Situation en Syrie, février 2018
IV. 106 – La Résolution 2401 de l’ONU :
une épine dans le pied
de la coalition occidentalo-golfico-sioniste ?
Les mercenaires, qui combattent à la Ghouta,
sont à quelques pas de la capitale Damas
La Ghouta orientale, région située à l’Est et qui jouxte Damas (Syrie), est tenue depuis des années par les djihadistes, amis de la coalition occidentalo-golfico-sioniste.
Les trois résidences présidentielles de la capitale sont particulièrement visées : celle du Peuple, située dans l’ouest, sur le mont Mezzeh, proche du mont Qassioun, qui surplombe Damas, a été visée, le 7 novembre 2012, par des tirs de mortier, ainsi que le quartier de Mazzeh qui l’environne, peuplé d’Alaouites appartenant au clan dont est issue la famille Assad ; celle de Tishreen, dans le quartier d’Ar Rabwah (district de Muhajireen), située au nord-ouest de Damas, qui permettait au président Hafez El Assad de recevoir les dignitaires et les fonctionnaires étrangers en Syrie, a été visée par des obus de mortier le 19 février 2013 ; celle de Rawda qui se trouve en centre-ville (Abu Rummaneh), dans le quartier diplomatique, et qui abrite les bureaux présidentiels.
En 2014, les médias occidentaux diffusaient des images de décapitations par des groupes de Daesh : vraies ou fausses ? En tout cas, le prétexte était tout trouvé : en septembre, la France et les États-Unis commençaient à bombarder la Syrie sans avoir obtenu l’accord de l’État syrien souverain, et, donc, au mépris du droit international, ce qui avait déclenché la colère des Russes.
Selon le Jerusalem Post, lors d’une rencontre entre le premier ministre israélien Benyamin Netanyahu et le Président russe Vladimir Poutine, le 23 août 2017, à Sotchi, pour parler des derniers événements en Syrie, les Israéliens avaient menacé de mort le président de la République Arabe Syrienne, Bachar El Assad, et se disaient prêts à saper les accords de désescalade du conflit et de cessez-le-feu obtenus au Kazakhstan et validés par les États-Unis...
Un responsable israélien avait clairement dit : « Si l’Iran s’étend en Syrie, nous bombarderons le palais d’Assad. » [Le Jerusalem Post, Un responsable israélien : si l’Iran s’étend en Syrie, nous bombarderons le palais d’Assad, 28 août 2017.]
Le 24 février 2018, le Conseil de sécurité se réunissait pour tenter de mettre fin, par le vote de la résolution 2401 (2018), aux combats dans la Ghouta Orientale :
« Le Conseil de sécurité, »
« Réaffirmant son ferme attachement à la souveraineté, à l’indépendance, à l’unité et à l’intégrité territoriale de la Syrie, ainsi qu’aux buts et principes énoncés dans la Charte des Nations Unies, »
Mais, depuis son existence, l’ONU laisse le trio du Conseil de sécurité (États-Unis, Grande-Bretagne, France) déstabiliser de nombreux pays dans le monde et, ce faisant, disqualifie ses textes fondateurs de la paix.
À chaque guerre, l’ONU paraît en découvrir les effets… Le Conseil de sécurité…
« Se disant à nouveau profondément affligé par la persistance de la situation humanitaire effroyable que connaît la Syrie, notamment dans la Ghouta orientale, dans la province d’Edleb, dans la partie nord de la province de Hama, à Roukban et à Raqqa, et par le fait que le nombre de personnes ayant besoin d’une aide humanitaire d’urgence, notamment d’une assistance médicale, dépasse 13,1 millions – dont 6,1 millions sont des déplacés, 2,5 millions vivent dans des zones difficiles d’accès, y compris des réfugiés palestiniens, et des centaines de milliers sont des civils pris au piège dans des zones assiégées, » [Nations Unies, Conseil de sécurité, S/RES/2401 (2018), Distr. Générale 24 février 2018, Résolution 2401 (2018) Adoptée par le Conseil de sécurité à sa 8188e séance, le 24 février 2018, page 1.]
