Dès la deuxième page du « Droit de la sécurité sociale » (seizième édition, 2008) de Jean-Jacques Dupeyroux, Michel Borgetto et Robert Lafore, nous rencontrons un texte qui porte sur la première moitié du XXème siècle, et qui doit retenir toute notre attention. Pour donner à celle-ci quelques points d’appui immédiatement repérables, nous prenons le parti de rougir, ici aussi, les mots qui peuvent s’offrir comme un ancrage nous permettant d’obtenir une vision panoramique d’une question qu’il faut se garder de n’entendre que dans l’endormeuse musique de l’idéologie dominante :
« Ce qui semble certain, c’est que, à la faveur des révolutions démocratiques qui ont modifié radicalement les formes de cohésion collective, et au terme des transformations économiques générées par le développement du capitalisme industriel, les sociétés de l’Europe occidentale connaissent une mutation radicale tant des institutions de solidarité rapprochée inscrites dans l’espace familial que des dispositifs de gestion politique de la société. Ainsi, de façon presque concomitante, la sécurité des individus et de leurs groupes d’appartenance se réorganise dans des politiques publiques qui cherchent à concilier, par l’émergence du ‘social’ décliné dans les ‘politiques sociales’ et singulièrement dans la ‘protection sociale’, les logiques économiques et les nécessités de protection des individus. »
Le ‘social’ comme moyen de conciliation des logiques économiques capitalistes et des nécessités (capitalistes?) de protection des individus… Faudrait-il se laisser aller jusqu’à prêter attention au doute qui nous étreint soudainement ici?
Or, à la troisième page, ces trois auteurs qui ne peuvent être pris pour de dangereux énergumènes n’hésitent pas à enfoncer le clou :
« D’ailleurs, à la faveur du vote des lois d’assurances sociales dans l’entre deux guerres et surtout de la création de la Sécurité sociale, c’est la régulation des rapports économiques qui va l’emporter, sans toutefois éliminer les logiques attachées à la protection des citoyens. »
Que faut-il entendre par « régulation des rapports économiques » en mode capitaliste de production?… Sinon : régulation du rapport d’exploitation.
Et si nous tentions d’y regarder de plus près, n’aurions-nous pas quelques chances d’entrevoir quelque chose qui ressemblerait à l’esquisse d’un monde bien meilleur?
Michel J. Cuny