IV. 124 – Des bombardements pour détruire quoi ?
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Intervention des États-Unis,
ONU, Samedi 14 avril 2018
Nikki Haley
Si la représentante des États-Unis à l’ONU, Mme Haley, mettait autant d’énergie dans la lutte contre l’utilisation, dans différents pays du monde, des armes chimiques… par son pays, l’humanité évoluerait de façon considérable :
« Depuis avril 2017, depuis l’attaque chimique de Khan Cheikhoun, les États-Unis ont imposé toute une série de sanctions contre des individus et des entités impliqués dans l’utilisation de substances chimiques en Corée du Nord et en Syrie et nous luttons contre la prolifération d’armes chimiques.
Nous avons révoqué les visas d’agents de renseignement russes suite à l’attaque de Salisbury. Nous continuerons de montrer du doigt tous ceux qui utilisent ou qui facilitent l’utilisation d’armes chimiques et nous agirons. Avec l’action militaire d’hier, notre message était sans ambage : les États-Unis d’Amérique ne vont pas laisser le régime d’Assad continuer d’utiliser des armes chimiques : nous n’allons pas le permettre. »
Le scenario utilisé à Douma est celui utilisé à Khan Cheikhoun… Les États-Unis imposent « toute une série de sanctions »… Mais qui leur imposera de détruire leurs immenses stocks d’armes de destruction massive (armes chimiques, bactériologiques…) ? Qui les punira d’avoir utilisé ces armes dans les pays déjà cités : Afghanistan, Serbie, Irak, Libye sans parler des bombes au napalm utilisées pendant la bataille de Normandie (France) en 1944 et 1945, contre les populations civiles de Berlin, Hambourg et Dresde (Allemagne) en 1945, contre l’armée démocratique dans les monts Gramos-Vitsi (Grèce) en 1949, contre les populations civiles dans la guerre de Corée et dans celle du Viêt-Nam, sans parler des bombes atomiques larguées sur les populations civiles d’Hiroshima et de Nagazaki (Japon) en 1945, sans parler des bombes incendiaires similaires aux bombes au napalm utilisées en Irak en 2003 ? La France elle-même a utilisé le napalm en Indochine (1951), en Algérie (1954-1962), etc. Avec une histoire pareille, passée et présente, Mme Haley peut-elle encore prétendre que la Corée du Nord et la Syrie utilisent des armes chimiques contre les populations ? Les pays, qui ont utilisé le napalm, ont pratiqué la politique de la terre brûlée qui a eu des répercussions durant des années, voire des décennies.
Mme Haley, qui mélange tout, évoque, ici, l’attaque menée avec un agent neurotoxique militaire à Salisbury, en Angleterre, le 4 mars 2018, contre un ancien agent double russe, Sergueï Skripal, et sa fille Ioulia, pour les empoisonner, attaque aussitôt mise sur le compte de la Russie… Or, la CIA, n’est-elle pas la spécialiste des assassinats par empoisonnement, par faux suicide, et par tant d’autres moyens utilisés contre des personnes qu’il s’agit d’éliminer avec un objectif précis ?
Voilà le fin mot de cette histoire du papa et de sa fille attaqué(e) à l’arme chimique prétendument par la Russie. Il s’agit d’accuser celle-ci d’utiliser des armes chimiques contre des personnes en attendant de l’accuser d’en utiliser contre sa population pour la déstabiliser et lui faire la guerre. L’expulsion de diplomates russes de pays européens et nord-américains, qui a suivi cette attaque orchestrée par les médias occidentaux, signifie qu’il fallait trouver un prétexte pour s’en prendre à la Russie qui est en train de gagner la guerre, avec l’armée syrienne et ses autres alliées, sur le sol syrien. Mais ces élucubrations ne trompent que ceux-celles qui veulent être trompé(e)s.
Les États-Uniens, effectivement, luttent contre « la prolifération d’armes chimiques » dans tous les pays du monde sauf dans le leur. Ils veulent être les seuls à détenir ces armes pour les utiliser quand ils veulent, où ils veulent, comme ils veulent, contre qui ils veulent.
La représentante des États-Unis, Nikki Haley, se rend-elle compte de ce qu’elle affirme ?
« Hier, nous avons dû anéantir le principal centre de recherche qui était utilisé pour créer et fabriquer ces armes de destruction massive. Et le régime syrien utilisait ces armes. Les États-Unis sont vraiment prêts à agir. Nous avons vraiment tous les outils à notre disposition. Lorsque nous fixons une limite, nous sommes prêts à la faire respecter, ce que fait notre président.
Les États-Unis sont extrêmement reconnaissants au Royaume-Uni et à la France pour avoir fait partie de cette coalition. Nous avons agi en plein accord. Hier soir, nos grands amis, nos alliés indispensables ont montré au monde ce qu’il fallait faire dans l’intérêt de tous. Le monde civilisé leur doit des remerciements. »
Dans la nuit du 13 au 14 avril 2018, le « centre de recherche », qui a été détruit par le trio (États-Unis, Royaume-Uni, France), « était utilisé », selon Mme Haley, « pour créer et fabriquer » des « armes de destruction massive » que « le régime syrien utilisait ». Or, si ce centre avait été actif, les bombardements du trio auraient eu de terribles répercussions sur la santé de la population et provoqué des dégâts considérables sur le plan environnemental.