Six ans plus tard, comme elle a déploré le chaos en Libye, elle déplore « la situation humanitaire effroyable » en Syrie. Mais, à la prochaine guerre menée par le trio, elle laissera faire…
L’ONU, par sa résolution, montre ce qu’il en est de cette région… « assiégée » ? non, pas assiégée, mais occupée par les terroristes qui gardent en otage la population et s’en servent comme bouclier humain contre l’armée syrienne :
« Exprimant son indignation devant l’escalade de la violence, qui a atteint un niveau inacceptable, dans plusieurs régions du pays, en particulier dans la province d’Edleb et dans la Ghouta orientale mais également dans la ville de Damas, notamment les bombardements d’artillerie visant des locaux diplomatiques, et devant les attaques visant des civils et des installations civiles ainsi que des installations médicales, qui aggravent d’autant les souffrances endurées et provoquent de nombreux déplacements de populations, et rappelant à cet égard les obligations qu’imposent à toutes les parties le droit international humanitaire et le droit international des droits de l’homme, ainsi que toutes ses décisions pertinentes, notamment celle de mettre fin aux attaques visant des civils et des installations civiles, en particulier les attaques lancées contre des écoles et des installations médicales, » [Idem, page 1.]
Ce n’est pas le « niveau » de la « violence » qui est « inacceptable », mais la violence elle-même. La violence d’une coalition qui déstabilise et bombarde pour détruire les pays, renverser les gouvernements et donner une leçon de “démocratie”, par les bombes, aux populations.
La Ghouta orientale est proche de la capitale. Qui bombarde qui ? L’armée syrienne, a-t-elle intérêt à bombarder « la ville de Damas », « des locaux diplomatiques », à viser « des civils », « des installations civiles », « des installations médicales », « des écoles »… Tandis que, durant ces sept années écoulées, il a été dit et répété que « le dictateur Bachar El Assad » s’en prenait à la population civile, la retenait comme « otage », l’utilisait comme « bouclier humain », etc., l’ONU, qui ne peut ignorer qui sont les criminels dans cette guerre et qui sont ceux qui défendent le pays, ne parvient toujours pas à nommer clairement les responsables.
Le Conseil…
« Se disant à nouveau profondément troublé par le fait que l’aide humanitaire des Nations Unies n’a pas pu être acheminée dans les zones assiégées ces derniers mois, s’inquiétant vivement de la situation désastreuse des centaines de milliers de civils pris au piège dans les zones assiégées de la République arabe syrienne, en particulier dans la Ghouta orientale, à Yarmouk, à Fouaa et à Kafraya, réaffirmant que les sièges imposés aux populations civiles en Syrie sont une violation du droit international humanitaire, et demandant la levée immédiate de tous les sièges, » [Idem, page 2.]
Qui assiège qui ? Ne sont-ce pas les groupes de mercenaires, armés par la coalition, qui, en se rendant maîtres de tel ou tel territoire, s’installent avec leurs familles (femmes et enfants) et prennent le reste de la population, qui n’a pas ou qui n’a pu fuir, en otage ? Sinon est-il possible de dire d’une armée – de l’armée syrienne, par exemple – qu’elle assiège telle ou telle ville, telle ou telle région de son propre pays qu’elle est chargée de défendre contre les attaques extérieures bellicistes ?… L’armée ou le groupe armé qui occupe puis assiège tel ou tel territoire, en venant de l’extérieur, se trouve être un(e) ennemi(e) du pays qu’elle-il essaie de conquérir par la force militaire afin de lui imposer une politique et une économie autres que celles qui se développent au cours de son histoire.
Le Conseil de sécurité dit encore…
« Considérant que la situation humanitaire catastrophique qui règne en Syrie continue de faire peser une menace sur la paix et la sécurité dans la région,
Soulignant que l’Article 25 de la Charte des Nations Unies fait obligation aux États Membres d’accepter et d’appliquer ses décisions,
1. Exige que toutes les parties cessent les hostilités sans délai et s’engagent immédiatement à assurer la pleine mise en œuvre de cette demande par toutes les parties, de façon à instaurer une pause humanitaire durable d’au moins 30 jours consécutifs sur l’ensemble du territoire syrien pour permettre d’acheminer durablement, en toute sécurité et sans entrave l’aide humanitaire et les services connexes et de procéder à l’évacuation sanitaire des personnes gravement malades et des blessés, conformément au droit international applicable ; » [Idem, page 2.]
L’ONU est une organisation garante de la paix et de la sécurité internationales… ça, c’est le slogan. Car elle laisse la bande des trois (États-Unis, Grande-Bretagne, France) déstabiliser de l’extérieur comme de l’intérieur les pays qu’elle veut réduire à merci, déstabilisation qui se transforme, la plupart du temps, en guerre civile doublée d’une guerre coloniale. Si la bande des trois éprouve quelques difficultés, aussitôt l’ONU parle de « pause humanitaire »… pour permettre l’acheminement des armes aux mercenaires qui combattent tel ou tel pays.
