IV. 108 – La difficile évacuation des civils
de la Ghouta orientale (Syrie)
En juillet 2012, les groupes armés d’opposition à Bachar El Assad s’étaient emparés des quartiers-est d’Alep, rejoints par des groupes de l’ÉI (État Islamique) tantôt utilisés, tantôt chassés mais jamais très loin de la ville… Tous ces groupes avaient pu construire des fortifications, des tranchées, des tunnels, constituer des entrepôts de denrées alimentaires à destination, d’abord et avant tout, des opposants armés et de leurs familles, laissant des miettes à la population civile, organiser des hôpitaux de campagne équipés de matériel médical fourni par des ONG (Organisations Non Gouvernementales) turques et occidentales, et disposer d’un arsenal militaire comprenant des dizaines de tonnes d’armes et de munitions en provenance notamment des États-Unis.
Avec l’appui de la Russie, des Gardiens de la Révolution iraniens, du Hezbollah libanais, des combattants irakiens et afghans, l’armée syrienne avait repris Alep-est et la bataille, longue de quatre années, s’était achevée par l’encerclement, en septembre, des groupes armés d’opposition, par leur effondrement en novembre, et par leur capitulation en décembre. En accord avec la Syrie, les militaires engagés dans la bataille d’Alep-est avaient instauré une trêve afin de permettre aux civils de quitter la ville. L’opposition armée, ayant interdit aux habitant(e)s de quitter les quartiers-est par les « couloirs humanitaires » mis en place par la Russie et la Syrie, devait attirer sur elle la colère de ces habitant(e)s. Finalement, le gouvernement syrien reprenant le contrôle de ces quartiers, les habitant(e)s pourraient être évacués et les derniers combattants et leurs familles devraient se retirer…
À la Ghouta orientale, même problème. Les groupes armés terroristes, après avoir tenté de prendre la capitale par les armes, vivent retranchés avec leurs familles, au milieu de la population civile, dans cette région-est de Damas, depuis août 2012, rejoints par ceux qui ont été chassés d’autres régions.
Vladimir Poutine et Sergueï Choïgou
Depuis le vote de la Résolution 2401 du Conseil de sécurité de l’ONU, le 24 février 2018, qui impose une trêve dans les combats (hormis ceux contre les groupes armés terroristes), la Russie se concerte avec la Syrie pour instaurer des moments de répit devant permettre à la population de sortir de l’enclave dans laquelle elle est prise comme otage par les « terroristes », amis de la coalition occidentalo-golfico-sioniste. Selon le ministre russe de la Défense, Sergueï Choïgou :
« Sur ordre du président russe [Vladimir Poutine] et dans le but d’éviter les pertes parmi les civils de la Ghouta orientale, une trêve humanitaire quotidienne sera instaurée à partir du 27 février de 9 h à 14 h. » [RTS (Radio Télévision Suisse), vidéo, Vladimir Poutine ordonne une « trêve humanitaire » dans la Ghouta orientale, 27 février 2018.]
Cette évacuation des civils doit se faire par des…
« couloirs humanitaires » : « Leurs coordonnées sont prêtes et seront rendues publiques bientôt. » [Idem.]
En vertu de la Résolution 2401, les habitant(e)s de la Ghouta orientale veulent exercer leur droit de quitter l’enclave mais ils-elles se trouvent constamment confronté(e)s à ces groupes « terroristes » qui refusent de les laisser partir, qui les menacent, et qui passent à l’action en leur tirant dessus dès qu’ils-elles cherchent à fuir. Pour ces groupes de mercenaires aux abois qui, depuis 2011 en Syrie, servent les intérêts des États-Unis, de la France, de l’Arabie saoudite et de l’État sioniste, qu’importe la population civile pourvu qu’ils sauvent leur peau et celle de leurs familles…
Le porte-parole du « Centre russe pour la réconciliation des parties en conflit en Syrie », le général de division Vladimir Zolotoukhine, déclarait :
« La réalité de ces menaces est confirmée par la frappe d’hier visant près de 300 manifestants civils à Douma, petite ville en banlieue est de Damas, un des plus importants bastions des terroristes. Selon les dernières informations, quatre personnes ont été tuées lors de cette manifestation spontanée. » [Sputnik, Des affrontements se produisent entre civils souhaitant fuir la Ghouta et terroristes, 1er mars 2018.]
