Marc Guillaume s’émerveille :
« La santé constitue dès aujourd’hui un secteur très important : 8 à 10% du PIB dans les pays développés, plus de 11% pour la France, environ 15% pour les Etats-Unis. Et le poids économique de ce secteur ne cesse de croître. Certaines prévisions tablent sur une part de 20% du PIB pour la santé dans les pays développés d’ici vingt à vingt-cinq ans. »
Or, la dynamique qui porte la santé à dépasser l’évolution même d’un PIB dans lequel elle ne devrait plus cesser avant longtemps de gagner des parts, ne peut manquer de laisser rêveurs les éventuels investisseurs. Ne nous étonnons pas de l’enthousiasme de Marc Guillaume :
« Les données statistiques disponibles pour les pays de l’OCDE montrent que le revenu par habitant détermine la dépense moyenne de soins par personne. Cette détermination est étonnamment stricte selon les critères statistiques. Elle semble rendre compte de 95% des dépenses de soins. Cela peut conduire à penser que la demande est presque exclusivement fonction du revenu, indépendamment de la diversité des systèmes de santé et de leurs modes de financement. On observe en effet, selon cet ajustement, qu’une hausse de 10% du PIB entraîne un accroissement de 13% de la dépense de santé. »
Ainsi la santé est-elle « un bien dont la consommation augmente plus vite que le revenu disponible ». Ce qui laisse espérer que les taux de rentabilité des entreprises qui trouveront à s’y faire une place pourront atteindre des niveaux record… en aval mais aussi en amont : du côté du financement (qu’il faudrait donc privatiser ?) des dépenses de santé, au moins autant que du côté de l’offre des « biens » de santé (où la liberté d’entreprise a déjà pris des gages considérables)…
Cette place est-elle toutefois suffisamment dégagée ? Marc Guillaume ne nous permet pas d’entretenir la moindre illusion :
« Tout ce qui précède conduit donc à considérer comme inévitable et souhaitable la hausse des dépenses de santé. Mais cette hausse n’est guère envisageable si elle ne laisse pas une place croissante au financement privé des dépenses. »
Une place « croissante »…
C’est donc la Sécurité sociale qui est directement menacée.
Mais plutôt que de songer à seulement se défendre, le moment n’est-il pas venu pour elle de repasser à l’offensive ?
En a-t-elle les moyens? Si oui, sur quelle base les utilisera-t-elle ?
Or, avant même de développer l’écheveau des questions qui peu à peu nous taraudent l’esprit, nous pressentons déjà que c’est justement la qualité du questionnement qui va devoir être, pour quelques temps encore, notre principale préoccupation.
Mais nous n’avons que l’impatience de pouvoir, en la matière, donner dès que possible le meilleur de nous-mêmes.
Michel J. Cuny