IV. 110 – « …les enfants qui toussent, irritation de la peau, mais c’est pas ça le plus important… »

IV. 110 – « …les enfants qui toussent, irritation de la peau,
mais c’est pas ça le plus important… »

Pour défendre le système capitaliste, c’est-à-dire une économie appuyée sur la valeur d’échange (qui privilégie une minorité d’individus fortunés sur la planète) en opposition à la valeur d’usage (qui faciliterait la vie quotidienne à une majorité d’individus), la grande bourgeoisie doit avoir un système idéologique fonctionnant, heure après heure, minute après minute, seconde après seconde… Il lui faut donc des relais partout… qu’elle trouve dans la moyenne bourgeoisie supérieure qui aspire à grimper dans la classe du dessus et, en dessous, dans la moyenne bourgeoisie qui est prête à tout elle aussi mais avec beaucoup moins d’espoirs de grimper… car les places au sommet de la hiérarchie politico-économique sont, de toute évidence, rares et donc bien gardées.

Toutes les occasions – y compris les guerres – sont mises à profit pour raconter de petites histoires, pour passer le temps, à la majorité d’individus qui, il faut le dire, s’en laissent facilement conter. En voici une parmi des milliards… qui vaut d’être analysée.

Il faut tout d’abord un journaliste qui met les téléspectateurs(rices) en condition. Ici, François Gapihan :
« L’horreur dans la Ghouta orientale se prolonge en Syrie. Les forces gouvernementales continuent de bombarder ce fief rebelle. L’Observatoire Syrien des Droits de l’Homme assure qu’en trois semaines, 1.111 civils dont 229 enfants ont été tués. Le nombre de blessés, lui, est évalué à 4.370. [Émeline] d’Harcourt. » [BFMTV, Vidéo : Syrie : le calvaire des civils continue dans la Ghouta orientale, 11 mars 2018.]

Durant ces sept années de guerre, les chiffres proviennent de l’OSDH (Observatoire Syrien des Droits de l’Homme), basé à Londres, qui est, comme tout ce qui se réclame des Droits de l’Homme, très partial et anti-Bachar El Assad.

Un lance-roquettes

E. D’Harcourt :
« [Images d’un lance-roquettes]. Un lance-roquettes tire en direction d’Ar Rasta, l’une des villes de la Ghouta orientale. Cette vidéo est diffusée, ce dimanche, par l’armée syrienne. [Images de chars qui viennent sur une route]. Ici, les chars de l’armée avancent : c’est à l’arme lourde que les combats se poursuivent après trois semaines d’offensive. » [Idem.]

Un homme – un civil ? Un militaire ? – s’exprime :
« Nous avons ouvert le feu avant d’attaquer les positions des groupes armés et leur forteresse. Puis nos forces d’infanterie ont attaqué leurs positions et avancé de plusieurs kilomètres. » [Idem.]

Ce que sont devenues les villes syriennes
du fait d’une opposition armée contre le peuple

E. D’Harcourt :
« L’armée syrienne indique avoir isolé les villes de Douma et de Ar-Rasta du reste de l’enclave. La Ghouta orientale serait maintenant morcelée : Douma au nord, Ar-Rasta à l’ouest, puis les localités du sud. Sur ces images, les alentours de Madira où les frappes se succèdent. En reprenant le secteur de Madira, les forces du régime qui progressaient depuis l’est auraient fait jonction avec les troupes positionnées à l’ouest. La population civile paie un lourd tribut dans cette offensive. Depuis le 18 février, seuls deux convois d’aide ont pu entrer dans cette partie de la Ghouta pour apporter des vivres. La trêve votée à l’ONU pour la Syrie ne protège pas les habitants. L’Observatoire Syrien des Droits de l’Homme estime que plus de 1.100 civils dont 229 enfants ont été tués et plus de 4.300 ont été blessés en trois semaines. » [Idem.]
« La trêve votée à l’ONU ne protège pas les habitants », surtout si les groupes armés leur tirent dessus pour qu’ils ne quittent pas la Ghouta. La journaliste de BFMTV oublie, elle aussi, l’article 2 de la Résolution 2401…

Les chiffres de l’OSDH ont déjà été donnés mais ils sont répétés. Les gens de médias savent que, pour enfoncer quelque chose dans le crâne de la population, il faut procéder par répétition et donner des images sous forme de clips.

Dr Anas Chaker

Voici, maintenant, un entretien parfaitement bien mené par François Gapihan… pour tromper tous les crédules. Sur fond d’images de guerre, d’aide médicale et d’aide humanitaire, le 11 mars, le Dr Anas Chaker, médecin, porte-parole de l’UOSSM (Union des Organisations de Secours et de Soins Médicaux) qui est une ONG (Organisation Non Gouvernementale), est l’invité de BFMTV.