La difficulté à trouver de la nourriture et des médicaments pousse les habitant(e)s à vouloir s’extraire de cette enclave :
« Il y a des cas où des habitants locaux demandent aux terroristes de les laisser sortir de la Ghouta orientale contre de l’argent, mais ils refusent. Des membres de groupes armés illégaux saisissent des véhicules individuels de résidents et les utilisent à leurs propres fins. Ils leur [aux civils, ndlr] interdisent d’utiliser les radios, les télévisions et les téléphones portables. » [Idem.]
Vladimir Poutine, depuis le Kremlin
Vladimir Poutine, depuis le Kremlin, annonçait l’évacuation de civils :
« Nous avons réussi à évacuer un groupe plutôt important de civils qui voulaient quitter cette zone. Mais le deuxième groupe qui était prêt à partir en a été empêché par des rebelles. » [Vidéo, Vladimir Poutine fait évacuer des civils de la Ghouta Orientale, 1er mars 2018.]
Le 2 mars 2018, Vladimir Zolotoukhine, devait évoquer le sauvetage de deux enfants. Une famille, qui avait décidé de fuir les combats, a été prise sous le feu des groupes armés « terroristes » et les parents se sont trouvés séparés de leurs enfants. Voici la suite :
« Cette nuit [du 1er au 2 mars 2018], à 00h25, deux enfants, un garçon et une fille, sont parvenus à passer par le couloir humanitaire ». « Les militaires syriens en poste au check-point les ont aperçus de loin et ont pu les secourir et les mettre à l’abri, parce que des combattants tiraient contre [sur] eux avec des armes légères. » [Sputnik, Les premiers civils quittent la Ghouta orientale sous le feu des terroristes, 2 mars 2018. Note FP : le mot barré et celui entre crochets sont de mon fait.]
Bachar El Assad, 4 mars 2018
Le 4 mars 2018, le Président Bachar El Assad apportait cette importante précision :
« Il n’y a pas de contradiction entre la trêve et l’opération militaire. Les progrès réalisés hier et avant-hier par l’armée arabe syrienne ont eu lieu au cours de cette trêve. Ainsi, quand nous parlons de cette trêve, nous disons qu’il y a des points positifs qui permettent d’atteindre l’objectif humanitaire tout en permettant d’atteindre l’objectif de frapper les terroristes. Par conséquent, nous devrions poursuivre l’opération parallèlement à l’ouverture du chemin vers les civils pour quitter [voulant rejoindre] les zones contrôlées par le gouvernement. » [RT (Russia Today), Vidéo, Bachar el-Assad : Il n’y a aucune contradiction entre la trêve et les opérations de combat, 5 mars 2018. Note FP : Le mot entre crochets est de mon fait.]
Voilà pourquoi il fallait cet article 2 dans la Résolution 2401 et pourquoi il est absolument nécessaire d’exercer un contrôle sur les convois humanitaires : il n’est pas possible de laisser les terroristes et leurs conseillers militaires de la coalition étrangère se réarmer contre l’armée syrienne et la population civile, faire plus de mort(e)s et de blessé(e)s, et prolonger la guerre.
Le lundi 5 mars, au matin, un convoi de 46 camions d’aide humanitaire, transportant nourriture et fournitures médicales, sous l’égide de l’ONU et du Croissant-Rouge syrien, entrait dans la Ghouta orientale. D’autres convois devraient suivre.
Est-il possible de contester à l’État syrien souverain le droit de reprendre la Ghouta orientale, fief rebelle ? Le gouvernement syrien envoie par hélicoptères des milliers de tracts pour expliquer à la population de la Ghouta la voie à suivre pour sortir de l’enclave, avec cartes et flèches à l’appui
En Libye, le peuple a reçu des tracts… de l’OTAN. Le commandant de guerre, Charles Bouchard, avait une idée bien à lui de protéger le peuple libyen. Il se vantait d’utiliser les hélicoptères, de nuit, pour le terroriser. Et, après…
« C’est tellement efficace qu’on utilise aujourd’hui l’image des hélicoptères dans les tracts de propagande largués au-dessus de la Libye. « Regardez ce qui vous pend au nez. Arrêtez les violences ! ». » [FP, La Libye révolutionnaire dans le monde (1969-2011), Éditions Paroles Vives 2014, page 502.]
Suite : IV. 109 – La reprise progressive de la Ghouta orientale par l’armée syrienne (mars 2018)
Françoise Petitdemange
13 mars 2018
Une réflexion sur “IV. 108 – La difficile évacuation des civils de la Ghouta orientale (Syrie)”