Retour à un chapitre sombre de l’histoire de l’Europe…
Deux hommes, qui étaient nés vers la fin du XIXème siècle, allaient marquer l’histoire, chacun à sa façon. Ante Pavelić était né, comme Adolf Hitler, en Autriche-Hongrie : Hitler, le 20 avril 1889 ; Pavelić, le 14 juillet 1889.
Au début du XXème siècle, en Yougoslavie, le roi Pierre Ier de Serbie, roi de Serbie (1903-1918), puis roi des Serbes, des Croates et des Slovènes, (1918-1821) avait tenté d’instaurer une monarchie constitutionnelle. Il devait désigner son fils, le prince Alexandre, pour lui succéder sur le trône, mais ce dernier allait, à partir du 16 août 1921, régner sous le nom d’Alexandre Ier, rétablir une monarchie absolue, et se faire assassiner à Marseille le 9 octobre 1934.
Dans ce contexte, le Parti des Travailleurs Socialistes de Yougoslavie, à dominante communiste, qui avait été créé au sortir de la première guerre mondiale, en 1919, serait rebaptisé Parti Communiste de Yougoslavie en 1920. Les communistes ayant obtenu la majorité à des élections locales puis législatives, leurs victoires n’avaient pas été validées par le gouvernement de régence qui, un mois après les Législatives, avait carrément interdit, dans la nuit du 29 au 30 décembre 1920, le Parti communiste, et fait saisir ses possessions. Le Parti se trouvait ainsi contraint à entrer dans la clandestinité. Les membres les plus connus devront même s’exiler à Vienne, en Autriche, ou ailleurs, pour échapper aux arrestations, aux emprisonnements et aux assassinats. Entre les exilés et les membres du Parti restés sur place, un lien allait être tissé, toujours dans le plus grand secret.
Hitler et Pavelić… Tous deux avaient ce point commun d’avoir été nourris à une idéologie impérialiste, raciste, xénophobe, anti-communiste, antisémite…
« Le monde est petit… » Nés tous les deux, la même année, dans le même pays, lequel a déteint sur l’autre ?
Ante Pavelić s’était engagé au sein du Parti croate du Droit, fondé en 1861, qui existait encore en 2011 : ce parti politique nationaliste et conservateur prônait, entre autres, pour le peuple croate, la libération de l’oppression des Autrichiens et des Hongrois et l’indépendance de la Croatie. Après avoir été député du Royaume des Serbes, Croates et Slovènes (de 1927 au 6 janvier 1929), Ante Pavelić avait dû s’exiler en 1929, avec l’avènement du roi Alexandre Ier sur le trône de Yougoslavie.
« Le monde est décidément petit… » Ante Pavelić n’était pas allé n’importe où, mais à Rome où Benito Mussolini cumulait, sous le règne de Victor-Emmanuel III, les fonctions de ministre des Affaires étrangères et de Président du Conseil des ministres du royaume d’Italie.
Le 7 janvier 1929, Ante Pavelić était devenu le fondateur, avec d’autres exilés (des membres du Parti croate du Droit), du mouvement Ustaša (Oustacha), ultranationaliste, croate antiserbe, séparatiste, anti-yougoslave, fasciste.
Pendant ce temps, le nazisme, sous la domination d’Adolf Hitler en Allemagne, et le fascisme, sous celle de Benito Mussolini en Italie, s’apprêtaient, de 1920 à 1945, pour les nazis, de 1922 à 1943, pour les fascistes, à étendre leurs serres sur l’Europe, voire sur une partie du monde.
Face à la montée du nazisme et du fascisme, et à l’expansionnisme de ces dictatures, le Parti communiste s’organisait.
En 1939, le sécrétaire général du Parti communiste, Josip Broz, croate par son père et Slovène par sa mère, prenait le pseudonyme de Tito. Des mouvements comme le Front des Partisans s’étaient créés : des femmes luttaient aux côtés des hommes dont Jovanka Busdisavljević qui deviendrait, quelques années plus tard, madame Tito. Neđa Mladić était membre des Partisans yougoslaves de Bosnie-Herzégovine.
À la mort brutale d’Alexandre Ier, son fils dont il avait fait l’héritier du trône, Pierre II, étant trop jeune pour régner, le cousin du roi assassiné, le prince Paul de Yougoslavie, devait assurer la régence.
Sous la pression de l’Allemagne nazie qui menaçait d’envahir la Yougoslavie, le prince-régent se ralliait, le 25 mars 1941, aux Forces de l’Axe : le Premier ministre et le ministre des Affaires étrangères, mis au pied du mur, engageaient le royaume, par leur signature, à Vienne, d’un pacte de neutralité à l’égard des pays signataires du pacte tripartite, à ne pas soutenir les Forces Alliées.