Le Dr Anas Chaker y va d’abord de son petit couplet sur la journée de la femme afin d’y récupérer toutes les femmes syriennes mais, surtout, les médecins et les soignantes. Cela pour annoncer la mort de la première femme “Casque blanc” en Syrie : non pas médecin mais secouriste.

Les “Casques blancs” syriens qui devaient avoir une vocation humanitaire et de défense civile syrienne, ont été créés, en 2013, par un ancien officier militaire britannique, James Le Mesurier. Leur formation s’est faite en Turquie et leur financement provient des États-Unis et de l’Europe, notamment de la Grande-Bretagne. Cette structure de propagande mise en place contre le Président élu Bachar El Assad, qui revendique une neutralité politique et militaire, a bénéficié d’une campagne de publicité, en 2016, orchestrée par la coalition occidentale… Sa collusion avec cette coalition permet de répondre à la question : les “Casques blancs”, défendent-ils leur pays contre les groupes armés terroristes ou luttent-ils contre l’armée syrienne ? Le budget de l’organisation (une de plus !…) étant passé de 18 millions de dollars en 2017 à 12 millions pour 2018, le vice-président Abdulrahman Almawwas avait rencontré à la mi-février un conseiller du président Macron à Paris.

« Bien entendu, la confirmation, par des prélèvements,
est impossible
 »

Le Dr Anas Chaker entre très rapidement dans le vif de ce qu’il faut faire passer pour obtenir une réprobation “internationale” ou, plutôt, occidentale… suivie de sanctions :
« Je viens d’avoir une triste nouvelle. La Ghouta a été encore une fois bombardée, aujourd’hui, par des missiles qui portent du chlore. (François Gapihan : « Une attaque chimique donc ».) Attaque chimique. Bien entendu, la confirmation, par des prélèvements, est impossible mais tous les signes, que le flux important des blessés [montre], vont dans le sens encore d’une attaque chimique. (FG : Quels sont ces signes ?) Eh bien écoutez, [déficit ?] respiratoire, les yeux, les enfants qui toussent, irritation de la peau, mais c’est pas ça le plus important, le plus important, c’est de savoir que, depuis le 19 février jusqu’à aujourd’hui, on déplore plus de 1.300 victimes et plus de 4.700 blessés. » [Idem. Note FP : Les mots entre parenthèses et les mots entre crochets sont de mon fait. Les incursions du journaliste de BFMTV dans les réponses aux questions du Dr sont mises entre parenthèses.]

Comme tout cela est bien rodé depuis sept ans… Donc, pour récapituler : « La Ghouta… bombardée… par des missiles qui portent du chlore. » Il s’agit donc d’une… « Attaque chimique. » Jusqu’ici, aucun doute. Cependant, toutes les accusations lancées, durant plusieurs années, contre l’armée syrienne qui bombarderait la population avec des produits chimiques, n’ont jamais été prouvées mais qu’importe ! Répétition est mieux que raison. D’autant que… « Bien entendu, la confirmation, par des prélèvements, est impossible. » Là, c’est un peu facile…

Quant aux signes décrits par le médecin – livrés en vrac comme ici ou en ordre comme pas ici – ils ne prouvent rien : les enfants qui, du fait de leur petite taille, respirent plus près du sol que les adultes, ont une certaine fragilité dès que l’air est pollué. Tout ce qui fait le contexte d’une guerre : la fumée, la poussière, les blessures purulentes, la maladie, la peur, le manque de sommeil et de nourriture, peut avoir des effets désastreux à la longue sur les poumons, les yeux, le nez, la peau, etc. La certitude du Dr Chaker, quant à l’utilisation de produits toxiques interdits, viendrait-elle du fait que ces produits feraient partie des fournitures livrées par la coalition aux groupes armés qui combattent l’armée syrienne… puisque celle-ci découvre des entrepôts de produits chimiques et toxiques au fur et à mesure de la libération de la Ghouta orientale ?

Bachar El Assad, qui a effectué ses études en Syrie, et qui est allé compléter sa formation à Londres, a été médecin ophtalmologue avant de devenir le Président de la République Arabe Syrienne. Il faudrait lui demander s’il est satisfait de la déstabilisation de son pays en 2011 et des conditions de vie qui sont faites à la population syrienne – et, notamment, aux enfants qui sont l’avenir du pays – durant ces sept années de guerre…

Là où le témoignage du Dr Anas Chaker, se corse, c’est lorsque, après avoir décrit les effets du « chlore » sur la santé des enfants, il dit : « mais ce n’est pas ça le plus important, le plus important… » Le plus important, c’est les chiffres. Et, à ce moment précis, le médecin a son petit papier sur lequel il a soigneusement inscrit les chiffres à donner absolument : « plus de 1.300 victimes et plus de 4.700 blessés ».

Suite : IV. 111 – « Donc, le droit humanitaire est bafoué tous les jours »

Françoise Petitdemange
16 mars 2018


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