Quelle organisation demandera la destruction des stocks d’ADM (Armes de Destruction Massive) aux États-Unis ? Quelle organisation obligera les États-Unis à respecter la limite rouge ? Mme Haley montre là que ceux-ci sont prêts à tout pour sauvegarder ce qu’ils perdront, de toute façon, à un moment donné : leur « leadership » (pour reprendre leur mot favori).
Mme Haley n’oublie pas d’exprimer la reconnaissance de l’État-caïd à l’égard de ses États-petites frappes… Pauvre France ! Une lavette entre les mains du nettoyeur-broyeur que sont les États-Unis dans le monde.
Qu’entend donc Mme Haley par « monde civilisé » ? Croit-elle que le monde occidental – avec toutes les guerres qu’il fait éclater de par le monde – est plus civilisé que… le monde arabe ? que le monde oriental ? que le monde africain ? Propos nauséabonds exhalant le racisme et la xénophobie au service de l’idéologie états-unienne la plus plate qui puisse exister – la loi du plus fort –, fondée sur la violence la plus brutale exprimée par l’impérialisme et le colonialisme.
Mme Haley n’y va pas par quatre chemins :
« Dans les semaines et les mois à venir, le Conseil de sécurité devrait prendre le temps de réfléchir à son rôle pour défendre l’État de droit au niveau international. Le Conseil de sécurité a échoué à ses responsabilités. Il n’a pas pu faire en sorte que ceux qui utilisent des armes chimiques rendent des comptes. Et cet échec est très largement dû à l’obstruction de la Russie. Nous demandons à la Russie de bien voir quels sont ses amis. Nous lui demandons d’assumer ses responsabilités en tant que membre permanent du Conseil, de respecter les principes de base que les Nations Unies sont censées promouvoir. »
La représentante des États-Unis, voudrait-elle évincer la Russie et puis, peut-être aussi, la Chine, du Conseil de sécurité ? Ainsi, le trio occidental aurait le champ libre pour faire tout ce qu’il veut.
Ces États-Unis, qui bafouent les droits des États souverains et des peuples à disposer d’eux-mêmes, que prétendent-ils défendre ? L’État de droit ou leur État de non droit ? À noter l’attaque directe de l’“ambassadrice” contre la Russie… La Fédération de Russie sait depuis longtemps déjà qui sont ses amis et qui sont ses ennemis.
Compte tenu de l’histoire des États-Unis, ces derniers ne peuvent vraiment rien demander à aucun autre État. D’ailleurs, ils sont les premiers à bafouer les Nations Unies, le Préambule et ses institutions.
Tant qu’ils détiennent la toute-puissance que leur confèrent leurs mensonges et leurs armes de destruction massive, ils peuvent encore se croire les maîtres du monde. Mais – et cela n’engage que moi – j’espère que cela cessera le plus rapidement possible.
La représentante des États-Unis persiste et signe. Il faut absolument laisser croire que les frappes du trio, qui ont tout de même coûté une petite fortune, ont atteint quelque chose…
« Hier soir, nous avons avec succès frappé le cœur même de la fabrication d’armes chimiques en Syrie. Et, compte tenu de ces frappes militaires, nous sommes certains d’avoir très largement entravé le programme syrien. Et nous sommes prêts à agir à nouveau si le régime syrien est assez sot pour essayer de nous mettre à l’épreuve. »
Mme Haley veut se persuader elle-même du bien-fondé de ces bombardements : cette volonté est près de franchir la limite rouge à ne pas dépasser sous peine de passer pour folle. À écouter certains propos, il est parfois difficile de penser qu’ils sont tenus, non dans une salle d’hôpital psychiatrique mais dans l’enceinte de l’ONU.
Il serait un peu faible de renvoyer la sottise dans la figure de la représentante des États-Unis. S’agissant de ces derniers, il faut plutôt parler de bêtise, de méchanceté, de criminalité. Ils n’ont, en guise d’histoire, qu’un chemin de sang… le sang des peuples, des autres peuples, mais aussi – comble de leur incroyable imbécillité – de leur propre peuple ! Et ce, depuis la ruée vers l’or des Européens, en passant par la constitution du conglomérat d’États sanguinaires appelés États-Unis, pour arriver jusqu’à ce XXIème siècle bien mal commencé…
Par ailleurs, il serait intéressant de savoir pourquoi les États-Unis s’acharnent tant sur la fabrication de produits chimiques en Syrie… Et si, derrière ces accusations portées contre le médecin Bachar El Assad devenu Président, derrière ces scenarii d’attaques chimiques prétendument tournées contre la population, derrière le contrôle jaloux pour empêcher toute fabrication de produits chimiques… c’était l’industrie pharmaceutique syrienne nationale, réputée avant la guerre, qui était visée ?
[ONU (Organisation des Nations Unies), Intervention de l’ambassadrice Nikki Haley pour les États-Unis, Samedi 14 avril 2018. Note FP : La transcription et la capture d’écran sont de mon fait. Remerciements à la personne qui a effectué la traduction simultanée de l’intervention. Vidéo RT (Russia Today, La Russie convoque une réunion d’urgence du Conseil de sécurité de l’ONU, 14 avril 2018.]
https://francais.rt.com/international/49830-russie-convoque-reunion-urgence-conseil
Suite : IV. 125 – Les empires se croient moralement supérieurs au reste du monde
Françoise Petitdemange
20 avril 2018