En signe de protestation à la soumission du royaume aux Forces de l’Axe, de nombreuses manifestations eurent lieu dans les rues de Belgrade et d’autres villes de Yougoslavie. Une partie de l’armée royale, notamment des officiers de l’armée de l’air, organisait un Coup d’État militaire deux jours plus tard, le 27 mars 1941, et renversait les autorités, en destituant le prince Paul et deux autres membres constitutifs de la régence, ainsi que le gouvernement, pour placer Pierre II sur le trône et former un nouveau gouvernement, d’union nationale.
Les Forces de l’Axe (Allemagne, Italie) réagissaient, le 6 avril, en bombardant la capitale Belgrade – il y eut environ 17.000 morts, presque tous des victimes civiles –, en détruisant une grande partie de l’armée de l’air yougoslave – de nombreux aviateurs furent tués en défendant la capitale –, en envahissant le royaume et en le morcelant. Les forces armées du royaume de Yougoslavie, ainsi attaquées, s’effondraient.
Le 10 avril, Slavko Kvaternik, l’un des fondateurs du mouvement Ustaša (Oustacha), proclamait la Croatie, qui comprenait quasiment toute la Croatie et la Bosnie-Herzégovine actuelles, « État indépendant ». Le Reich allemand installait au pouvoir le mouvement des Ustaše (plus connus sous le nom de Oustachis), avec Ante Pavelić comme dirigeant. En une dizaine de jours, le royaume de Yougoslavie était conquis.

© Jacques Leclerc, 2012
Alors que le roi Pierre II de Yougoslavie avait fui, le 15 avril, vers la Grèce puis vers la Grande-Bretagne, et que certains membres du gouvernement avaient fui le pays, eux aussi, pour se réfugier au Royaume-Uni, d’autres membres du gouvernement et de l’armée allaient s’entretenir, le 17 avril, avec des Allemands à Belgrade et décider d’arrêter toute résistance armée. D’autant qu’un gouvernement était mis en place par les envahisseurs – l’Allemagne nazie, l’Italie fasciste, la Hongrie, la Bulgarie – et confié au Croate, Ante Pavelić. Un parlement, composé d’ecclésiastiques et de députés liés au parti ustaše, se trouvait donc sous la coupe d’un parti désigné comme parti unique.
Le royaume de Yougoslavie étant conquis, restait, aux pays de l’Axe, à le dépecer et, à chacun, à prendre les meilleurs morceaux… « Bien mal acquis ne profite jamais »… les “heureux” élus, choisis parmi les princes italiens pour devenir roi de Croatie ou prince du Monténégro, ne se bousculeront pas au portillon…
Le roi Pierre II n’étant plus en Yougoslavie, le président du Conseil des ministres d’Italie, Benito Mussolini, et le roi Victor-Emmanuel III décidaient, avec Ante Pavelić, de hisser sur le trône, un cousin de Victor-Emmanuel, Aymon de Savoie-Aoste. Il sera roi de Croatie sous le nom de Tomislav II mais son règne, qui durera de 1941 jusqu’à la capitulation de l’Italie en 1943, ne sera qu’une fiction : le prince Aymon n’ira jamais en Croatie.
Les Forces de l’Axe bombarderaient de nouveau Belgrade, durant l’été 1941, et de nombreux citoyens fuiraient sous les bombes ou se feraient expulser par les occupants.
Ces forces dominatrices de l’Allemagne nazie et du fascisme italien allaient donner toute leur mesure : répression féroce des mouvements de résistance, tentatives de susciter des mouvements de collaboration, massacres d’otages, atrocités diverses et variées, exécutions de prisonniers civils comme militaires, création d’un réseau de camps, exclusions de la société, conversions religieuses forcées, expulsions des territoires… Tout cela avec la complicité et avec l’aide des Ustaše (des Oustachis).
Ce mouvement croate fasciste, anti-yougoslave, ultranationaliste, effectuera, pendant toute la guerre 1939-1945, des coupes sombres dans les rangs des résistants antifascistes et antinazis croates, des Serbes, des Tziganes, des communistes et des juifs, en Yougoslavie. C’est ainsi que l’Allemagne nazie et l’Italie fasciste devaient parvenir, avec leurs alliés sur le terrain, à démanteler la Yougoslavie et à permettre aux ultranationalistes croates fascistes et nazis de prendre le contrôle de la Croatie et de la Bosnie-Herzégovine et de semer la zizanie dans les communautés ethniques, politiques et religieuses.
L’Ustaša s’appuyait précisément sur les théories nazies pour prôner une Croatie « racialement pure » et, pour obtenir la pureté de la race, ce pouvoir des Oustachis allait persécuter les Serbes jusqu’au « génocide ».
Ce chapitre sombre de l’histoire de la Yougoslavie ne devrait pas avoir une suite mais il en a une, en ce XXIème siècle, à partir des néo-nazis en Ukraine, en Allemagne, en Autriche, en France, et ailleurs…
À suivre…

La Dame de Pique
25 avril 2022