourd’hui.

Ajoutons que, selon ce que nous a dit Nora Méniaoui, le monde arabo-musulman offrirait une résistance particulièrement forte à la pénétration, à la fois du libre-échange et des investissements directs venus de l’étranger. D’où nous avons cru pouvoir inférer que la guerre contre l’islam était bien désormais à l’ordre du jour du grand vaincu de la réunification allemande et de la chute du mur de Berlin : la France. Non, sans que ce dernier pays, si peu guerrier par lui-même, n’ait à sentir dans son dos, aussi bien la pression de certains pans de la finance internationale, que, dans son esprit, la très forte envie qui est la sienne de se présenter comme le fer de lance d’une possible Europe de la défense…, c’est-à-dire de l’attaque.

Question qui vaut alors son pesant d’or, si l’on peut dire : les peuples prolétarisés, colonisés, impérialisés seront-ils au rendez-vous que leur a fixé Karl Marx ? Ils peuvent tout au moins se pencher sur la carte du monde telle que l’établissent les rapports de l’Organisation internationale du travail (O.I.T.) pour prendre connaissance de ce que l’on y raconte à leur propos.

Jetons un coup d’oeil rapide sur celui-ci : « Tendances mondiales de l’emploi 2011. »

La division en régions qui y est pratiquée nous conduit à dire qu’ici le monde arabo-musulman se trouve constitué de deux régions : le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord.

Prenons la première de ces régions dans ce qui était son actualité immédiate lors de l’élaboration du Rapport :
« La tendance à la baisse du taux de chômage observée dans la région du Moyen-Orient a été interrompue par la crise économique mondiale et l’on estime actuellement que le niveau du chômage pourrait atteindre en 2010 10,3 pour cent, soit le taux régional le plus élevé du monde. Le taux de chômage des jeunes est près de quatre fois supérieur à celui des adultes. » (page XII)

« Taux régional le plus élevé du monde« … Un premier signe de cette résistance dont on lui fait reproche aujourd’hui ? Un second dans cette situation de la jeunesse ?

Passons immédiatement à la seconde région du monde arabo-musulman :
« L’Afrique du Nord a été moins durement frappée que d’autres régions par la crise économique et financière, mais les difficultés rencontrées sur le marché du travail avant la crise ont persisté. […] Autre élément très préoccupant: 23,6 pour cent des jeunes en âge d’être économiquement actifs étaient au chômage en 2010. » (page XII)

Et toujours cette jeunesse !…

Si nous poursuivons notre examen du Rapport, nous arrivons bientôt à cette remarque de caractère général :
« Dans de nombreuses régions en développement, notamment les moins avancées et celles enregistrant une croissance démographique rapide, la croissance de l’emploi est essentiellement tirée par les tendances démographiques, puisque la majorité des travailleurs n’intègre pas l’emploi salarié formel mais opère plutôt dans une activité indépendante ou dans un travail familial non rémunéré, par exemple dans l’agriculture de subsistance. » (page 11)

« Ne pas intégrer l’emploi formel », c’est évidemment échapper à ce qu’exige le libre-échange : la soumission à la rotation du capital privé, sans laquelle il ne peut y avoir la moindre extraction de plus-value. Il y a ici deux impasses dont la mise en place de la loi du marché exige le nettoyage le plus rapide possible (l’exemple de la ruine progressive de la petite agriculture française après la mise en oeuvre du Marché commun (1958) montre qu’il peut s’agir d’un processus de longue haleine) : l’activité indépendante (agriculture ou artisanat) et le travail familial non rémunéré (femmes et jeunes, en particulier). Rien que de ce côté, nous pressentons ce que l’islam peut représenter de frein à ces évolutions particulières.

Or, la petite agriculture (excessivement majoritaire au sein de l’ensemble agricole) représente à elle seule un vivier pour tous ceux qui veulent voir dans cette foule innombrable des bans entiers de futurs travailleurs salariés qui, tellement habitués à l’agriculture de subsistance, ne demanderont guère que de subsister avec un salaire très peu éloigné de ce qu’exige le quotidien le plus modeste. Et justement, ce vivier est carrément à la dimension d’un océan :
« En dépit de la baisse régulière de l’emploi dans l’agriculture, on estimait encore à 1,068 milliard le nombre de travailleurs opérant dans le secteur agricole en 2009. » (page 20)

Complétons, avec l’O.I.T. toujours, le tableau général agriculture-services-industrie :
« En 2009, on comptait au total 1,317 milliard d’emplois dans le secteur des services, soit 300 millions de plus qu’en 1999. Le nombre d’emplois dans l’industrie est resté supérieur à 660 millions en 2009, ce qui représente une augmentation de plus de 130 millions depuis 1999. » (pages 20-21)

Avec cette soudaine et sourde inquiétude qui nous saisit peu à peu : 660 millions seulement pour ce qui contient le fer de lance de la population exploitée « industriellement », n’est-ce pas encore trop peu pour offrir à la mémoire de Karl Marx une chance de nous dire : Eurêka ?

NB. Je l’avais indiqué dans un billet précédent : Voltaire et Charlie, même combat. Désormais, la ministre de l’Éducation nationale l’a dit très officiellement. Bonne occasion de se renseigner sur le criminel de Ferney, pour comprendre vers quelles horreurs on nous entraîne : ici

Michel J. Cuny


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