Mais, ici, le vent tourne… La bande des trois du Conseil de sécurité n’est plus aussi sûre d’elle : non seulement elle est en train de perdre sa guerre coloniale, sur le terrain mais dans les textes aussi, puisque le Conseil de sécurité…
« 2. Affirme que la cessation des hostilités ne s’appliquera pas aux opérations militaires dirigées contre l’État islamique d’Iraq et du Levant (EIIL, également connu sous le nom de Daech), Al-Qaida et le Front el-Nosra et tous les autres individus, groupes, entreprises et entités associés à Al-Qaida ou à l’EIIL, ainsi que les autres groupes terroristes qu’il a désignés comme tels ; » [Idem, page 2.]
Voilà qui montre que l’ONU a dû faire céder le trio infernal du Conseil de sécurité et céder elle-même face aux pays et entités qui gagnent la guerre sur le terrain : Syrie, Russie, Iran, Hezbollah libanais… Voilà aussi qui permet de dire que la Syrie, la Russie, l’Iran, le Hezbollah libanais n’ont aucunement de cadeau à faire à l’ÉIIL et à ses succursales de mercenaires embrigadés sous la coupe de la coalition occidentalo-golfico-sioniste.
Ce texte n’empêche pas les médias de tromper les populations, par volonté, par omission, par bêtise, par ignorance ?… lorsqu’ils exercent des pressions pour laisser croire que Bachar El Assad continue à bombarder « son » peuple et ne respecte pas la Résolution. Celle-ci exclut de la trêve l’ÉIIL, Al-Qaïda, le Front el-Nosra, mais aussi les « individus, groupes, entreprises et entités » qui leur sont « associés ». Ce qui veut dire que les pays amis de la Syrie et la Syrie se sont réservés, à bon droit, la possibilité de poursuivre les combats contre les « terroristes » jusqu’à la libération totale du pays.
Le Conseil de sécurité fait profil bas :
« 8. Exige de toutes les parties qu’elles permettent au personnel médical et aux agents humanitaires dont l’activité est d’ordre exclusivement médical, à leur matériel, à leurs moyens de transport et à leurs fournitures, notamment les articles chirurgicaux, d’accéder en toute sécurité et sans entrave aux populations dans le besoin, conformément au droit international humanitaire, et exige de nouveau de toutes les parties qu’elles démilitarisent les installations médicales, les écoles et les autres établisssements civils, s’interdisent d’établir des positions militaires dans des zones habitées et s’abstiennent de lancer des attaques contre des installations civiles ; » [Idem, page 3.]
À propos des convois humanitaires, tout est dit dans cette phrase « au personnel médical et aux agents humanitaires dont l’activité est d’ordre exclusivement médical ». Quand cela n’était pas précisé, l’humanitaire était la voie royale pour faire passer des armes aux combattants opposés à l’armée syrienne… Sans doute la Russie et la Chine ne sont pas pour rien dans cette exigence.
Le Conseil de sécurité…
« 10. Demande à toutes les parties de lever immédiatement le siège des zones peuplées, notamment dans la Ghouta orientale, à Yarmouk, à Fouaa et à Kafraya, exige que toutes les parties autorisent l’acheminement de l’aide humanitaire, y compris l’aide médicale, cessent de priver les civils de denrées alimentaires et de médicaments indispensables à leur survie, et permettent l’évacuation rapide, en toute sécurité et sans entrave, de tous les civils qui souhaitent partir, et souligne que les parties doivent se mettre d’accord sur des pauses humanitaires, des jours de tranquillité, des cessez-le-feu localisés et des trêves afin que les organismes humanitaires puissent avoir un accès sûr et sans entrave à toutes les zones touchées en Syrie, rappelant que le droit international humanitaire interdit d’utiliser la famine contre les civils comme méthode de combat ; » [Idem, pages 3-4.]
Ce rappel « que le droit international humanitaire interdit d’utiliser la famine contre les civils » a pourtant été bafoué lors de la guerre en Libye : le commandant de l’OTAN, Charles Bouchard, ne s’était-il pas vanté de détruire les réseaux électriques pour que la nourriture stockée dans les réfrigérateurs durant le Ramadan soit gâchée ? Tout le monde s’est tu.
La résolution 2401 est adoptée par le Conseil de sécurité le 24 février 2018.
Suite : IV. 107 – L’ONU et ses droits de l’Homme… contre la souveraineté des États arabes à tendance socialiste
Françoise Petitdemange
9 mars 2018