Françoise Petitdemange – Michel J. Cuny : de la difficulté de mettre en cause le miroir aux alouettes…

Le miroir aux alouettes

Françoise Petitdemange – Michel J. Cuny :
de la difficulté de mettre en cause le miroir aux alouettes…

6ème texte, 23 mai 1976

Après cinq textes écrits par Michel J. Cuny, le sixième était signé Françoise Petitdemange. J’y écrivais :
« Nous ne prétendons ni vous apporter quelque solution, ni détenir la vérité ; nous tentons seulement de réfléchir, et vous invitons à faire de même.
La vie est là, en nous, et autour de nous. N’est-ce pas merveilleux de vivre ? Et pourtant, vous vous trouvez empêtrés dans un matériel qui vous étouffe, et que vous croyez indispensable. Vous restez étrangers à un livre, à un tableau, à la musique classique. Vous vous enfermez dans une routine qui vous amenuise. Au-delà du travail quotidien, il y a autre chose… »

7ème texte, 30 mai 1976

La publicité fourbissait de plus en plus d’armes pour tenir les salarié(e)s à leurs places respectives et leur prélever, en faisant miroiter à leurs regards un tas d’objets, une partie de leurs salaires. Michel J. Cuny déplorait cette manipulation sournoise :
« L’amour, l’amitié, la bombe atomique, le mal de vivre, et alors ?… Eux, ils ont encore ceci ou cela à faire, le reste…
Ils ont bien appris leur leçon ; ils jouent à merveille la comédie des exploités. Et ça n’est pas près de finir : les inventeurs de trucs et de machins tiennent, au fond de leurs tiroirs, de quoi les amuser pendant plus d’un siècle. »

8ème texte, 6 juin 1976

Naguère, dans ma prime adolescence, j’avais fait partie d’un groupe folklorique mixte constitué dans mon village par le curé et sa sœur. Ce groupe se déplaçait dans les hospices vosgiens : nous alternions des chants et des danses traditionnel(le)s. Dans ces hospices, des hommes et des femmes, qui n’avaient plus d’autres perspectives que la mort, avaient dû, pourtant, travailler durement toute leur vie dans l’agriculture et dans les usines. Mais toutes ces personnes étaient devenues des laissées-pour-compte dans la société. C’est pourquoi, dans le deuxième texte que je rédigeais, j’écrivais ceci :
« Notre société est vieille. Elle se compose de plus de vieillards que jamais.
Ceux que, d’ordinaire, on appelle “les vieux”, ce sont ceux qui ne peuvent plus travailler à la chaîne, faire les trois-huit, porter de lourdes charges : ceux qui ne suivent plus la cadence, ceux dont on ne peut plus rien tirer. Ils ne sont plus rentables ni utilisables dans notre société de production.
Ce sont ceux qui n’achètent plus de matériel : mobilier, voiture, vêtements à la dernière mode ; ceux qui ne vivent plus à crédit. Ils ne sont plus intéressants dans notre société de consommation. »

9ème texte, 13 juin 1976

Fallait-il quitter les Vosges ? Nous préférions tenter de faire quelque chose dans notre région natale. Cependant, à travers le prisme télévisuel de l’époque, l’adage « Loin des yeux, loin du coeur » devenait « Loin du cœur, plein les yeux » : plus il y avait de distance entre les bouffons parisiens et les gogos de province, plus ceux-ci étaient fascinés par ceux-là. Michel J. Cuny évoquait cette fascination irréfragable en ces termes…
« Car, pour les ignorants, il est plus intéressant de s’attarder devant quelque vedette inventée dans les studios parisiens, que de réfléchir un peu sur l’époque à laquelle nous vivons.
Tout cela donne raison à ceux qui disent que notre région est morte, qu’il faut l’abandonner à son sommeil. Comment pourrait-on en vouloir aux gens qui vous offrent ce que vous leur demandez : des spectacles vulgaires, des émissions télévisées abrutissantes, des rêves imbéciles ? C’est à vous de vous faire respecter. C’est à vous de demander autre chose. »

10ème texte, 20 juin 1976

Au beau milieu d’un marasme politico-économique qui ne date pas d’aujourd’hui et d’une réelle démission de la société française dans son ensemble, la bombe nucléaire s’était imposée dans les pays occidentaux, sans que les populations ne puissent dire le moindre mot sur cette arme qui menaçait leur vie. Michel J. Cuny plaçait chacun et chacune devant ses responsabilités :
« Demandez où en sont les enfants d’Hiroshima et de Nagasaki.
Vous qui prétendez aimer les vôtres, vous qui craignez de les voir tomber, de les entendre tousser, comment pouvez-vous laisser planer ce danger terrifiant [la bombe atomique].
Vous pensez que vous n’y pouvez rien. Je croyais pourtant que vous étiez des citoyens, que la démocratie était le gouvernement du peuple par le peuple ! Faut-il dire que vous vous êtes fait avoir, que votre barque est dirigée par d’autres ? C’est cela que je vous dis, et je ne cesserai de vous le dire. »

Alors que nous nous demandions si nous n’étions pas deux voix criant dans le désert, un écho nous parvint ce 20 juin 1976…

1er Communiqué d’un lecteur ou d’une lectrice

Ce « Communiqué » avait été publié sur « BELMONT-sur-BUTTANT :
« La vie est-elle encore trop longue pour vous ? Qu’attendez-vous ? la retraite, la mort, croupissez-vous sur cette terre comme des vieillards à l’hospice ? Non, n’est-ce pas ! Alors réveillez-vous, groupez-vous, améliorez votre vie, construisez du positif ! Ne vous laissez pas encore enterrer plus et assistez aux conférences animées par Michel J. Cuny et Françoise Petitdemange. Romary. »

La réponse des lecteurs et des lectrices des “Annonces des Hautes Vosges” à ce lecteur courageux s’inscrit dans la complète démission dont il est possible de voir les répercussions aujourd’hui.

Françoise Petitdemange
9 juin 2018


3 réflexions sur “Françoise Petitdemange – Michel J. Cuny : de la difficulté de mettre en cause le miroir aux alouettes…

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